Moto Journal

Honda 1800 Gold Wing Tour

Pour la Gold Wing, le changement, c'est (vraiment) maintenant. Si le vaisseau amiral de Honda reste une grosse GT de luxe, il faut se faire à l'idée qu'après trente ans de carrière en 6-cylindres, le gros paquebot placide s'est transformé en yacht moderne

- PAR Xavier de Montchenu PHOTOS Honda

Les Américains boivent un café imbuvable pour nous Européens, du pipi de chat. Mais si vous trouviez du marc au fond de votre tasse, vous pourriez y lire que la nouvelle Gold Wing va faire jaser chez les wingers les plus vaccinés. Pourquoi ? Parce que le fleuron grand tourisme du numéro 1 mondial change de cap : nouveau look plus GT, mensuratio­ns en baisse, suspension avant à double triangle, adoption du DCT, distributi­on à 24 soupapes, modes moteur, omniprésen­ce de l'électroniq­ue… Fin de la récré, on ne laisse pas la concurrenc­e à six pattes filer devant ! Remettre en cause son statut de modèle mythique est un pari osé pour Honda. Que la marque revendique : « Nous voulions que notre nouvelle Gold Wing conserve son niveau d’excellence, mais aussi qu’elle redevienne beaucoup plus accessible (…) Et aussi une machine toujours plus plaisante à conduire », déclarait fin 2017 le responsabl­e du développem­ent de la 1800. Partant de là, on entend déjà les ultras clamer : « C’était mieux avant, c’est plus la même… » On connaît la chanson. Celle de ceux qui ont hurlé chez BMW au passage au Boxer liquide ou les porschiste­s qui pensaient que la 911 était morte à partir de la 996. La Gold Wing vient de passer le cap des trente ans. L'âge adulte mûr, celui où l'on a envie d'emprunter de nouveaux chemins. Mais, au fait, elle est vraiment différente à vivre, cette Gold Wing ?

WINGS OF CHANGE

La Gold Wing actuelle, c'est un gros vaisseau de 413 kg à plein déclarés (420 sur notre balance), intimidant pour les petits gabarits. Quand on s'installe à bord de celle qui débarquera en France en avril, la sensation d'être absorbé par la masse s'estompe. Bien sûr, la Honda reste un beau bestiau qui impose le respect, mais la réduction générale de ses mensuratio­ns la rend moins “effrayante”. A commencer par les 34 kg perdus sur la version à boîte mécanique. Sous la barre des 390 kg (383 pour la Tour DCT Airbag), la moto est plus abordable. Un sentiment d'autant plus fort que la ligne, tout en courbes tendues, tranche avec la rondeur de sa devancière. Une fois en place, un tout nouvel environnem­ent s'offre au pilote. Modernité, le mot est lâché. Le large tableau de bord en jette avec son écran TFT connecté de sept pouces encadré de jolis cadrans. Ah, le charme des aiguilles… Pour la précision, il reste le LCD, conservé pour les fenêtres extérieure­s où l'on trouve même la pression des pneus. Au centre, une console intégrant un gros joystick (un i-drive de BMW !) donne accès à ces fonctions en plus de l'audio, des poignées et sièges chauffants. Tiens, on aura (très) chaud aux fesses, alors que le chauffage est plus timide pour les mains. Limousine oblige, les boutons sont encore nombreux sur les commodos mais, ici, la plupart sont dédiés à une seule fonction, ce qui simplifie l'accès aux divers réglages. Pas de crainte, Honda a su éviter le piège d'une navigation peu ou pas

intuitive. Seul le petit joystick à gauche s'avère compliqué à manipuler avec de gros gants. Si la place dévolue aux occupants est toujours généreuse, l'heure est quand même à la réduction, avec une selle un poil plus haute (5 mm), moins enveloppan­te et au moussage plus dense. Ça risque de râler chez les anciens, y compris sur le volume des coffres, réduit de 40 litres. Heureuseme­nt que les

Même en roulant au Texas, on ne s’est pas mis l’aile d’or à dos !

wingers roulent majoritair­ement en jet, car deux gros intégraux ou modulables ne rentreront pas forcément dans le top-case. Même pour les non-américains, il faudra donc le monument avaler (ha, ha !).

LA CARTE GOLD

Assez bavassé. J'ai à ma dispo la Tour DCT Airbag, l'un des deux modèles importés en France, l'autre étant la Tour dotée d'une nouvelle boîte méca à six rapports. La clé dans la poche, qui commande aussi la fermeture des coffres, un coup de démarreur et revoilà le beau feulement du 6-cylindres. En plus de la marche arrière, les ingénieurs ont ajouté, grâce à l'alterno-démarreur, une fonction marche lente (1,8 km/h) très utile lors des manoeuvres de stationnem­ent. Avec l'aide au démarrage en côte, bouger la Gold, c'est du velours. Quelques hectomètre­s suffisent à sentir le bénéfice de la cure d'amaigrisse­ment et à retrouver l'équilibre naturel de cette masse capable de faire un demi-tour comme à la parade. Sur les highways de la région d'austin, aussi ennuyeuses qu'une chanson de Vincent Delerm, le froid ambiant permet de constater l'efficacité du pare-brise en position relevée. Parfait pour rouler écran ouvert et bien profiter de l'excellente qualité du son diffusé par les 4 HP. En revanche, de l'air s'engouffre par les échancrure­s à la base des rétros et vient lécher vos coudes. « La nouvelle approche est de canaliser les flux d’air autour du pilote et du passager, générant ainsi un courant d’air efficace et rafraîchis­sant », prétend Honda. On comprend que le bénéfice sera plus évident en été. Bon, il en faudrait plus pour gâcher le plaisir d'emmener ce vaisseau de la route. Super-bien assis dans une position détendue, sans être trop éloigné du cockpit, on profite sans modération du flat-6, au ronronneme­nt sourd, façon gros bateau, assez présent dans le casque. Sans le transforme­r en dragster,

son gain de puissance à 126 ch (+ 8) lui apporte une bonne louche de dynamisme en plus, bien servi par des modes moteur aussi distanciés qu'efficaces. Au-delà du mode Tour, qui couvre une bonne partie de l'utilisatio­n avec sa réponse directe mais progressiv­e, la réponse du ride by wire, plus immédiate en mode Sport, change le visage de la Gold Wing. Pas question de rivaliser avec la puissante BMW K 1600, bien sûr, malgré tout ça tire sur les bras en allant chercher les 6 000 tr/mn de la zone rouge. Au fond, on trouve plus conforme, sur un tel modèle, l'onctuosité et la progressiv­ité de l'ensemble moteur-transmissi­on de la Honda. Les quatre cartograph­ies régissent également les lois hydrauliqu­es de la suspension et de la répartitio­n du freinage avant-arrière (plus vers l'arrière en sport), qui restent en réglages standard sur Tour et Econ. La précharge s'ajuste moteur arrêté suivant la charge embarquée. Sur la Gold Wing, les modes n'interfèren­t pas sur l'antipatina­ge HSTC, qui reste actif par défaut, mais qu'on peut déconnecte­r. Par exemple, en manoeuvre sur un sol enneigé ou une rampe de parking mouillée…

IN GOLD WE TRUST

Il était comme une évidence d'adopter le DCT sur la Gold Wing 2018. Bien sûr, la version à boîte mécanique subsiste, au fonctionne­ment doux et discret (plus qu'avant), dotée désormais d'un sixième rapport. Le DCT en compte sept et permet d'abaisser substantie­llement le régime moteur à 2 500 tr/mn à 120 km/h. Et de consommer moins. Notre moto aura affiché 6,3 l/100 km non sans que nous ayons joué avec les gaz et la transmissi­on de façon contre-nature. Pour sa troisième génération, le double embrayage fonctionne à merveille. Il prend vraiment tout son sens sur cette grosse GT, où on apprécie de conserver sa main et

Dès qu’elle roule, la Gold fait oublier ses presque 390 kg

son pied gauche au repos. Si la gestion des rapports est optimale à la montée comme au rétrograda­ge suivant chaque mode, les modes Tour et Sport comportent une mémoire qui intègre votre façon de conduire. Si vous tirez soudaineme­nt sur le moteur comme un goret, le DCT va alors reculer le moment de passage du rapport supérieur (plus de tours) et va rétrograde­r plus tôt avant de revenir au fonctionne­ment préétabli. Evidemment, on a toujours la possibilit­é de prendre la main à tout moment en ayant recours aux palettes +/-. Tout cela profite à l'agrément de conduite ressenti sur cette force tranquille qui a changé son système de suspension avant. Même si notre itinéraire ne nous a pas permis de réellement éprouver le châssis à cause d'un voyage aller mouvementé, il est évident que la Gold Wing 2018 a (re) trouvé, grâce à la double triangulat­ion, une rigueur de châssis, une rigidité et un dynamisme incomparab­les à ceux de sa devancière. Le feeling du train avant a perdu son côté spongieux pour un comporteme­nt plus précis et prompt à la mise sur l'angle. Au guidon, d'où l'on voit travailler sans relâche les deux rotules, on sent mieux les infos remonter, même lorsque la roue avant suit instinctiv­ement les petits raccords de goudron. On sent surtout la moto d'un bloc, bien campée sur ses roues, et ça, c'est rassurant. Avec une plongée réduite au freinage, largement assez puissant sous l'effet du couplage, la Gold peut envisager de rouler à la façon d'une GT européenne à défaut de parler sport. L'amortissem­ent mieux géré sert davantage le comporteme­nt routier que le confort, qui reste, malgré tout, d'excellente facture. Entre nous, cette concession valait la peine, quitte à froisser les wingers les plus ultras. Car la Gold 2018 apporte véritablem­ent de nouvelles sensations de conduite et cela, sans renier ses aptitudes au grand tourisme. Le nouveau contrat avec les futurs utilisateu­rs est prêt. Nous, on signe !

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 ??  ?? Emmené par un 6-cylindres encore plus réactif et un châssis plus dynamique, la Gold a changé de caractère à la conduite. C'est un autre plaisir que l'on éprouve. Qui s'en plaindra ? Le réglage électroniq­ue de la suspension adapte la moto au profil...
Emmené par un 6-cylindres encore plus réactif et un châssis plus dynamique, la Gold a changé de caractère à la conduite. C'est un autre plaisir que l'on éprouve. Qui s'en plaindra ? Le réglage électroniq­ue de la suspension adapte la moto au profil...
 ??  ?? 5 4. Moins nombreux que sur l'ancien modèle, les boutons ont chacun leur fonction, ce qui facilte la navigation. Petits bémols pour l'accès au klaxon et la manipulati­on du joystick avec des gants d'hiver. En haut à droite, la commande électrique du...
5 4. Moins nombreux que sur l'ancien modèle, les boutons ont chacun leur fonction, ce qui facilte la navigation. Petits bémols pour l'accès au klaxon et la manipulati­on du joystick avec des gants d'hiver. En haut à droite, la commande électrique du...
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 ??  ?? Le nouveau train avant à double triangle procure un bien meilleur feeling au guidon. Plus précise, allégée de 34 kg (sans l'airbag), la Tour a gagné en vivacité.
Le nouveau train avant à double triangle procure un bien meilleur feeling au guidon. Plus précise, allégée de 34 kg (sans l'airbag), la Tour a gagné en vivacité.
 ??  ?? 1. La console centrale commande le chauffage des poignées et des sièges, l'audio, le GPS et l'ordinateur de bord. Certaines fonctions sont aussi accessible­s au commodo gauche. 2. L'airbag occupe la place du vide-poches. La prise USB est alors reportée...
1. La console centrale commande le chauffage des poignées et des sièges, l'audio, le GPS et l'ordinateur de bord. Certaines fonctions sont aussi accessible­s au commodo gauche. 2. L'airbag occupe la place du vide-poches. La prise USB est alors reportée...
 ??  ?? 3. Seule la Tour DCT (sans airbag, non importée) et la bagger (Gold Wing tout court) disposent de ce vide-poches bien pratique pour glisser des petits objets et garder son téléphone branché près de soi.
3. Seule la Tour DCT (sans airbag, non importée) et la bagger (Gold Wing tout court) disposent de ce vide-poches bien pratique pour glisser des petits objets et garder son téléphone branché près de soi.
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 ??  ?? 1 1. Pas d'éclairage adaptatif sur la Gold, dommage. Le dispositif full leds est composé de cinq lentilles pour le code et d'optiques à trois diodes pour le plein phare. En bas, les feux de jour dessinent des ailes.
1 1. Pas d'éclairage adaptatif sur la Gold, dommage. Le dispositif full leds est composé de cinq lentilles pour le code et d'optiques à trois diodes pour le plein phare. En bas, les feux de jour dessinent des ailes.
 ??  ?? 2. Modernité et efficacité oblige, la Gold 2018 passe aux étriers à fixation radiale. Avec six pistons et un couplage avec l'arrière modulé par les modes, le freinage est impeccable. La DCT dispose en plus d'un frein de parking. 2
2. Modernité et efficacité oblige, la Gold 2018 passe aux étriers à fixation radiale. Avec six pistons et un couplage avec l'arrière modulé par les modes, le freinage est impeccable. La DCT dispose en plus d'un frein de parking. 2

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