DIALOGUE DE SOURDS
Dialogue de sourds
En novembre 2011, le Délégué interministériel à la sécurité routière du moment avait réuni des représentants de la presse moto, dont l’auteur de ces lignes. Autour d’un repas (sans vin, bien sûr), le ton de l’entretien avait très vite été donné. « Est-ce que vous êtes dans une posture de critiquer des mesures [annoncées par les pouvoir publics] parce que ça fait plaisir à votre lectorat ? [sic] Ou est-ce qu’on peut faire des choses ensemble pour améliorer la sécurité routière ? », nous avait demandé Jean-luc Névache. Avant tout, il faut d’abord mieux connaître la réalité des choses, lui avait-on répondu en choeur. Le 6 avril dernier, Emmanuel Barbe, lointain successeur du préfet Névache, a lui aussi convié la presse moto dans ses locaux. Pour nous dire, d’emblée, qu’« il n’y a pas assez de relations entre vous et nous. » Une étrange réunion, à vrai dire. Courtoise et policée sur la forme, entre motards – M. Barbe rappelle souvent qu’il l’est lui-même –, mais qui n’a pas vraiment fait “avancer le schmilblick” sur le fond, comme aurait pu lâcher Pierre Dac. Rien d’étonnant, tant les désaccords en matière de lutte contre l’insécurité routière sont nombreux entre une très grande partie de la presse spécialisée et les services de l’etat. Sur beaucoup de dossiers et pas pour “faire plaisir à notre lectorat”. Non, à chaque fois, ce que nous défendons à Moto Journal, nous le faisons en notre âme et conscience, avec de vrais arguments que nous jugeons pertinents et parce que nous croyons que le dossier mérite mieux que les mesures à l’emporte-pièce qui sont souvent prises. L’exemple sans doute le plus significatif est celui des différences d’analyse de l’accidentalité motarde. Elle a augmenté en 2017 par rapport à 2016, passant de 612 à 669 tués – au passage, le chiffre de 612 est le plus faible jamais enregistré. Pour la Sécurité routière, « c’est extrêmement préoccupant. » En soi, c’est une insupportable évidence. A Moto Journal, nous pensons cependant que d’énormes progrès ont été faits sur la mortalité des motards, bien qu’elle soit de toute façon toujours trop élevée. Pourquoi ? Simplement parce que la vision “officielle” ne tient notamment pas compte de l’explosion du parc en circulation. En 1975, 698 motards avaient trouvé la mort pour un parc estimé à 340 000 motos. Parc aujourd’hui au moins dix fois plus important, selon les spécialistes. Ce qui change beaucoup de choses. En novembre 2011, nous avions fait la même réflexion à M. Névache. Qui était resté sur ses positions. Un peu moins de sept ans après, le constat est toujours le même.