Yamaha MT-09 SP
Des versions spéciales, on en voit défiler, chez Yamaha. Alors, quoi de neuf sur la MT-09 SP ? Une fourche Kayaba entièrement réglable, un amortisseur Ohlins, une déco différente... De quoi rendre l'impétueux roadster japonais toujours plus sportif. Mais
Pourquoi faire une MT-09 SP ? En voilà une bonne question. Quelques chiffres distillés par Yamaha durant la présentation de son dernier joujou vont nous donner un début de réponse. En 2016, la firme japonaise a vendu en Europe 3 421 MT-10. L'année suivante, elle a immatriculé 2 834 modèles de son gros roadster sportif… Sans oublier les 1 526 unités de sa version SP. Soit 939 motos de plus. En gros, une déclinaison spéciale est un bon levier pour booster les ventes d'un modèle. CQFD ! Nous, on n'est pas contre. Surtout quand, comme sur la MT-09, l'ajout de nouvelles suspensions permet de gommer les défauts majeurs du modèle standard.
GROS DÉTAIL
C'est peut-être un détail pour vous, mais, pour moi, ça veut dire beaucoup… En effet, depuis un essai de la première version de la MT-09, en septembre 2013, une question me taraudait : pourquoi équiper une moto d'un 3-cylindres aussi fougueux et, en même temps, de suspensions mollassonnes ? Ça ne colle pas ensemble. En observant la brochette de SP garées devant notre hôtel, toutes parées d'une fourche et d'un
amortisseur anodisés or, je me demande si, enfin, Yamaha a équipé son roadster 900 de suspensions capables de contenir son caractère. Hâtivement, j'interpelle John, qui bosse chez Yamaha Motor France, pour qu'il me fasse un rapide brief sur tous les réglages dorénavant possibles. « Alors, en bas de la fourche, on trouve les réglages de compression lente et rapide. En haut, la petite vis bleue commande la détente. Et là, c’est le réglage de précontrainte du ressort. » OK, sachant que maintenant les réglages d'hydraulique se font sur les deux tubes de fourche. Et à l'arrière ? « Derrière, il y a
un Ohlins avec une commande de précharge et de compression déportée et accessible, pratique pour ajuster l’amortisseur suivant le poids du pilote. Et la détente est située en bas du combiné. » Concernant les autres évolutions majeures de cette déclinaison SP, ça va aller vite : guidon noir, leviers de frein et d'embrayage noirs, tableau de bord à fond noir ainsi qu'un coloris unique silver blu assez proche de celui de la MT-10 SP (jantes bleues, peinture gris et bleu, surpiqûre sur la selle...). Pour le reste, on retrouve tous les attributs d'une MT-09 millésime 2017. Notamment le bouton rouge de démarreur, bien visible sur le commodo droit. Allez, c'est parti. Dans les environs de Faro, au sud du Portugal, il fait beau, il fait chaud… En plein mois de janvier, ça fait du bien ! Du coup, je flâne, j'en profite et je reprends tranquillement mes marques au guidon de la japonaise. Une nouvelle fois, la position de conduite de la MT-09 interpelle. Rares sont les roadsters sportifs où l'on est assis aussi droit, où l'on se retrouve si peu en appui sur les poignets et où la distance selle-repose-pieds est largement acceptable. Alors OK, la selle plate est plutôt ferme et peu épaisse, mais, dans l'ensemble, rien n'incite à l'attaque permanente. De même, les commandes sont douces, l'embrayage antidribble A&S rend le levier hyper-souple, et seul le shifter demande un peu de fermeté lorsqu'on passe un rapport et que le régime moteur n'est pas assez haut. Comme à son habitude, le 3-cylindres mise sur une architecture astucieuse pour offrir à la fois rondeur, coffre et souplesse entre 2 et 6 000 tours/minute. On laisse pour le moment la cartographie sur la position standard. On verra plus tard pour le mode A, plus sportif, et jamais pour le mode B. Bah quoi, il n'a pas plu durant cet essai ! Quant au confort, il n'est en rien dégradé par l'arrivée de suspensions plus sportives. Au contraire, même. Dotés d'une hydraulique plus efficace, fourche et amortisseur travaillent de concert, en bonne cohérence, sans se montrer trop secs sur les chocs rapides. Les bosses,
Si la partie-cycle est plus efficace en mode sport, elle ne perd rien en termes de confort
trous et raccords sont bien filtrés. Mes lombaires sont ravies, mes avant-bras aussi. Première conclusion : modifiée pour être plus efficace en conduite sportive, la MT-09 SP ne perd rien dans le cadre d'un usage quotidien. Enfin, le quotidien des motards “normaux”. Ceux qui savent, parfois, rouler “normalement”, quoi. Quant aux excités de la poignée, les gars tout vénères qui ne vont jamais plus vite qu'à fond, qui ne sont contents que lorsque leur moto gigote dans tous les sens (vois-tu de qui je veux parler, cher collègue Matthieu Cayrol ?), réveillez-vous, c'est maintenant que ça va devenir intéressant.
PRÉCISE
Poliment, je demande à John si je peux le doubler. Selon les marques, on se fait parfois tirer l'oreille lorsqu'on passe devant l'ouvreur (hou, c'est mal !). Un acquiescement de casque me donne le feu vert. Gaz ! Evidemment, il ne faut pas attendre dix secondes avant que deux de mes chers confrères me sucent la roue. En brusquant enfin le roadster japonais, on voit poindre son potentiel sportif. Si le moteur se révèle civilisé sous les 6 000 tours, passé ce cap, il se montre bien moins cool. Sans être forcément explosif, il procure une réelle poussée, une force virile, puissante, qui vous balance vers le virage suivant en un claquement de doigts. Indéniablement, ce 3-cylindres est une réussite ! Passé en mode moteur A, on a moins besoin de solliciter l'accélérateur, commandé par ride by wire, pour sentir débouler la cavalerie. En revanche, il faut être plus fin à la remise des gaz pour éviter les quelques à-coups d'injection toujours présents. A ce rythme, le shifter verrouille les vitesses avec plus de facilité et de douceur. S'il est déjà présent sur le modèle standard depuis son relookage en 2017, on regrette juste qu'il ne fonctionne pas aussi à la descente sur la version SP. Cela aurait fait une plus-value supplémentaire. Dommage. Au chapitre du freinage, rien à dire. Comme souvent chez Yamaha, la MT-09 dispose d'étriers à quatre pistons puissants et endurants. Un coup d'oeil dans le rétro, je vois qu'ils s'accrochent, les rascals. On ajoute une louche supplémentaire et là, bonheur, la MT-09 SP ne pompe pas de l'arrièretrain. La machine ne s'écrase plus et conserve ainsi sa ligne. Conséquence logique : la motricité est elle aussi meilleure, même si, encore une fois, la connexion poignée-roue arrière demande un léger temps d'adaptation. Reste qu'en conduite sportive, l'apport de l'amortisseur Ohlins est indéniable. La différence est moins flagrante concernant le train avant. Non que la nouvelle fourche Kayaba fonctionne mal, mais le modèle standard posait moins de problèmes que l'amortisseur. A l'aise dans les successions de virages serrés, la MT-09 SP perd un peu de son efficacité dans les grandes courbes rapides. La faute en partie à ce grand guidon, qui nuit à la précision des trajectoires et provoque même, parfois, un peu de mouvement, et à la position de conduite neutre. Si l'on veut charger l'avant, il faut alors exagérer un poil son déhanchement, ce qui se fait assez facilement grâce, une nouvelle fois, à la distance sellerepose-pieds très correcte. Alors, le jeu en vaut-il la chandelle ? Les 1 300 € d'écart sont-ils justifiés entre la MT SP et la version standard ? Selon nous, oui. Mais uniquement pour les motards sportifs, ceux qui se sentaient réellement frustrés par une partie-cycle parfois dépassée par la fougue du 3-cylindres. Quant aux autres, à moins que la déco sportive et élégante de la SP ne vous fasse craquer, vous pouvez garder votre argent. Et le dépenser en équipement supplémentaire. En changeant l'énorme support de plaque, par exemple…