Moto Revue Classic

TRITON FOREVER

Déçu par le moteur de sa Norton Commando 960, un client de l’atelier suisse Britalmoto n’a pas hésité à faire monter un Bonneville vitaminé dans sa partie-cycle.

- Texte : Christophe Gaime – Photos : Alexandre Krassovsky

Essai de la Britalmoto 1 087 cm3, la Triton du 21e siècle et focus sur les JV Special 500 et 650 de 1953.

J’ai trouvé l’équivalent suisse des Chatokhine ! Ils se trouvent à Kirchwiese­n, charmant village situé à 150 km de Mulhouse. Bon, j’exagère un peu puisque d’une, la famille Chato est unique et deux, le domaine d’activité n’est pas tout à fait le même. En revanche, comme leurs homologues français, le père et le fils, Fritz et Ivo Tschumi travaillen­t ensemble dans un bien bel atelier nommé Britalmoto (voir p. 34-35). Et ils se complètent fort bien. La meilleure preuve, c’est la Triton qui est garée devant la boutique et pour laquelle on a fait le déplacemen­t. Ivo s’est chargé du design et la peinture et Fritz du moteur et de la partie-cycle. Au fait – mais vous l’aviez sûrement remarqué –, il s’agit d’une Triton réalisée avec une partie-cycle de Norton 961 Commando de 2011 et d’un moteur de Bonneville dernière version. La Triton 2.0 en quelque sorte. Et ça mérite explicatio­n. Au printemps 2012 Werner Naf, client de Britalmoto, reçoit sa Norton Commando 961 après 11 mois d’attente et prend rapidement la boîte de vitesses dans la gueule. C’était la tare des premières versions. Très déçu – on le serait à moins –, il se laisse convaincre par les Tschumi qui lui conseillen­t de monter un Bonneville gonflé dans cette excellente partie-cycle. On est en octobre 2012 et le chantier commence. Il faut donc trouver un moteur. Fritz commande un bloc Thruxton aux États-unis mais il le regrette un peu : « Tout compte fait, avec le transport et les frais de douanes, il est revenu au prix d’une moto complète

LE PRIX DU BLOC THRUXTON, COMMANDÉ AUX USA,

ÉQUIVAUT À CELUI D’UNE MOTO D’OCCASION

d’occasion. » Mais bon, on est en Suisse et Werner est chef d’entreprise… Sauf que chez Britalmoto, on ne se contente pas de moteur stock, surtout avec un twin plutôt tranquille (pour ne pas dire triste à mourir), comme le nouveau Bonnie. Déjà, la cylindrée passe à 1 087 cm3 (au lieu de 865) par le biais de gros pistons et d’un vilebrequi­n longue course. On monte ensuite de grosses soupapes, sans oublier d’augmenter le diamètre du conduit d’admission de l’injection. En revanche, Fritz a monté un arbre à cames de Bonneville 790 cm3 qui sied mieux au moteur tapé. C’est déjà pas mal mais une question me brûle les lèvres : et pourquoi pas une bonne paire de carburateu­rs, histoire de revenir aux sources ? Fritz répond tranquille­ment : « Pour un problème d’homologati­on, avec des carbus, la Triton n’aurait pas passé les tests de pollution… » Bon, d’accord. Il en profite pour me préciser que toutes ces pièces spéciales proviennen­t de chez Triumph Performanc­e, en Californie.

L’addition totale ? 49 000 euros

Une fois le moteur terminé, il suffit de jeter ce dernier dans le cadre, pensezvous ? Eh bien non, c’est pas aussi simple. Déjà, sur une Bonneville, le bras oscillant est fixé sur les carters moteur. C’est pour cela que l’on retrouve l’élément d’origine Triumph sur la Triton. En revanche, il a fallu couper la partie arrière du cadre Norton pour laisser passer le twin. Voyez que c’est pas si aisé. Sans parler du moulin qui est plus gros que celui de la Commando et qui rentre au chausse-pied. Toutes les fixations ont été redessinée­s et fabriquées sur place. De même, la partie inférieure du cadre est maintenant démontable. Sans oublier le boîtier de filtre à air entièremen­t repensé et optimisé. Mais Fritz n’est pas mécontent car, grâce à des goujons spéciaux, il peut démonter la culasse sans déposer le moteur. Trop fort. Enfin, Ivo, le fiston, s’est attaqué à la peinture et surtout à redessiner une selle plus petite et qui reprend la découpe du réservoir. Du grand art !

Pour les commandes, on trouve du Rizoma et du Free Spirit made in Italy, tout comme les silencieux QD, tandis que les tubes d’échappemen­t gros diamètres sont fabriqués en Suisse par un atelier qui travaille pour Britalmoto.

À 4 000 tours, les reprises décoiffent

À ce stade, il est temps de parler chiffres. Initialeme­nt, les Tschumi avaient estimé pouvoir réaliser le projet en 250 heures mais in fine ils sont arrivés quasiment au double, soit 450 heures ! « Et encore c’est sans compter les 150 heures que l’on a consacrées à l’homologati­on ! » , me lancent-ils en choeur. Car la Triton 1087 est homologuée, et plutôt deux fois qu’une. La partie-cycle a d’abord reçu un premier certificat après des tests de distorsion sur le cadre puis la moto complète a obtenu ses papiers définitifs une fois que les tests de bruit et de pollution ont été concluants. « On a évidemment dû monter des silencieux mais sans ça, on passait la barre des 100 chevaux » , précise Fritz. Il est vrai qu’en version homologuée, la Triton ne développe « que » 96 chevaux à la roue arrière ! Et ce n’est pas une évaluation car Britalmoto passe systématiq­uement ses machines au banc. Sauf que pour en arriver là, notre bon Werner a dû débourser une petite fortune. Mais comme me le rappelle Ivo, le niveau de vie est beaucoup plus élevé en Confédérat­ion helvétique. Bref, tout compris (en comptant le prix de la Norton), ça coûte 60 000 Francs Suisse, soit 49 000 €… N’y pensons plus, et allons faire un tour avec l’engin en évitant de le foutre par terre ! Lors des premiers tours de roues, on est toujours plus prudent avec des engins de ce prix et du coup, ça me permet de constater que la Triton est vraiment facile de prise en main :

LE TRAVAIL ÉTAIT ESTIMÉ À 250 HEURES, IL EN A FALLU

450... SANS COMPTER LES 150 D’HOMOLOGATI­ON !

commandes douces, moteur souple, position pas trop fatigante. On est évidemment en appui sur les poignets mais rappelons qu’il s’agit d’un café racer. Et puis, allez, après quelques kilomètres, on se lâche et on ouvre en grand. Et là effectivem­ent, on sent bien que Fritz sait de quoi il parle : à 4 000 tours, les reprises sont décoiffant­es. Lorsque je remonterai sur une Bonneville, plus rien ne sera comme avant ! Car, en plus, la partiecycl­e de la Norton n’est pas prise en défaut, ce qui n’aurait sûrement pas été pareil avec du Triumph standard. Bref, on se dit que, même sur circuit, l’engin doit être redoutable puis on se calme car on n’oublie pas qu’on est en Suisse Alémanique… Direction l’atelier pour féliciter les Tschumi et partager une bière avec eux. Tiens, un autre point commun avec les Chatokhine !

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