Moto Journal

Y sont où les motards français ?

- Philippe, de Laval-pradel (30)

Je me présente : 42 ans de moto, enduriste, pistard et routard, j’ai connu le marché de la Bastille, Rungis et Coulommier­s. Et puis, le circuit Carole est arrivé, et le motard est rentré dans le rang. La moto, vous l’avez compris, c’est ma passion et, plus que la monture, c’est l’esprit motard qui m’anime et son art de vivre. En moto, on ne se déplace pas, on voyage, on rencontre, on ressent, on vibre. Que ce soit sur la route ou dans un chemin, on s’adapte à l’environnem­ent, on est dans le tableau, acteur et non spectateur. Depuis quelques années, j’ai pris la bonne habitude de partir seul quelques jours deux ou trois fois par an, histoire de mettre du gaz, d’enrouler du câble (on dit maintenant du ride by wire), en France et ailleurs. La dernière en date, c’était il y a trois semaines : 2 400 km sur quatre jours entre Alès, Bergame, le Stelvio, le Simplon, le Grand et le Petit Saint-bernard, l’iseran, le Télégraphe, le Galibier, le Lautaret, l’isoard, le col de Vars, celui d’allos et retour dans les Cévennes. Je suis gourmand : les cols, c’est comme les cacahuètes quand je mets le nez dedans… Et à chaque fois, la question qui tue… Mais ils sont où ? Qui ça ? Mais les motards français !!!! J’ai croisé des Suisses, des cohortes d’allemands en GS, des Italiens, même des Hollandais en Harley (faut en vouloir, avec ces tromblons), mais point de Gaulois. Le motard français serait donc devenu un petit gicleur? Par contre, pour faire poêt-poêt le dimanche matin, quand bobonne est d’accord, quand il fait beau, histoire de mettre du gaz entre deux ronds-points, là, ça assure grave. Quatre-en-un, cohortes de Kawa Z 750 tunées à mort ou hipsters à gogo qui se traînent la b…, et d’autres, des rebelles, gilet jaune sur le dos, on sait jamais, la moto, c’est dangereux! Sans faire le vieux con, l’esprit motard fout le camp. Et ça me désole. Il suffit de parcourir les réseaux sociaux, notamment les groupes spécialisé­s moto, pour être atterré. Je ne parle même pas des fotes d’ortografes tous les deux mots, ça pique les yeux, mais du niveau des commentair­es, où la bêtise le dispute au vide sidéral des échanges entre tous ces trentenair­es et quadras nostalgiqu­es de Casimir, prompts à pleurer dès qu’ils entendent Chantal Goya chanter. Même Moto Journal s’y met: quand toi, qui devrais être le gardien de l’esprit motard, tu fais paraître la photo du petit dernier sur son trône. Franchemen­t, on s’en fout du petit dernier. Ou lorsque tu te fais l’écho du dernier bazar à la mode du côté de Biarritz. Même le salut motard fout le camp. Par contre, comme le premier clébard qui lève la patte, le motard d’aujourd’hui est prompt à lever la sienne pour remercier le quidam en voiture. En même temps, il a raison, le quidam, de se pousser, quand on voit qu’il risque de se prendre un coup dans le rétro pour ne pas s’être jeté dans le bas-côté pour laisser passer le King de la Route. C’est le même motard qui, sous prétexte de sécurité, roule en échappemen­t bruyant, mais qui oublie qu’on l’entend à trois kilomètres à la ronde, la nuit, et qui fait chier ses voisins, et les autres. C’est souvent le même, d’ailleurs, qui, lors des manifs, fait hurler son moteur jusqu’au rupteur. Une lumière de plus sur les routes. C’est encore le même, si, si, je vous assure, qui emmène ses mômes le matin à l’école, lui, équipé comme un kéké, et sa descendanc­e derrière, en short, baskets et mains nues. Par contre, faut pas tomber en panne, car là, tu peux attendre. Heureuseme­nt, avec l’assistance 0 km, AXAMVGAN s’occupe de tout! Je l’avoue, j’aime bien taquiner le mec en Wing avec sa peluche sur son top-case, pisser sur le twin poussif, enrhumer le 4-cylindres. Mais, même si tout ça fait partie du folklore, il faut le sauvegarde­r, car la mauvaise foi fait partie de l’esprit motard. Bien sûr, ce qui compte en premier, ce n’est pas la monture, mais l’esprit du gars qui la chevauche. Heureuseme­nt, tout n’est pas perdu. A Alès, il y a une bande de petits jeunes qui roulent en 50 Supermot, et que je vois, qu’il pleuve ou qu’il vente, sur les routes cévenoles. Je suis sûr aussi qu’un paquet d’entre vous qui me lisez partagent cet état de fait. Le niveau du motard moyen baisse. Malheureus­ement, il semble que le monde motard n’échappe pas à la tendance générale. Nous sommes encore quelques dinosaures à résister. Où est la relève ? Lors de ma dernière virée, en haut du Galibier, le lundi matin à 9 h, nous étions deux : moi et un motard en 125 Yam qui faisait la route des Alpes. Et nous étions seuls. Mais ils sont où, les motards français ?

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