Moto Journal

DOVI DOUBLE LA MISE

- PAR Thomas Baujard PHOTOS Gold and Goose, Honda HRC, Ducati et Yamaha Racing

Ceux qui avaient parié sur deux victoires successive­s d'andrea Dovizioso au Mugello et à Montmelo doivent être riches ! Mais de l'aveu même de l'italien, il n'a pas pour autant pris le pouvoir en catégorie reine.

La première fois que j'ai eu l'occasion de parler à Andrea Dovizioso hors d'un circuit, c'était à l'aéroport de Kuala Lumpur, il y a une dizaine d'années. Alors que la plupart des tops bénéficien­t des salons VIP jusqu'à leur embarqueme­nt en business class, Dovi était assis peinard avec les autres passagers. Son statut d'antistar lui permettait – à l'époque – de passer parfaiteme­nt inaperçu, alors qu'un Rossi aurait déclenché une émeute. Avec Andrea, on avait causé tatouages (la fleur d'hibiscus qui orne son avant-bras gauche), paternité avec la naissance de sa petite Sara, et motocross. Dovi, en dehors des circuits, est un mec parfaiteme­nt normal, poli et discret, qui donne presque l'impression que son boulot de pilote Motogp n'est pas si compliqué que ça. Il a même une vraie curiosité pour les autres, chose rare à ce niveau. Et lorsque je lui avais proposé une petite démo des possibilit­és de mon snowboard en fibre de carbone lors de la présentati­on du team Ducati deux hivers plus tard à Madonna Di Campiglio, il m'avait regardé en plaisantan­t : « Tu veux dire que tu es un profession­nel ? » Les gars du team Tech 3 qu'il a invités chez lui, en Italie, vous le diront : Dovi est un mec simple et bonnard, respectueu­x des gens qui l'entourent comme de son matériel. Avec même un petit côté maniaque qui prête à sourire : « Avec l'âge, j'ai tendance à régler la garde de mon levier de frein plusieurs fois par tour pour que l'attaque soit toujours la même. » Vous vous imaginez faire ça en roulant à près de 350 km/h ? Même avec une molette déportée au guidon gauche, c'est chaud patate. Dovi, enfin, je le croise tous les dimanches de course à 7 h 30 dans l'hospitalit­y Ducati où il vient prendre son petit-déjeuner, le rituel étant de ne pas lui souhaiter bonne chance, ce qui porte malheur en Italie, mais « in bocca al lupo », « dans la gueule du loup ».

LES SURPRISES DU CHEF

Ce qui aide aussi à se sentir proche de Dovi, c'est qu'en neuf ans et demi en catégorie reine, il n'avait décroché qu'une seule victoire, sur le mouillé, à Donington, en 2009. [84] Lorsqu'il a remis ça l'an dernier à Sepang, le paddock fut content pour lui, mais a surtout attribué cela à son talent sur le mouillé, ainsi qu'à l'efficacité de la Desmosedic­i dans ces conditions. Sauf que là, coup sur coup et sur le sec, l'homme de Forli décroche deux victoires imparables. Sous les yeux du PDG de Ducati Claudio Domenicali, extatique dans le premier cas, et un rien médusé lors du second – en bon Italien superstiti­eux, il ne serait pas totalement anormal qu'il vienne aussi à Assen. En apparence, le Mugello et Montmelo sont des tracés assez similaires : deux pistes rapides baignées de soleil, qui font la part belle à la fluidité de pilotage comme au gros coeur dans les courbes lancées. Or, année après année, le fossé entre ces deux pistes se creuse. Au Mugello, l'asphalte, resurfacé de frais en 2016, offre un grip souverain et est quasiment dépourvu de bosses. Alors que celui de Barcelone, usé par le GP de F1 et les nombreux essais qui s'y déroulent, est en comparaiso­n une véritable patinoire. Une patinoire abrasive qui, comme l'explique Nicolas Goubert, le boss de Michelin, détruit les pneus en quelques tours, et rend la tâche des pilotes encore plus compliquée sur la durée d'une course. De plus, ce tracé a été castré par une chicane dans son dernier intermédia­ire suite au décès de Luis Salom, ce qui rend la fin du tour nettement moins rapide. Comment a fait Dovi pour faire la différence deux fois de suite ? A Montmelo, lui et son team se sont mieux préparés que leurs petits camarades. « On a passé la quatrième séance libre à travailler en pneus usés pour régler la moto dans des conditions d'adhérence précaire, en pensant à la fin de course, explique Dovi, presque choqué par ce second succès en sept jours. Ça me fait vraiment bizarre, car c'est la première fois que je gagne un GP sans pouvoir attaquer ! » Fin metteur au point et épaulé par le jeune chef ingénieur de talent Alberto Giribuola, Dovi a compris très tôt dans le week-end que la course se gagnerait en économisan­t ses pneus plus qu'en allant chercher les derniers dixièmes. Le poleman Dani Pedrosa, qui excelle par temps chaud et dans

des conditions de grip précaire, l'avait pigé aussi. Mais contrairem­ent à Jerez, où il a joué à plein de l'agilité de la Honda et de sa capacité à freiner tard pour gagner, Dani n'a pas pu contrer la Ducati à Montmelo : « Je voyais Dovi qui coupait en bout de ligne droite pour ne pas trop taper dans ses pneus, et j'étais incapable de faire de même », explique-t-il.

RIEN N'EST JOUÉ

L'efficacité de la Desmosedic­i à l'accélérati­on et la puissance de son moteur ont aidé Dovi à faire la différence. Mais il fallait toute sa finesse de dosage des gaz pour ne pas entamer le capital grip du pneu arrière comme Lorenzo, qui a rétrogradé à mi-course de ce fait. Une fois qu'il s'est retrouvé aux prises avec Marquez, Dovi n'a eu qu'à retarder ses freinages pour se débarrasse­r de l'espagnol.

« J'étais déjà à la limite avec l'avant depuis quelques tours, témoigne Marc. Et comme j'étais déjà tombé cinq fois aux essais, j'ai préféré prendre 20 points que tout gâcher. » OK, Au Mugello comme à Barcelone, Dovi a bénéficié de deux jours d'essais préalables qui lui ont à chaque fois permis d'affiner les réglages châssis. Ce qui est crucial avec la Ducati, comme avec l'allocation Michelin. Et qui représente un sacré coup d'avance sur le reste du plateau. Est-ce que ces deux victoires successive­s placent Dovi au rang de candidat au titre ? Si Pedrosa comme Marquez pensent que oui, Andrea est plus réservé : « Les deux GP qui viennent de se dérouler furent particulie­rs. Au Mugello, pour la première fois de l'année, notre moto était efficace partout. Ici, personne n'avait de grip. Mais dans des conditions normales, les limites de la Desmosedic­i n'ont pas disparu. La moto refuse toujours de tourner. » Les tests du lendemain le prouvent : avec un nouveau châssis qui lui convient mieux (Viñales) et un pneu avant dur monogomme plus stable (Marquez), les deux Espagnols ont d'un coup repris le dessus sur l'italien au chrono sur un tour. Mais s'il pleut à Assen et que Dovi en gagne une troisième, ils vont commencer à se poser des questions… Prochain GP, le 25 juin à Assen.

 ??  ?? 2 [2] Torture test Même avec des gommards “chiffon”, Dovi est parti quand il l'a voulu et s'est débarrassé de Pedrosa et Marquez. Du grand art.
2 [2] Torture test Même avec des gommards “chiffon”, Dovi est parti quand il l'a voulu et s'est débarrassé de Pedrosa et Marquez. Du grand art.
 ??  ?? [3] Au plus court Traj' hyper serrée de Dovi dans le droite de la chicane. Risqué, car c'est un coup à planter le repose-pied dans le vibreur. Mais, comme le dit Marquez, « Aujourd'hui, Dovi était le plus fort. » L'expériment­é Italien de 31 ans a tout...
[3] Au plus court Traj' hyper serrée de Dovi dans le droite de la chicane. Risqué, car c'est un coup à planter le repose-pied dans le vibreur. Mais, comme le dit Marquez, « Aujourd'hui, Dovi était le plus fort. » L'expériment­é Italien de 31 ans a tout...
 ??  ?? [4] Petits malins Dovi, avec son chef ingénieur Alberto Giribuola et Gigi Dall'igna, ont bien joué le coup. Ils ont passé les essais à rouler en pneus usés, travaillan­t à préserver les gommes quand il faisait chaud. Et ça a payé.
[4] Petits malins Dovi, avec son chef ingénieur Alberto Giribuola et Gigi Dall'igna, ont bien joué le coup. Ils ont passé les essais à rouler en pneus usés, travaillan­t à préserver les gommes quand il faisait chaud. Et ça a payé.
 ??  ?? [1] Emus Au niveau effusions, une victoire de Ducati, c'est comme un titre mondial chez Honda ou Yamaha. Bonnard. Claudio Domenicali, le big boss (à droite, en blanc) va vouloir venir tous les weekends désormais ! 1
[1] Emus Au niveau effusions, une victoire de Ducati, c'est comme un titre mondial chez Honda ou Yamaha. Bonnard. Claudio Domenicali, le big boss (à droite, en blanc) va vouloir venir tous les weekends désormais ! 1
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 ??  ?? Dovi et Luigi Dall'igna, le boss du service course, ont l'air de s'habituer au mousseux le dimanche après-midi. Dovi a remporté autant de GP en sept jours qu'en neuf ans et demi en Motogp. Ça s'arrose !
Dovi et Luigi Dall'igna, le boss du service course, ont l'air de s'habituer au mousseux le dimanche après-midi. Dovi a remporté autant de GP en sept jours qu'en neuf ans et demi en Motogp. Ça s'arrose !
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