Moto Journal

NAKAGAMI SE RÉVEILLE

Cinq jours après avoir signé son contrat de pilote Motogp avec le HRC, Takaaki Nakagami remporte avec brio la seconde victoire de sa carrière… alors qu’il n’était pas monté sur le podium depuis Assen.

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Octobre 2015, la fin de soirée est rude pour le team de Nakagami dans le spacieux bar du Nilial Springs, hôtel stratégiqu­ement situé à un quart d’heure du circuit malais de Sepang. Faits comme des rats, les Japonais qui entourent Taka massacrent conscienci­eusement un karaoké en beuglant. Comme font souvent les Nippons lorsqu’ils ont trop bossé. Ou qu’ils ont essuyé une déconvenue.

CODE D’HONNEUR

A l’époque, Takaaki en est déjà à sa quatrième saison en Moto2. Selon ses employeurs, il tarde à concrétise­r les espoirs placés en lui. 4e du GP de Malaisie, il loupe une nouvelle fois le coche après cinq podiums et trois poles deux ans plus tôt en 2013, et s’être affiché comme un possible candidat au titre à seulement 21 ans. Depuis les décès de Kato (2003), Abe (2007) et Tomizawa (2010), le Japon cherche désespérém­ent un nouveau héros, d’autant que la carrière en Motogp d’aoyama ne fut qu’un feu de paille. Depuis 2014, les résultats de “N’a pas d’ami” sont pour le moins en dents de scie : 22e, 8e puis 6e en Moto2. On désespérai­t de voir Takaaki tout mettre bout à bout un jour. Jusqu’à un premier trait de génie en 2016 à Assen, avec une victoire face à Johann Zarco obtenue sous drapeau rouge. Et cet indiscutab­le second succès dimanche, salué pour la première fois par le drapeau à damier. Que s’est-il passé ? « Lorsque j’ai signé mon contrat pour le Motogp en début de semaine, je me suis dit qu’il me fallait absolument un bon résultat. Je n’avais pas le choix ! », répond Taka, ravi, dans le parc fermé. C’était juste ça ? Son team-manager, le sémillant Tadayuki Okada, qui ne sourit que lorsqu’il se brûle, n’a qu’à lui faire signer des contrats Motogp chaque veille de course, et il va tout emplâtrer ! Plus sérieuseme­nt, le sens de l’honneur de Takaaki semble être un sacré facteur de motivation. En conférence de presse d'après victoire 2016 à Assen, lorsqu’un journalist­e demandait à Johann Zarco s’il pensait que sans drapeau rouge, il aurait pu gagner, Taka a regardé le Français avec des yeux de cocker et lâché : « Please say no ! » Ça n’avait aucune espèce d’importance, Taka avait gagné ! Mais c’était capital pour lui. Aujourd’hui, dans la mesure où Nakagami avait la confiance du HRC, il était inconcevab­le qu’il les déçoive. On retrouve cet état d’esprit chez les jeunes ingénieurs du HRC, qui débarquent en GP et sont sidérés de voir Italiens, Espagnols et Français se taper sur les cuisses une fois le boulot terminé : « Pour nous, les Grands Prix sont un champ de bataille : ce n’est pas un endroit où rigoler. » (voir pour cela l’excellent documentai­re from Cervera to Tokyo, qui évoque les différence­s entre l’europe et le Japon).

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Bien entendu, le seul fait d’avoir signé un contrat Motogp n’a pas métamorpho­sé Takagami de second couteau en Franco Morbidelli. Takaaki mettait déjà du gros gaz avant de réaliser son rêve de catégorie reine. En revanche, la confiance qu’a dû lui apporter cette reconnaiss­ance officielle de Honda est sûrement la différence entre sa sixième place au GP d’autriche il y a quinze jours et sa victoire d’aujourd’hui.

UN SPORT MENTAL

Car dans une catégorie où moteur, châssis, pneus, freins et suspension­s sont quasiment identiques, le mental joue un rôle prépondéra­nt. Avant sa victoire, Takaaki avait déjà accumulé treize podiums, quatre poles et un record du tour en Moto2. Tout ceci ne tombe pas du ciel. Il avait également un top-team, un gros sponsor, le pétrolier japonais Idemitsu, et l’assurance que tout le monde patientera­it le temps qu’il faudrait pour que les résultats arrivent. Six saisons dans le même team ! Avec Lüthi, Taka est le seul à s’être offert un tel luxe, sauf que le Suisse avait un titre de champion du monde derrière lui. Nakagami était peut-être dans une situation trop confortabl­e – en tout cas dans sa tête – pour se faire violence. Alors que là, pour lui, il y avait urgence. Testuo Suzuki, le big boss de Honda, le regardait dans le blanc des yeux. Et s’il se ratait, c’était un katana bien aiguisé qui l’attendait pour en faire un sashimi de pilote… Dès Misano, il sera amusant de voir si le charme opère encore. Ou si, avec le sentiment du devoir accompli, Takaaki se laisse à nouveau tranquille­ment dériver vers le milieu du peloton. Histoire de ne pas prendre de risques avant l’an prochain !

 ??  ?? 1 [1] Consécrati­on Mattia Pasini (54) a sonné la charge, mais Takaaki Nakagami a tenu bon. Ainsi auréolé de sa première victoire en 2017, il est prêt pour le Motogp en 2018. [2] Exposition Sont pas beaux, nos pilotes aux yeux de mouche ? Le frisé à...
1 [1] Consécrati­on Mattia Pasini (54) a sonné la charge, mais Takaaki Nakagami a tenu bon. Ainsi auréolé de sa première victoire en 2017, il est prêt pour le Motogp en 2018. [2] Exposition Sont pas beaux, nos pilotes aux yeux de mouche ? Le frisé à...
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