Moto Journal

MORBIDELLI LIMITE LES DÉGÂTS

Sur un des tracés de prédilecti­on du Suisse Tom Lüthi et dans les conditions où il excelle, Franco Morbidelli était vulnérable. Mais il s’est admirablem­ent tiré du piège.

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Franco Morbidelli a beau compter huit victoires contre une pour son challenger n° 1 Tom Lüthi, il arrive au Japon avec seulement 21 points d’avance sur lui. Mais, comme à son habitude, Franco prend la chose avec décontract­ion, et profite des essais pour travailler son talon d’achille : le mouillé. Au terme de la première journée d’essais libres, il pointe à une remarquabl­e quatrième place, à seulement quatre dixièmes de la pole provisoire détenue par Lüthi. Il est temps de rendre visite à Pete Benson, son chef ingénieur néo-zélandais, qui arpente les paddocks depuis 23 ans, et a bossé avec des sommités telles que Nicky Hayden et Andrea Dovizioso en Motogp. Coincé entre deux flightcase­s sous l’auvent du team Marc VDS, le Kiwi nous parle de son poulain.

LA CLASSE

« Je pense que Franco est un pilote très doué, qui n’a pas encore exprimé l’intégralit­é de son potentiel. C’est sa cinquième saison, mais lorsqu’il est arrivé ici, c’était en side-car d’une catégorie bien inférieure. Le Superstock italien, je crois. Donc ce n’était pas de la course de haut niveau. Et malgré ça, d’entrée de jeu, il a montré de grandes capacités. Comme sa capacité à se battre avec ses adversaire­s en piste. Malheureus­ement pour lui, il s’est blessé deux fois coup sur coup en 2015, se cassant la hanche en début d’année, puis la jambe en motocross pendant l’été. Ce fut une saison difficile durant laquelle il n’a que peu couru. A l’époque, on cherchait un pilote, car Tito [Rabat] avait décidé de passer en Motogp. Et Franky m’impression­nait par la manière dont il se comportait en piste et en dehors. Donc on l’a signé. C’est un pilote très intelligen­t, qui parle plusieurs langues, a d’autres centres d’intérêt que la moto et de la culture. Il a une vie en dehors de la moto et est quelqu’un de très intéressan­t

à fréquenter. Dès le début de notre collaborat­ion en 2016, on a vu qu’on avait des manières de travailler totalement différente­s. A partir du moment où l’on a réussi à s’accorder, il a progressé très vite. De la pause estivale à la fin de saison, il n’a pas gagné une course, mais a marqué plus de points que n’importe qui, Zarco compris. Et ce malgré son manque d’expérience. En 2017, Zarco est parti, ce qui a simplifié sa tâche. Mais, dès la fin de saison dernière, tu pouvais voir qu’il serait l’homme à battre. Franco est très concentré sur ce qu’il fait, et, en même temps, il ne s’énerve quasiment jamais. A part quand quelque chose ne va pas et que ce n’est pas sa faute, mais il a alors raison. Dans l’ensemble, c’est un plaisir de travailler avec lui. On ne s’est jamais pris la tête sur quoi que ce soit, et c’est reposant. Il est à la fois relax et humain. Ça lui permet de bien gérer la pression. Ça, je pense que tu l’as ou tu ne l’as pas. Je pense que Franco ressent la pression, surtout maintenant. Tout le monde vient le voir en lui donnant des conseils. C’est une situation qu’il n’avait jamais vécue auparavant. Et pourtant, il la gère extrêmemen­t bien. Si tu n’as pas cette qualité, tu ne peux pas devenir champion. Je pense qu’il fait la différence par rapport à Lüthi et Marquez parce qu’il est plus doué qu’eux en bagarre. De plus, sur les sept des dix derniers circuits sur lesquels on est allés, il est plus rapide qu’eux, en tout cas sur le sec. Sur le mouillé, il a encore un peu de mal. Sur les circuits espagnols, Alex Marquez est un peu meilleur que lui, mais ailleurs Franco domine. L’écart est infime : des dixièmes, des centièmes parfois, mais, sur les 20 ou 25 tours de la course, c’est assez pour faire la différence. Deux exceptions à ça : le Mugello et Barcelone, où il a signé de mauvais résultats pour lui, quatrième et cinquième. Mugello est comme Misano, une course à la maison, et la pression est énorme. De plus, Mugello et Catalunya sont des pistes hyper-rapides, et, même s’il progresse, il a encore un peu de mal. Il a juste besoin de roulage là-bas. Mais ce n’est pas quelque chose que tu peux reproduire à l’entraîneme­nt. Mugello est un circuit où la trajectoir­e est extrêmemen­t importante. Tu ne peux pas entrer trop vite dans les courbes. Il est très facile de faire des petites erreurs qui te coûtent cher au chrono. »

LE GRAND FRÈRE

« Il a une bonne relation avec Valentino Rossi, poursuit Pete. Ils ont beaucoup de similitude­s. Ils pratiquent de nombreuses discipline­s à l’entraîneme­nt au cours desquelles ils se font plaisir. De plus, Franky a la possibilit­é de demander conseil à Valentino sur ce dont il a besoin. C’est important, car Valentino n’aurait pu faire une telle carrière s’il n’était pas intelligen­t et réfléchi. S’il peut transmettr­e un peu de cette sagesse aux jeunes pilotes, alors c’est parfait. Comme Franco n’est pas bête, il profite au mieux de cet enseigneme­nt. Pour progresser encore, il faut simplement qu’il accumule de l’expérience, ce qui est un processus naturel. Il y a plein de petites choses à assimiler. Tant que tu gardes l’esprit ouvert et que tu ne penses pas tout savoir, tu progresses. » Illustrati­on en course avec une prestation pleine de maîtrise, qu’il conclut à la huitième place. Alors que Tom Lüthi, en proie à des problèmes d’écran embué (rares chez Shoei) ne termine que onzième. Dans la soirée, on apprend la disqualifi­cation de Dominique Aegerter pour huile non conforme à Misano. Ce qui permet à Tom de récupérer cinq points, et de repartir avec 19 points de retard sur Franco au lieu de 24. Mais, plus ça va, et moins la cuirasse de Morbidelli a de défaut.

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