Moto Journal

CHOC DE GÉNÉRATION­S

La Honda GL 1800 Gold Wing a tenu presque 17 ans avant de faire sa révolution, sa crise d'adolescenc­e. Pour autant, la 2018 pousse-t-elle mémé dans les orties ?

- Par Bertrand Thiébault, photos Alex Krassovsky

Ça ne semble pas si lointain, ça fait pourtant une éternité… C'était en 2001, je posais pour la première fois mes fesses sur ce que l'on appelait alors la nouvelle Gold Wing, avec un cadrepoutr­e alu et un flat-six gonflé à 1 800 cm3. Une véritable claque pour moi qui avais possédé auparavant une 1500. Cette baffe, je la prends à nouveau aujourd'hui en pleine poire en chevauchan­t la nouvelle Gold Wing, la vraie, ce coup-ci, ce millésime 2018 qui divise déjà les wingers, les accros à la Gold dont l'histoire remonte à 1975. Pour mesurer l'évolution de cette GL 1800 nouvelle ère, une Gold Wing 2016 nous accompagne durant l'essai, près de 60 000 km dans les bielles, mais entretenue avec soin par François, son propriétai­re. Une moto qui a encore fière allure avec son imposante face avant, sa bagagerie généreuse, ses formes galbées. Une gueule ! A côté, la nouvelle paraît bien plus fine – mais juste quelques millimètre­s moins large aux rétros –, presque une taille de guêpe avec ses lignes plus tendues et angulaires. Elle a perdu pas mal de poids (de 413 à 379 kg, 34 de moins), et ça ne se voit pas qu'à l'oeil, mais aussi à la conduite. Malgré les données constructe­ur (hauteur de selle de 745 mm contre 740 sur l'ancienne), l'assise semble plus basse sur la 2018 grâce à un arc de jambes plus réduit. On perd un peu ce côté selle de cheval qui faisait le charme – mais aussi le confort – de l'ancienne version.

En clair, on est moins calé “au fond du fauteuil”, et c'est encore plus flagrant pour le passager qui n'a plus le même maintien, ni le même confort dorsal avec une mousse plus ferme, des rebords moins prononcés. La bulle est aussi bien plus étroite, mais bien plus pratique à régler grâce à sa commande électrique. Un réel progrès, d'autant que la protection est bien étudiée, quasi équivalent­e à l'ancienne avec un volume moindre, donc moins de résistance à l'air. On ressent très peu de remous sur les épaules, peu de poussée dans le dos, même en réglage haut, il n'y a qu'au niveau de la ventilatio­n que la nouvelle est en retrait. La petite trappe extractibl­e au-dessus du tableau de bord n'est pas d'une grande efficacité (elle ne paraît pas d'une grande solidité non plus…), le simple volet réglable de l'ancienne Gold est, lui, plus efficace pour capter un peu d'air frais. Les vrais progrès de la Gold Wing 2018, on les apprécie principale­ment au niveau du comporteme­nt routier. Il ne suffit que de quelques mètres pour mesurer tout ce qui sépare ces deux génération­s, notamment en termes de châssis et de géométrie. Fini cet avant un peu “élastique” et le guidon très en retrait de la colonne de direction. Avec le nouveau train avant triangulé, la Gold gagne nettement en précision de guidage, avec un côté plus naturel, plus facile, même si, à très basse vitesse, l'avant se cherche encore un peu avant de s'équilibrer. Le mode d'emploi est bien plus évident pour un pilote non initié à la conduite de motos de ce gabarit. En ville, la 2018 est aussi bien plus sécurisant­e avec un freinage enfin à la hauteur, un système couplé avant-arrière D-CBS plus évolué et ce train avant triangulé dont la cinématiqu­e n'offre aucune plongée.

Lorsqu'on remonte sur l'ancienne, on retourne vers une autre époque, avec un freinage vraiment évasif pour une moto de ce poids. L'agilité est aussi bien meilleure avec une note plus “sportive” et une stabilité supérieure pour la nouvelle. La Gold abandonne son côté “voiture américaine” un peu molle et s'apparente désormais davantage à une grosse berline européenne. D'une Lincoln Continenta­l à une Mercedes classe S, en quelque sorte !

PLUS DE PUNCH !

Honda a beau avoir repensé entièremen­t son moteur, plus compact (- 29 mm), plus léger (- 6,2 kg), culasse 4 soupapes par cylindre, meilleur rendement avec une consommati­on inférieure, le nouveau 6-cylindres 1 800 ne nous bluffe pas tant que ça. Il est plus puissant (126,4 contre 118,3 ch), un rien plus coupleux (avec un couple maxi délivré 1 500 tr/mn plus tard, à 5 500 tr/mn), mais il se fait bousculer par l'ancien bloc. Malgré son poids inférieur, la Gold 2018 n'accélère pas plus fort que l'ancienne et se fait même déposer en reprises ! Bon, comparer les données avec des boîtes à 5 et 6 vitesses (toutes deux avec un dernier rapport surmultipl­ié) n'est pas parfaiteme­nt équitable, mais on espérait tout de même plus de punch de la part dece moteur revisité. Il reste toujours aussi agréable avec son extrême souplesse, son couple généreux, sa sonorité envoûtante en grimpant dans les tours, mais les réels progrès sont surtout mesurables en termes de rendement avec une consommati­on inférieure d'un litre aux 100 km, soit 6 pour la nouvelle, 7 pour l'ancienne. Ça n'offre pas plus d'autonomie, puisque le réservoir perd 3,9 litres… Enfin, pour les fainéants du pied gauche, il reste l'option boîte DCT que ne proposait pas l'ancienne.

C'EST DANS LA BOÎTE

Ce qui agace les fans de l'esprit Gold Wing, c'est cette perte de capacité d'emport. Il est toujours possible de loger deux casques intégraux dans le top-case, mais les valises ont littéralem­ent fondu, réduites à 30 litres de chaque côté, 50 pour le top-case. On passe ainsi d'un total de 150 litres à 110 sur la nouvelle ! Le dessin plus anguleux de l'ensemble est peut-être davantage dans la tendance, mais pas dans celle des grands voyageurs, même si le système d'ouverture des valises par une simple pression du doigt (et verrouilla­ge centralisé) est plus intuitif, plus moderne. En revanche, il y a un véritable progrès d'ergonomie sur le modèle 2018. Fini les multitudes de boutons inutiles sur le panneau latéral de la moto, ce commodo gauche aussi complexe que celui d'une grue de chantier. Tout est bien plus clair et efficaceme­nt organisé sur la Gold 2018 quand l'ancienne rappelle un film de science-fiction des années 80. Le GPS était optionnel, il est désormais intégré, avec son grand écran TFT, ses fonctions avancées. De même, l'électroniq­ue s'invite sur les modes moteur, sur les suspension­s… Le contrôle de précharge d'air de l'ancienne paraît bien archaïque à côté, sans parler de l'éclairage jaune blafard d'un autre temps face aux leds modernes de la 2018. Ride by wire, antipatina­ge, aide au démarrage en côte, lois de suspension­s et de répartitio­n de freinage couplées aux modes moteur, sélection électroniq­ue de la précharge pour le duo, connectivi­té du système multimédia : c'est toute une ère technologi­que qui sépare les deux motos. Pour autant, l'ancienne Gold ne fait pas encore figure d'antiquité. Elle prend certes un sérieux coup de vieux, que ce soit avec son design plus arrondi, ses boutons de commande d'un autre temps, son comporteme­nt moins joueur, moins intuitif, mais elle reste une reine de la route. Comme la reine d'angleterre reste sur son trône, à 92 ans !

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 ??  ?? Comparée à l'ancienne version qui sévissait depuis plus de 15 ans sous cette forme, la Gold Wing Touring (la Gold Wing est désormais la version bagger) paraît beaucoup plus mince et dynamique de ligne.
Comparée à l'ancienne version qui sévissait depuis plus de 15 ans sous cette forme, la Gold Wing Touring (la Gold Wing est désormais la version bagger) paraît beaucoup plus mince et dynamique de ligne.
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C'est clair, entre l'ancienne Gold et la nouvelle, beaucoup de choses ont changé. La plus vieille est certes démodée, mais, à la conduite, elle garde encore de solides arguments.

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