Moto Journal

L'avenir avec Johann

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Ily a un truc qui m'a vraiment touché, encore une fois. Quand on a vu le début de saison réalisé par Johann, on s'est tous dit qu'on attendrait la coupure estivale pour savoir si on disait « stop » ou « encore ». Bien sûr, on était tous partis sur une idée de deux ans, on s'était dit que s'il y avait une véritable incapacité à travailler ensemble, si la mayonnaise ne prenait pas comme elle a pris, on aurait fait le point. Mais dès Jerez, j'ai dit à Laurent: « Ecoute, nous, on est partants pour s’engager tout de suite pour 2018, parce que ce que vous faites, c’est fabuleux. » Et je sais qu'un pilote est toujours plus libre dans sa tête lorsque son avenir est clarifié, qu'il n'a pas la pression ou le doute de se demander ce qu'il va faire l'année suivante. Comment s’est prise la décision de signer à nouveau avec Johann ? J'ai dit à Laurent : « Johann est en pleine explosion. Cette année, il y a encore beaucoup de courses. Si jamais il peut continuer à travailler avec ce souci en moins dans la tête, c’est mieux. » Laurent n'a rien répondu, et le GP suivant, il m'a dit : « Tu sais ce que tu m’as dit à Jerez, j’en ai parlé à Johann, on est prêts de suite! » On a signé dans la foulée ! Il aurait pu renégocier certains paramètres du contrat. Mais non, il m'a dit: « On est bien, heureux, on a une bonne moto, une super-équipe, on veut continuer comme ça. On ne touche à rien. » L'avenir est clair jusqu'à fin 2018.

Et ensuite ? Après, évidemment que le jour où Johann nous quittera, on sera hyper-tristes, mais tu ne peux pas t'empêcher de rêver qu'il franchisse la dernière étape : devenir pilote d'usine. On a une très bonne moto, mais pas la moto d'usine, et on sait qu'il y a tout un tas de paramètres qui font que… A Barcelone, on a fini devant les deux Yam d'usine. Depuis, ils ont amené des châssis, de l'aéro, des suspension­s… qu'on n'aura pas – même si on a un bon package, et pour ça, merci à Yamaha, car je pense qu'on est l'équipe satellite dotée du meilleur support. Quoique, quand tu vois la Ducati usine de Petrucci chez Pramac… Quoi qu'il en soit, on a une très bonne moto pour les rookies, facile d'accès. On est très heureux de la façon dont Yamaha nous traite, mais tu peux bien imaginer que si la progressio­n de Johann continue courant 2017 et 2018, si on lui propose de rouler dans une écurie d'usine… D'ailleurs, il en a parlé. Par exemple, pour succéder à Valentino Rossi, bien sûr qu'il va y aller.

Et évidemment, on comprendra. On serait tristes, mais heureux aussi. Comme à chaque fois que ça se passe. Parce que l'idée magique d'avoir une moto full usine chez Tech 3, avec le développem­ent et tout, ça ne se passera jamais, parce que ce n'est pas dans l'esprit des Japonais. Ce serait génial. On l'avait demandé à l'époque de Dovizioso, puis à l'époque de Ben Spies, mais c'est impossible. Impossible.

C’est déjà super de pouvoir forger un champion. Bien sûr ! Si d'aventure ça se passait et que, grâce à cette aventure, il pouvait se battre pour le titre avec une moto d'usine, on serait super-fiers, les plus heureux du monde ! Parce qu'on sait que Johann aura alors atteint le Graal après lequel il court quasiment depuis qu'il est né. On a tous vu que le manufactur­ier unique en pneumatiqu­e, le boîtier électroniq­ue unique, les spécificat­ions moteur gelées en début de saison, les spécificat­ions aérodynami­ques que tu ne peux changer qu'une seule fois dans l'année, tout ça fait que les équipes satellites sont techniquem­ent plus proches aujourd'hui des usines. Même si on est toujours loin. Enfin, loin, ce sont des détails, mais l'accumulati­on de détails finit par créer des écarts. Surtout vers la fin de saison. Mais bon, on verra comment les choses ont évolué d'ici là. De toute façon, mon contrat avec Johann Zarco s'arrête fin 2018.

Et avec Yamaha ? Pareil. On entend parler d'un hypothétiq­ue team Valentino Rossi si, d'aventure, il s'arrête à ce momentlà. Mais c'est difficile de parler d'avenir aujourd'hui. Ce que je voudrais, c'est que ma collaborat­ion avec Johann Zarco soit aussi longue que possible. Si lui veut rester chez nous, il peut rester chez nous à vie ! Après, s'il a des opportunit­és meilleures que les nôtres – et il y en a –il faut qu'il y aille.

Mais c’est super, parce qu’on regarde les GP depuis plus de trente ans et qu’on n’avait jamais vu “d’animal” comme lui. Non! En tout cas, pas de Français. Quoi qu'il en soit, pour nous, c'est fabuleux de vivre ça. Après l'expérience qu'on a eue avec d'autres pilotes satellites, on s'est dit : « C’est fini. Les podiums, ce n’est plus pour nous. »

[Johann fait irruption dans le bureau avec des motos MZ miniatures en bois qu’on lui a offertes : « Mais si, c’est pour toi les podiums, saucisse ! » Hervé, imperturba­ble, poursuit.] Les pole positions, on n'y a plus droit! On était un peu résignés, et c'est la réalité. Alors oui, l'année dernière, il y a eu des pilotes satellites sur le podium, mais c'était dans des conditions particuliè­res. Mais là, je te le dis : à la régulière – car la pole de Johann, il l'a faite à la régulière! Pareil pour son podium. Ça, on n'y croyait plus vraiment. Et c'est ce que Johann nous a apporté. Il nous a redonné une certaine fierté. Parce qu'avant, par rapport aux usines, je ne veux rien exagérer non plus, mais ça faisait un peu le cinq étoiles et les favelas… Chaque fois que j'étais allé à Rio pour le GP, je trouvais que ça ne peut que choquer, ces deux mondes qui se côtoient. Qui se touchent et qui sont aussi différents. Il ne faut pas exagérer non plus, on n'est pas les favelas, mais quand tu connais la réalité de l'ensemble, ce n'est pas la même. Au niveau du budget, des capacités techniques, de plein de choses. Alors, Johann, on est très heureux de l'avoir et on en profite tant qu'il est là !

Johann, s'il veut rester, on le signe à vie !

 ??  ?? Johann Zarco n'oublie pas les sponsors qui lui ont permis d'accéder au Motogp. Il arbore ainsi une déco de casque spéciale Maxxess en Catalogne, et fera de même pour Bihr à Assen.
Johann Zarco n'oublie pas les sponsors qui lui ont permis d'accéder au Motogp. Il arbore ainsi une déco de casque spéciale Maxxess en Catalogne, et fera de même pour Bihr à Assen.
 ??  ?? Ci-dessous : Johann s'est frotté plusieurs fois à son idole, Valentino Rossi. Ici au Mans, mais aussi, plus virilement, à Austin et Assen. Jusqu'ici, leur relation n'en a pas trop souffert.
Ci-dessous : Johann s'est frotté plusieurs fois à son idole, Valentino Rossi. Ici au Mans, mais aussi, plus virilement, à Austin et Assen. Jusqu'ici, leur relation n'en a pas trop souffert.
 ??  ?? Hervé avec Lin Jarvis, le patron du Motogp chez Yam. Fin tacticien et président de l'irta, l'associatio­n des teams de GP, Poncharal est l'une des pièces maîtresses de l'échiquier des Grands Prix.
Hervé avec Lin Jarvis, le patron du Motogp chez Yam. Fin tacticien et président de l'irta, l'associatio­n des teams de GP, Poncharal est l'une des pièces maîtresses de l'échiquier des Grands Prix.

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