RIEN NE VA PLUS
Marquez qui casse le moteur de sa Honda officielle, Dovi qui gagne quatre des sept derniers GP, et les cinq leaders qui se tiennent en 35 points après 12 courses. La saison devient folle.
Quand Marquez a explosé son moteur, j'ai tout pris dans la tronche, et j'ai vraiment eu très peur », s’exclame Maverick Viñales après l’arrivée. Un vrai nuage de fog londonien en pleine après-midi radieuse et sans vent à Silverstone, cela a de quoi surprendre, en effet. Surtout nez dans la bulle, en pleine aspi à 320 km/h chrono. « Je ne savais pas si c'était de l'eau ou de l'huile, mais j'ai quand même freiné 20 à 30 mètres plus tôt. Du coup, Valentino et Dovi en ont profité pour créer un écart. Mais durant les cinq derniers tours, j'ai tout donné et j'ai pu les ramarrer. » Question aux trois pilotes Motogp lors d’une nouvelle conférence de presse d’après-course passionnante : est-ce le plus beau championnat auquel vous ayez jamais participé ? Dovi : « Sans aucun doute. » Maverick : « Oui ! » Rossi : « Oui. C'est assez spécial, cette année. D'habitude, tu te bats contre un seul adversaire. Là, en course, on est quatre, et lors des séances d'essais, on est dix ! » Et comment tout ceci va-t-il se terminer ? « Ce qui serait bien, c'est que les cinq premiers du championnat arrivent à égalité de points à Valence, enchaîne Vale. Qu'il fasse un temps superbe vendredi et samedi, et que dimanche matin, il se mette à tomber des cordes. Ce serait bien que le championnat se termine comme ça ! »
LE SANCTUAIRE
Du haut de la tribune qui domine les virages 2 à 6 de Silverstone, l’australien Wayne Gardner scrute les toppilotes dans cette enfilade rapide qui rappelle les portions couillues d’assen ou de Phillip Island. L’air est vif en ce samedi matin, la lumière rasante, on pourrait presque se croire en mer, avec, tout autour, ces immenses prairies qui ondulent, balayées par les vents. En connaisseur, le champion du monde 500 1987 admire : « Heureusement pour Honda qu'ils ont Marquez. Comme le châssis de la Honda est moins bon que celui de la Yam, il compense en attaquant davantage. Regarde : aucun pilote ne balance la moto avec une telle rapidité entre les virages 4 et 5. Pedrosa est un excellent pilote, mais il est clairement surclassé en attaque par Marquez à cet endroit. Malgré ça, si tu regardes l'entrée de l'enfilade [virages 2 et 3], tu vois que les Honda Repsol pompent un peu sur leurs suspensions en entrée, ce que ne font pas les Yam. Ça permet à Rossi de gagner du temps sur les Honda à cet endroit-là. Cette supériorité de Yam en châssis n'a rien de nouveau : j'ai gagné la course 500 ici en 1986, mais j'étais obligé de surpiloter ma NSR pour battre les Yam. Je peux te dire qu'à l'époque, sur le mouillé, cette piste était particulièrement glissante, et qu'avec la 500 2-temps, je me suis fait un paquet de chaleurs avant de voir le drapeau à damier ! » Il y a 15 jours, le championnat du monde faisait étape dans les Alpes autrichiennes avec un circuit doté de
63,5 mètres de dénivelé. Contre 11,3 mètres ici, en plein Northamptonshire, au sommet d’un plateau qui servit d’aérodrome militaire durant la Seconde Guerre mondiale. Comme si un géant avait écrasé tout relief environnant avec une masse. Un élément relie toutefois ces deux tracés : leur impressionnante vitesse. 177 km/h de moyenne pour la pole de Marquez, contre 186,7 km/h en Autriche, soit presque dix bornes de moins. Mais dans les grandes courbes bosselées comme Abbey (V11) et Woodcote (V18) négociées à 200 km/h en travers,
Zarco une nouvelle fois devant les pilotes d'usine Rins, Iannone, Espargaro, Lowes et Pedrosa. Si Rossi reste chez Yam, Johann devrait trouver du travail…
la prise de risque des pilotes est tout aussi effrayante. Et comme témoigne Valentino Rossi : « Silverstone en Motogp lorsqu'il fait grand beau temps, on ne fait pas beaucoup mieux. »
DUCATI MET LA PRESSION
« Si on est aussi performants depuis le début de la saison, ce n'est pas seulement de mon fait, c'est le travail de tout un groupe de personnes », expliquait modestement jeudi Dovizioso en conférence. Lorsqu’on lui repose la question sur sa part personnelle dimanche après sa 4e victoire, Dovi répond : « 60 % Dovi et 40 % Ducati », tout en expliquant que l’usine l’aide à tous les niveaux. « Le travail mené par mon équipe technique fait la différence par rapport à l'an dernier. Il y a aussi les informations ramenées par Jorge Lorenzo, qui permettent de faire avancer la mise au point de la moto, même si, depuis le début de la saison, elle n'a que peu évolué. Mais, aujourd'hui, on a montré à nos concurrents qu'on avait une chance de lutter pour le titre. Neuf points d'avance avec six GP à disputer, c'est maigre comme marge, mais on a été capables de gagner quatre GP à chaque fois lors de circonstances différentes. Ce qui prouve que nous avons une bonne base. Que nous travaillons de manière intelligente chaque week-end. Comme aujourd'hui : même lorsque nous ne sommes pas les plus rapides aux essais, on reste calmes et on bosse pour extraire le meilleur du potentiel des pneus, ce qui est capital en course. » A ce sujet, le journaliste britannique Mat Oxley expliquait ce week-end dans son blog sur le site Motorsport que Ducati pourrait avoir un atout dans sa manche pour l’exploitation des pneumatiques. Il s’agit de son contrat exclusif avec la firme italienne Megaride, qui modélise le comportement des véhicules grâce à l’informatique. Et qui est capable de déduire avec précision les contraintes que subissent les différents organes, dont les pneus. Car dans les quatre cas de figure où la Ducati a gagné cette année, son avantage au niveau de la motricité était clair. A Silverstone, il était chiffrable même en ligne droite : 326 km/h chrono pour Dovi dans Hangar Straight contre 316 km/h pour Marquez. A condition de se passer du carénage avec appui aéro qui freine la Desmosedici. Comme l’explique Rossi : « Aujourd'hui, les trois pneus arrière que nous fournit Michelin fonctionnent en course. Et mettre le doigt sur la combinaison qui va marcher le mieux est très compliqué. » Si Ducati a réussi à se ménager une longueur d’avance dans la compréhension des pneumatiques fournis par Michelin, ils disposent effectivement d’un atout dans la conquête du titre. Mais leur atout maître est l’intelligence de course de Dovi, qui s’est montré à chaque fois le meilleur pour gérer ses pneus, alors que l’électronique unique aide sensiblement moins les pilotes dans ce domaine depuis deux ans. Est-ce que ce sera suffisant pour triompher du talent de Marquez et Viñales comme de l’expérience de Rossi et de Pedrosa ? Rien n’est moins sûr. Prochain GP le 10 septembre à Misano.