PLEIN PHARE
80 km/h : des sénateurs prônent la décentralisation
Le 80 km/h est un sujet si prégnant depuis quatre mois qu’il n’est presque plus besoin d’actualité pour en parler. Pourtant, il y a bien du nouveau en cette mi-avril, au-delà de la manifestation motarde des 14 et 15. Fervent combattant du projet depuis les premières heures, le Sénat vient en effet de rendre publiques les conclusions rapportées par son groupe de travail sur la sécurité routière. Pour rappel, cette petite assemblée, menée par les sénateurs Michel Raison (Haute-saône), Jean-luc Fichet (Finistère) et Michèle Vullien (Rhône), et soutenue par Hervé Maurey et Philippe Bas, présidents respectifs de la commission de l’aménagement du territoire et de la commission des lois, s’était donné pour mission, dès le 24 janvier dernier, de juger de la pertinence du plan de lutte contre la mortalité routière. Un plan établi par le Comité interministériel à la sécurité routière du 9 janvier. 70 % DES FRANÇAIS CONTRE Des 18 mesures annoncées ce jour-là par Matignon lors du compte rendu, c’est bien sûr l’abaissement de la vitesse à 80 km/h sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central que les sénateurs se sont penchés. Comme un écho politique nécessaire à la grogne populaire qui s’est maintes fois exprimée dans les sondages. Quelle que soit la source, plus de 70 % des Français sont contre, faisant passer la mesure du 80 km/h au panthéon de l’impopularité. Obstiné, l’exécutif va jusqu’à instrumentaliser cette défiance en affirmant, grosso modo, que les grands tournants pris par la Sécurité routière ont toujours suscité la méfiance, voir le courroux chez les citoyens – c’est parfois vrai, mais pas toujours. Mais Edouard Philippe n’est pas le seul à être entêté. Après plus de deux mois de travail, ces sénateurs persistent et signent : le 80 km/h est une mesure « aveugle. » Comme Moto Journal depuis des mois et tant d’autres, les rapporteurs ont à nouveau pointé du doigt l’insuffisance des études sur lesquelles
s’est appuyée la Sécurité routière, la communication floue et incomplète qui règne autour du sujet et, enfin, le manque de concertation avant la mise en place. « Nous sommes prosécurité routière et nous avons tous le même objectif d’abaisser le nombre de morts sur nos routes », ont répété d’une seule voix les sénateurs concernés devant la presse, avant de formuler deux propositions à l’attention du Premier ministre. La première : un report de la mise en place des 80 km/h au 1er janvier 2019. Et la seconde, la plus importante : sa mise en place au cas par cas. Pour ce faire, deux préconisations sont formulées par les parlementaires : « Un pouvoir de modulation de la
vitesse maximale autorisée par les présidents de département, les maires et les préfets de département » et la décentralisation de « la décision de limiter la vitesse à 80 km/h sur les routes accidentogènes. » A plusieurs titres, ce rapport n’est pas une si mauvaise chose.
ÉTUDE GRANDEUR NATURE
D’abord, sur la forme. Dans une position constructive, le groupe de travail propose une alternative. Conscients qu’une annulation du projet est impossible, les parlementaires tentent de jouer avec les règles et faire entendre la voix des citoyens. « Ce n’est pas parce que la mesure est rejetée en bloc par l’opinion qu’il faut la rejeter sans réfléchir », note la sénatrice du Rhône Michèle Vullien. Sur le fond, qui mieux que les élus de terrain peut juger de la dangerosité des endroits où il convient d’abaisser la vitesse ? Si tant est que l’usager ne le sache pas, personne. Enfin, cette synthèse est une intelligente manoeuvre. Car en laissant la liberté aux départements de mettre en place, ou non, le 80 km/h, nous aurions enfin la possibilité de constater son influence réelle sur l’accidentologie. Les milliers de kilomètres concernés seraient ainsi bien plus révélateurs que les 86 km de nationales “expérimentés” entre 2015 et 2017. Une étude grandeur nature, n’est-ce pas ce que tout le monde demande ? Mais peut-être effraie-t-elle l’exécutif… Interrogé sur le sujet, Emmanuel