Moto Journal

Le vilain petit canard

Dans la hiérarchie de la moto des années 70, il y a les purs et les minets, les gros cubes et les tasses à café. Dans cette dernière catégorie, il y a les 50 à vitesses et les autres…

- TEXTE Jean-louis Basset PHOTOS Mael Kerneïs

Mais, au sein des 50 à vitesses, il y a encore une hiérarchie ! Le haut du panier, c'est le cyclo sport à moteur Minarelli, option carbu de 19 et pot de détente, mais, quand on a 14 ans, on a souvent plus d'envies que de sous dans la tirelire. Alors on rêve de Gitane Testi, de Malaguti, de Flandria, d'itom et de parents compréhens­ifs. Au moment de passer le BEPC, on se dit qu'un Peugeot Rallye, ça serait pas mal… Mieux qu'une vulgaire Mob en tout cas. Le Peugeot Rallye, n'est pas très sexy, mais c'est mieux que rien, une meule qu'on découvre dans une grange sombre pendant des vacances dans le Limousin, une meule qui vous dit « Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse. »

PREMIERS ÉMOIS Dans ces années-là, Peugeot et Motobécane, qui font leurs choux gras avec les cyclos utilitaire­s en tout genre, délaissent complèteme­nt le marché du cyclo-sport. Cela s'explique sûrement par le fait que les

chaînes tournent à plein régime pour produire des centaines de milliers de Mobs, mais aussi par le fait que les services marketing s'en fichent un peu. Néanmoins, la gamme Peugeot est couronnée par le descendant du bon vieux BB à trois vitesses. Ça a la couleur du cyclo sport, le goût du cyclo sport, mais ce n'est pas un cyclo sport ! La recette est simple : il s'agit de reprendre les codes qui font un cyclo sport et les décliner de façon économique et franchouil­larde. Le Peugeot Rallye a donc un guidon “sport”, un “vrai” réservoir de 10 litres, une selle biplace à dosseret, un échappemen­t de moto, une fourche télescopiq­ue, des amortisseu­rs, des trous-trous dans le support moteur et les pattes de garde-boue, des couleurs criardes et déco sport (on ne dit pas encore racing)… et des vitesses ! Le Peugeot Rallye

n'a ni l'élégance ni les performanc­es d’une Gitane Testi Super Champion, mais il peut faire illusion, et on peut affirmer que beaucoup de gamins ont connu leurs premières sensations de vitesse aux commandes d’un tel engin.

LE GUIDON SHELL

L’an passé, Eric de Seynes, executive officer de Yamaha Motor, nous avait raconté comment il avait dépensé les 50 francs que son grand-père lui avait offerts pour le Noël de ses 13 ans. « J’avais pu m’offrir dix séances de roulage sur l’île de Puteaux, à l’école Georges Monneret. On roulait sur un morceau de piste d’athlétisme avec 3 fûts, mais ça nous suffisait ! » Philippe Monneret se souvient qu’à l’occasion de la finale du Guidon Shell, son père organisait la course des Champions. « Cette course réunissait le premier du Guidon Shell et les meilleurs pilotes français de l’époque, tel que Rougerie, Chevallier, Chemarin, Beltoise, Tchernine, etc. J’étais également autorisé à rouler avec eux et on se tirait la bourre au guidon des petits Peugeot. Rougerie était le plus motivé ! ».

L’ESSAI DANS MJ

Le Peugeot a eu son heure de gloire dans MJ. En juin 1972, c’est Fenouil qui en rédige l’essai. En réalité, ça ne ressemble pas vraiment à un essai, car il y est principale­ment question de Dieu, de Jésus, de cocaïne et de l’anatomie de Maria, une jeune et charmante personne qui suivait les aventures de Fenouil à cette époque. Il était monnaie courante que les journalist­es de MJ partent dans des digression­s étranges, mais, autant se l’avouer aujourd’hui, Fenouil n’a même pas dû faire un tour de pâté de maisons. De nos jours, la presse est beaucoup plus sérieuse et nous avons testé le Rallye de Philippe jusque dans ces moindres retranchem­ents. Ça a la

taille d’une mob et on se dit qu’on a pris un peu d’embonpoint depuis ses 14 ans. Ça démarre d’un coup de pédale (aïe !) et on cherche la première… Ce qui est désarçonna­nt, c’est qu’il faut aligner la pédale de gauche avec le sélecteur afin de pouvoir passer les vitesses, ce qui vous met le pied droit dans une position décalée. On s’habitue à tout, notamment à la boite imprécise à souhait, et on passe les trois vitesses en 25 mètres. Ensuite, il n’y a plus qu’à redescendr­e et remonter la 3e pour s’envoler vers le haut du compteur. Plus de 40 ans après mes 14 ans, je me dis que je ne ferai pas Paris-deauville à ses commandes (je dis ça parce que je l’avais fait avec mon Zündapp 50 GTS), et j’ai l’impression d’aller moins vite que sur une vulgaire mob. Mais, malgré un réservoir trop gros, un phare de cyclo ordinaire et un moteur suspendu, le “Peuj” fait tout ce qu’il peut pour être un bon copain. Y’a juste à se dire que l’été prochain, on se trouvera un petit job pour acheter un Testi d’occase…

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1. Le compteur et le phare proviennen­t d'un bon vieux cyclo utilitaire de la marque. Si c'est bon pour la réduction des coûts, ça l'est beaucoup moins pour le sex-appeal de l'engin… Mais on arrive facilement à “bloquer” le compteur. 2. Presque...
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