Moto Journal

UN MOTARD, UNE HISTOIRE

Bernard Bourasseau

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Aux yeux du bobo, de l’intello ou du motojourna­lo parigot, Cerizay, pays des Deux-sèvres frôlant les 5 000 habitants, pourrait aisément passer pour l’extrémité la moins noble du tube digestif mondial… C’est pourtant dans ce paisible bourg, qu’après Tendance Roadster, à Levallois-perret, le second concept store Royal Enfield français a été récemment inauguré. Ce chef-lieu de canton sans histoire rejoint donc Madrid, Londres, Bogota et Delhi, entre autres capitales huppées, dans la liste trentenair­e des cités pouvant se flatter d’accueillir un de ces temples consacrés au monocylind­re indien – en attendant le bicylindre 650 qui ne devrait pas tarder à débarquer en concession.

UN VRAI COSTAUD

C’est que le maître des lieux est un des plus performant­s ambassadeu­rs de la marque. Comme la plupart des gars vraiment Né le 9 septembre 1954 à Thouars (79), d’un père fondateur du moto-club thouarsais, qui a emmené sa mère à la maternité dans un side-car Gnome-et-rhône à panier Bernadet.

Marié, un fils, Mickael, qui pratique motocross et coup de main au magasin sur les side-cars.

1985 ouvre un magasin de motos d’occasion, de tondeuses, tronçonneu­ses et autres engins de motocultur­e… 2006 voyage en Inde (tour du Rajasthan) offert par sa femme. Tout le monde photograph­iait les monuments, lui, les motos locales, dont il tombe amoureux. 2013 greffe un démarreur électrique à son Enfield diesel. 2017 se consacre uniquement à la vente de motos, sa concession devenant en septembre le second concept store RE de France, le 14e en Europe et le 31e au monde. Contact : SNB Bourasseau, Royal Enfield Store, 126, avenue du 25-Août-1944, 79140 Cerizay, tél. : 05.49.80.19.91, www.moto-vintage.fr, royalenfie­ldcerizay@gmail.com costauds, Bernard Bourasseau est un pur gentil, un généreux. Il est tombé sous le charme des Royal Enfield à la faveur d'un périple au Rajasthan, Etat du nord-ouest de l'inde, en 2006 : il en a acheté cash six, quatre essence et deux diesel… qui ont mis plus d’un an à lui être livrées ! Il en a donc assuré le commerce depuis son bouclard, jusqu’alors consacré à la moto ancienne (et, contexte campagnard oblige, à… la motocultur­e !), et ce bourg que rien ne destinait à devenir une plaque tournante de le moto indienne. Jusqu’à ce que la Fédération française des véhicules d’époque cesse subitement, va-t’en savoir pourquoi, de lui délivrer les certificat­s de conformité indispensa­bles à l’homologati­on. Procès, appel, cassation : la justice donnera finalement raison à un Bernard bien étranger à ce genre de pataquès. Bien échaudé par cette expérience déplorable, il travaille désormais intelligem­ment avec Dip, l’importateu­r français de la marque indienne, entre autres, et se peut concentrer sur la seule vente. Avec succès : il vendra cette année une soixante-dizaine de motos et si, sur la Vendée et les Deux-sèvres, Royal Enfield taquine les 1,4 % de parts de marché (contre une moyenne de 0,7 % au niveau national), c’est grâce à lui.

MOGETTES ET GANESH

Ce qui le passionne avant tout, c’est l’amitié qui peut, qui doit naître d’une transactio­n. « Je m’en fiche de vendre, ce que je veux, c’est que les gens passent me voir et qu’on cause moto. Le nouveau client, on se tutoie direct : tu viens de loin, tu dois avoir soif, on va boire un coup et tailler le bout de gras. C’est comme ça que ça marche. » Du plaisir avant toute chose, facile avec ce genre de mec de parodier Verlaine ! Bernard a l’oeil qui brille rapidement, qu’il évoque ses voyages et amis indiens, la tartine aux mogettes (le haricot local ; il est capital d’utiliser du beurre salé, demisel, à la limite, mais en couche épaisse !) ou la Cinéscénie du Puy du Fou, qui lui a mis « les larmes. » Eh oui, les costauds véritables n’ont peur ni honte de leurs émotions. Bernard croit à la puissance du partage et aux forces de l’esprit, lui aussi. Sa femme Simone est voyante, dont les prédiction­s ont guidé Bernard dans certains choix profession­nels, non sans réussite, apparemmen­t. Et à l’inaugurati­on de son Concept Store, outre une soixantain­e d’amis des environs plus ou moins proches, se trouvaient deux citoyens de la République indienne venus exprès : son vieux pote Sandeep, tour opérateur au large sourire (www.passionind­iatours.com), qu’il fréquente depuis son trip de 2006 et qui lui a ouvert les portes d’artisans du cru, qui lui ont fabriqué porte-bagages, pots d’échappemen­t, sacoches et autres accessoire­s ; et un authentiqu­e prêtre, qui a consacré à Ganesh, le dieu à tête d’éléphant garant de chance et de réussite, un petit autel dans un coin du bouclard à grand renforts d’encens et d’offrandes. De même, à notre arrivée à la gare de Niort (photo), il nous a octroyé le point de poudre rouge et trois grains de riz sur le front, le fil votif en coton au poignet droit et notre premier tour de roues vers le Marais poitevin devait écrabouill­er un demi-citron vert, autant de manigances destinées à éloigner le mauvais oeil… Puisse-t-il épargner Bernard et ses nombreux amis !

« Tu viens de loin, tu dois avoir soif, on va boire un coup et tailler le bout de gras. C’est comme ça que ça marche ! »

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