Ducati Panigale V4 S
La nouvelle Panigale V4 change radicalement, en s'inspirant de la Ducati Desmosedici de Motogp. Résultat : un V4 de 214 ch pour 195 kg avec les pleins. Un rapport poids/puissance jamais vu sur une moto de série pour des performances décoiffantes.
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Parfois, on part sur un essai avec des a priori. A la vue de la fiche technique, je pensais me faire arracher les bras des demi-guidons de la Ducati Panigale V4 S. En prendre plein la figure et être débordé par 214 canassons bien énervés, comme Ducati a l'habitude de nous fournir. Pour préparer cet essai au mieux, ça fait des mois que je vais à la salle de sport, que je pousse de la fonte [y a du boulot, note du réd' chef], passe des nuits à faire de la corde à sauter pour le cardio, histoire d'avoir une chance de dompter la cavalerie de la nouvelle Panigale V4. Mais après cette première session avec le mode Sport enclenché, je me dis que j'aurais mieux fait d'aller boire des coups avec les potes. Ça pousse fort, mais on est loin du côté explosif façon bâton de dynamite auquel je m'attendais, surtout sur un “petit” circuit comme celui de Valence. La Panigale V4 S se montre exploitable pour une sportive de plus de 200 ch et, finalement, assez facile à prendre en main. On est bien loin de la bestiale Panigale V2. La position de conduite est des plus accueillantes et conventionnelles. On s'installe à bord sans problème et, pour un usage piste, les commandes tombent idéalement sous les mains et les pieds. On ne trouve plus ce côté ultrafin avec des demi-guidons très ouverts. La Panigale V4 est rentrée dans le rang… mais pas tout à fait. Avec cette architecture moteur V4 ouvert à 90° calquée sur celle de la Desmosedici, on se croirait dans un paddock de Motogp quand le staff Ducati fait chauffer les Panigale V4 S équipées de la ligne Akrapovic (non homologuée) qui permet de leur faire cracher 226 ch.
LA CLAQUE
Deuxième session. On arrête les conneries. J'ai envie de savoir ce qu'il a dans le ventre, ce V4 de 1 100 cm3 en limitant l'intervention des assistances au pilotage : contrôle de wheeling positionné sur 1 (contre 3) et curseur du contrôle de motricité ajusté sur 2 (contre 3). Il devrait être moins bridé, ce V4. Je découvre alors le vrai visage de la Panigale, qui se cachait derrière une électronique à la pointe de la technologie opérant si discrètement qu'il est difficile de savoir quand elle fonctionne. La Panigale V4 vous sort des virages avec une force et une vitesse incroyables. La motricité, d'excellent niveau, permet de rapidement accélérer à fond et de laisser le V4 s'exprimer à pleins poumons. Et il respire fort. On ne ressent pas de vrai coup de pied au cul, mais la poussée va crescendo au fur et à mesure que le régime augmente. Passé 10 000 tr/mn, on bascule dans un autre monde. Les accélérations sont puissantes et la vitesse avec laquelle le V4 prend des tours est impressionnante, dans une sonorité exceptionnelle rappelant celle du moteur de la Ducati de Motogp. Dans la ligne droite des stands, on se prend pour Dovi à égrainer les rapports poignée dans l'angle grâce au shifter, qui fonctionne lui aussi
Efficace et performante, cette Panigale de 214 ch sait tout de même se laisser dompter
avec douceur. Ce V4 semble dépourvu d'inertie et vous colle le cul dans la coque arrière à chaque passage de rapport. Mais, bizarrement, la coupure moteur intervient à environ 13 000 tr/mn sur le deuxième rapport, à 13 500 tr/mn sur le troisième afin de libérer entièrement le bloc sur les deux derniers rapports et aller taper les 14 500 tr/mn, début de la zone rouge. La version officielle explique qu'ils ont fait ça « pour la sécurité du moteur, car la vitesse à laquelle il prend ses tours ne permettrait pas d'arrêter le régime avant la zone rouge sur les premiers rapports. » On aurait alors préféré un compte-tours à la zone rouge modulable en fonction des rapports
La Panigale V4 S est aussi belle habillée qu'à poil
pour éviter de se prendre le rupteur dans la ligne droite en pleine poire en pensant pouvoir prendre le régime maximum. Une fois cette donnée intégrée, on s'applique à passer les rapports un peu plus tôt, dans une sonorité toujours aussi grisante.
POUR 100 CM3
Ducati avait la volonté de proposer une moto « plus facile à piloter par un plus grand nombre de personnes.» C'est réussi, en partie grâce au comportement du moteur à 4 cylindres en V. Cette architecture permet d'avoir une arrivée du couple et de la puissance plus douce pour gagner en efficacité. On ne retrouve plus le côté bestial de la V2, mais on pilote une moto plus maîtrisable. En outre, les 100 cm3 supplémentaires offrent un moteur plus rempli et un côté on-off moins important dans les tours, ce qui favorise encore une fois la facilité de conduite et l'efficacité. Cette sensation se retrouve aussi au niveau du châssis, avec une
moto ne demandant pas de mode d'emploi particulier, contrairement la Panigale V2. Ici, tout est naturel. Pour ralentir avant un virage serré, on peut compter sur une puissance de freinage jamais prise en défaut. Ce sont de nouveaux étriers Brembo à quatre pistons qui viennent pincer des disques de 330 mm (comme en GP). On pose alors seulement deux doigts sur le levier droit relié à un maître-cylindre radial Brembo qui offre un excellent feeling. Idéal pour entrer sereinement en courbe sur les freins, en profitant du bon retour d'informations de la fourche Ohlins réglable électroniquement depuis le tableau de bord.
214 ch, 195 kg, 1 100 cm3… Des chiffres qui donnent le tournis
Ducati a bossé sur l'accessibilité des nombreuses fonctions de son tableau de bord en vulgarisant les réglages (voir encadré en page de droite), car il y a énormément de combinaisons disponibles. Et, preuve de la qualité des suspensions, dès que l'on déplace d'un seul cran un réglage, cela se sent guidon en mains. Au début, j'avais des problèmes pour rejoindre la corde et des mouvements de châssis se faisaient sentir. Un tour sur la voie des stands, quelques pressions sur les boutons du commodo gauche pour enlever un peu de précharge à l'avant et ainsi faire davantage plonger la Panigale, une hydraulique d'amortisseur plus freinée et le tour est joué. Comme par magie, la Ducati devient plus stable et incisive, tout en étant toujours facile à piloter. La vivacité est impressionnante au niveau du changement d'angle. Le vilebrequin contrarotatif, qui a tendance à annuler l'effet gyroscopique des roues, doit y être pour quelque chose. dans les enchaînements de virages, on se déplace avec la plus grande aisance autour du réservoir pour des changements d'angle éclair.
SAC À PUCES
Pour vraiment essayer cette Panigale il nous aurait fallu au moins quatre sessions supplémentaires tant
la dotation en électronique est pléthorique. On trouve un contrôle de motricité (DTC), de wheeling (DWC), de glisse (DSC), un ABS actif en virage, un réglage de frein moteur, une aide au départ (DPL), un shifter up&down et, bien sûr, les suspensions semiactives qui ajustent l'hydraulique en fonction de la phase de pilotage et du revêtement. Tous ces systèmes fonctionnent de concert grâce à de nombreux capteurs positionnés sur la moto et à un capteur inertiel fonctionnant sur six axes. Toutes ces aides sont réglables sur de nombreuses positions et le plus bluffant est leur transparence de fonctionnement. Le contrôle de motricité limite la puissance de façon si transparente qu'il faut jeter un oeil au tableau de bord pour voir la led orange s'illuminer. Idem pour le contrôle de wheeling, qui limite la puissance juste comme il faut, comme si un ingénieur mesurait en permanence la hauteur de la roue avant par rapport au sol pour corriger la puissance à fournir. Si la Panigale V4 a fait un bond en avant au niveau technologique, le tarif a lui aussi gonflé... Cette version S s'échange contre 27 990 € ! Alors, d'accord, la base est entièrement nouvelle. OK, il a fallu développer un nouveau moteur et l'équipement est conséquent. Mais elle coûte tout de même 7 000 € de plus que l'aprilia RSV4 RF qui possède, globalement, le même niveau d'équipement, si on excepte les suspensions électroniques et le tableau de bord en couleur. Pour avoir dans son garage une R1M, l'une de ses principales concurrentes, Yamaha demande 23 999 €. Un tarif bien inférieur à celui de Ducati, qui fait aussi payer son prestige.