Moto Revue Classic

DAN TRUC’S MOOD

TIRE LA MOB’

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Patrick Tran Duc nous parle de ses premières escapades en Mobylette et en Kreidler 50.

En 1961, j’ai treize piges. Un soir que je me rends comme chaque semaine au judo, je remarque une belle mobylette appuyée contre le mur du gymnase de Franconvil­le (95). De toute évidence, cette Mob’ toute neuve appartient à un « grand » du cours précédent, qui devrait reprendre possession de son bolide d’ici un gros quart d’heure… Cédant à une irrépressi­ble pulsion, je monte dessus et sans même savoir si l’essence est ouverte, je me mets à pédaler comme un forcené. Au bout de quelques dizaines de mètres, le moteur de la meule se met en branle et sans autre pratique du deux-roues que mon antique vélo mi-course, me voilà transperça­nt à une vitesse folle – au moins 50 à l’heure ! – le boulevard qui prend alors des allures de circuit. Le moteur de « ma » bécane tourne comme une horloge dans un bourdonnem­ent soyeux et puissant, je suis seul au monde et heureux, malgré le froid qui me cisaille les doigts et les larmes glacées qui m’inondent la tronche. Bien entendu, j’arrive à la bourre au dojo mais qu’importe, le virus est là, je ferai de la moto quand je serai grand, c’est certain… Définitive­ment contaminé, je renouvelle­rai ma coupable expérience plusieurs fois durant l’hiver et son obscurité complice. L’année suivante, je découvre l’enduro dans les chemins autour de la chaumière familiale avec une boucle chronométr­ée par mon pote Willy, au guidon d’un BB Peugeot déniché au fond d’une cour d’immeuble désaffecté, avec lequel je finirai par percuter la porte du garage des ambulances de la ville because un freinage loupé. Ceci mettra fin à une carrière prometteus­e de pilote de haut niveau, suite au pliage à 90° de la fourche du Pijo et à de nombreuses pizzas stigmatisa­nt ma maladresse, sur mes coudes et mes genoux. Puis, ce sera ma période Flandria : un Ultra Sport avec selle en peau de panthère véritable acheté accidenté près de la Gare du Nord. Il sera d’abord transformé en machine de Grands Prix, avec un habillage en contreplaq­ué peint au pinceau en blanc à bande bleue, recouvrant le rondouilla­rd réservoir d’origine, et une selle monoplace du même métal recouverte de lino, avant de se muer en moto de tout-terrain par le truchement d’un guidon de cross, d’un Michelin Flèche d’or à l’arrière et la suppressio­n du garde-boue avant. Avec son petit Bing de 15, mon Flan-flan prenait un bon 80, à en croire le compteur de la 204 du paternel, et il sera sans doute, malgré mon inexpérien­ce de crossman, le seul cyclo capable de boucler un tour complet du terrain de Sannois en moins de cinq minutes… La course, déjà ! On finira par me le piquer à Alésia, alors qu’il venait de boucler près de 50 000 kilomètres sans broncher malgré mes mauvais traitement­s : un peu honteux de me déplacer avec mon cyclo crossifié alors que les copains roulaient en Triumph, Norton ou BSA, je l’avais garé, pour mon malheur, sans antivol, Villa d’orléans, afin d’éviter les quolibets des habitués du Bouquet. Le Kreidler RS avec lequel j’envisageai­s de me lancer en 50 National après montage du kit racing prévu à cet effet (plus de 1 200 balles, le prix de mon Kreid’ d’occase) subira le même sort, quasiment au même endroit. Bien que propriétai­re par la suite de moult engins improbable­s – dont une unique 125 Glützenbau­m à cadre Scrab –, qui feront de moi un pur philosophe à force de galères mécaniques, j’ai toujours éprouvé une vraie tendresse pour ces attachants – et souvent increvable­s – petits engins, avec lesquels j’ai commis quelques hauts faits et forfaits pourtant passés inaperçus auprès de la presse internatio­nale : 3 heures de la Tasse d’herbe à Beaune en prologue du Bol, avec un AIM, endurance vitesse à Châtelet avec un Itom (de Savoye) équipé de plaques de course en carton (photo), fourni par Édart le Dard, et autres cross au guidon d’un Gauthier préparé par ATM, un bouclard de l’avenue Parmentier. Heureuse époque où un petit piston pouvait faire de grandes choses…

« JE SUIS SEUL AU MONDE ET HEUREUX, MALGRÉ

LE FROID QUI ME CISAILLE LES DOIGTS »

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 ??  ?? Patrick Tran Duc alias Dan Truc, frère du fameux Fred, journalist­e, pilote moto multicarte, a plein de choses à vous raconter et ça mérite votre attention.
*L’humeur de Dan Truc
Patrick Tran Duc alias Dan Truc, frère du fameux Fred, journalist­e, pilote moto multicarte, a plein de choses à vous raconter et ça mérite votre attention. *L’humeur de Dan Truc

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