LES NOUVELLES AVENTURES DE JEAN-PIERRE GOY
James Bond ? C’est un peu lui. Batman ? Il lui doit beaucoup. Coup de projecteur sur un héros français de l’ombre qui donne aux cascades hollywoodiennes tout leur éclat.
15 ans ! 15 ans déjà que le cascadeur Jean-pierre Goy réalisait des figures incroyables pour le magazine L’intégral. Le bonhomme a pris quelques rides et quelques cheveux blancs mais il a toujours le même sourire accroché au visage. Même quand il fait de la moto. Et même quand celle-ci est à 15 mètres du sol. J’exagère à peine. On le retrouve dans son Bugey natal, pas très loin de Lyon et à côté des centrales nucléaires de Saint-vulbas et Creys-malville. JeanPierre a grandi dans la scierie familiale où son destin était tout tracé : il doit prendre la succession de son père. Seulement voilà, le pater se passionne pour le motocross. Mieux, il aide un p’tit gars qui écume les pistes régionales. Pire encore, un beau jour, le frelot de JeanPierre s’offre une Yam’ 125 TY. Du coup, il réclame lui aussi un deux-roues motorisé et se retrouve sur une Ducati 125 enduro. « J’ai tout de suite été plus attiré par le trial et après quelque temps, j’ai acheté une Bultaco chez Coutard père, à Lyon. J’ai toujours joué avec l’équilibre, que ce soit avec un mono-roue ou sur un câble. J’ai associé ce sens de l’équilibre avec la moto et ça a été une révélation. » Le gamin se trace un terrain dans la propriété familiale et s’inscrit à sa première compétition.
À 36 mètres de haut sur 60 cm de large
On est en 1977, et c’est le début de l’âge d’or du trial avec une locomotive comme Charles Coutard et des épreuves dans tous les coins. Le gars est plutôt doué et il s’inscrit à un stage de perfectionnement sous la houlette du champion du monde finlandais, Yrjo Vesterinen. En fait de stage, il se tire la bourre avec ce dernier toute la journée ! Il participe au championnat de France, puis suite à une séance photo spectaculaire dans Moto Journal, il est remarqué par les patrons de Fantic Motor, Keppler et Agrati, qui souhaitent l’embaucher. Ces deux-là, rois du marketing, ont bien compris l’intérêt d’engager ce jeune Français, doué et exubérant. On est en plein boum des trials indoor et les nouveaux employeurs de JP l’envoient sur l’épreuve de Turin. Et il gagne devant l’américain Bernie Schreiber ! « Une starlette du porno italien est venue me remettre la coupe et moi, je lui ai serré la main... » Pas complètement dégourdi le Bugiste, mais déjà une vedette. Suite à sa prestation, il est invité en Angleterre pour une épreuve mi-trial, mi-enduro retransmise à la BBC. Et il s’impose encore ! « À partir du moment où j’ai goûté au trial spectacle, le trial classique m’a moins attiré, j’ai toujours aimé le côté cirque. » Fini la scierie, Jean-pierre est maintenant un pro, et les succès s’enchaînent. Sans parler de la télé avec Jacques Martin dans Incroyable mais vrai ou du séjour au Japon avec Fantic. Il s’entraîne la journée et fait la fête le soir. À quoi rêver de mieux quand on a 20 ans ? En 1983 à Bologne, il rencontre Rémy Julienne – le pape de la cascade en France. « Pour moi, Rémy était un dieu vivant et j’ai accepté de travailler avec lui. Malheureusement, je suis allé de déception en déception, parfois je n’étais pas payé et mon nom n’était jamais cité... » Comme en 1991, lors de sa prestation sur le pont de Loyettes qui enjambe le Rhône : Jean-pierre roule
« UNE STARLETTE DU PORNO ITALIEN EST VENUE ME REMETTRE LA COUPE ET MOI, JE LUI AI SERRÉ LA MAIN »
sur une arche de 60 cm de large à 36 mètres de hauteur. L’exploit est largement diffusé aux États-unis et 4 ans plus tard, il est contacté par le réalisateur Vic Armstrong, qui lui propose de doubler Pierce Brosnan alias James Bond dans Demain ne meurt jamais. Ça consiste, entre autres, en un saut de 21 mètres à 15 mètres de hauteur au guidon de la nouvelle BMW R1200 Cruiser, la firme allemande étant liée avec le producteur. « J’avais déjà bossé pour BMW en 1993 pour présenter la nouvelle F650 mais là, je partais pour 3 mois et demi de tournage et je devais annuler tous mes spectacles... » Jean-pierre accepte et n’aura pas à le regretter puisque ça débouche sur un contrat de 10 ans avec le constructeur munichois. Mais pour le cinéma, il lui a fallu attendre : la profession pensait qu’il était devenu trop cher. « En 2007, j’ai décidé d’ouvrir une école de perfectionnement à la conduite moto et j’ai pensé que BM me suivrait : ils m’ont répondu que j’étais trop vieux, voire ringard... » KTM, une marque pourtant à l’image plus jeune, ne laisse pas passer l’occasion et signe avec Jean-pierre.
BMW le lâche, KTM sur les rangs
Allez comprendre. « Je pense aussi que le cascadeur allemand Chris Pfeiffer, un jaloux né, m’a cassé du sucre sur le dos… » Peu importe, il participe à nouveau à des superproductions hollywoodiennes. Il double Daniel Craig sur James Bond, Jeremy Renner sur Jason Bourne et Christian Bale sur Batman. Sa prestation dans ce dernier film lui vaudra même d’obtenir un Taurus en 2009 – équivalent d’un oscar pour les cascadeurs. Une consécration ? « Oui, tout comme lorsque Christopher Nolan, réalisateur et producteur de Batman, vient me dire en français : “Tu réalises mes rêves.” » Et si vous voulez réaliser les vôtres, n’hésitez pas à le contacter. Il propose des stages particuliers du mardi au vendredi et des sessions de groupe le samedi. Je crois que je vais m’inscrire : j’avoue, ça fait 15 ans que je rêve d’apprendre à faire des roues arrière !
SON NOM ? JAMES BOND, JASON BOURNE,
OU BATMAN. RIEN QUE ÇA...