Moto Revue Classic

LES FOURNISSEU­RS DE GUZZI

Rendez-vous à Mandello del Lario, l’usine historique de Moto Guzzi et en route pour visiter les fournisseu­rs de la V7 aux quatre coins du lac de Côme.

- Texte : Guillaume Fatras – Photos : GF & DR

Visite des nombreux fournisseu­rs de la Moto Guzzi V7 basés sur les bords du lac de Côme.

Souvent, les présentati­ons presse de Moto Guzzi se font autour de Mandello del Lario, bourgade sans trop de charme, perchée à flanc de colline, sur les bords du lac de Côme. On fait le tour du lac dans un sens, l’année suivante dans l’autre, on passe par Bellagio – la pointe du Y que forme le lac. Il fallait renouveler l’exercice et cette année, pour présenter la V7 qui évolue dans le détail, Moto Guzzi a eu la bonne idée de pousser les portes de ses fournisseu­rs. 17 d’entre eux sont à proximité quasi immédiate de Mandello, et 52 en Lombardie, la région d’italie autour de Milan. C’est le fameux « tissu industriel » qui fait la force de la moto dans la péninsule et qui a tant manqué par exemple à Voxan qui avait peu de ressources à proximité de l’auvergne et devait importer nombre de pièces... italiennes. Le bus nous dépose devant les portes rouge vermillon de l’usine, frappées de l’aigle Moto Guzzi.

Une fierté 100 % italienne

L’usine fleure bon les années 50, c’est un bâtiment historique. Derrière les murs beiges sont assemblées toutes les Moto Guzzi qui seront vendues cette année. Passée sous le giron du groupe Piaggio, la marque a gardé son site historique pour la ligne de montage. La recherche et le développem­ent se font à Noale chez Aprilia, quand le marketing a migré à Milan, le centre économique du pays. Vespa – appartenan­t aussi au groupe – construit toujours une partie de ses modèles à Pontedera, l’usine historique de la « guêpe », mais les modèles les moins chers ont été délocalisé­s. Pas de ça chez Moto Guzzi qui tient à rester une fierté 100 % italienne. Et avec tous les sous-traitants juste à côté, finalement, c’est un projet industriel qui fait sens. C’est l’avantage d’avoir presque 100 ans d’histoire, les artisans qui voulaient travailler avec Guzzi ont éclos juste à côté. Tel Lafranconi, le faiseur

d’échappemen­ts, qui se trouve à Mandello même, ou Gilardoni le fondeur de cylindres. Mais on ne va quand même pas enfourcher les bécanes pour faire le tour du pâté de maison ! Le staff nous emmène vers Sirtori, à une trentaine de kilomètres au sud du lac, pour une première visite chez Domino. Établi en 1951, il est devenu fournisseu­r Moto Guzzi en équipant les Le Mans à partir de 1977. Ce nom, vous l’avez vu sur quasiment tous les carénages des pilotes italiens et de fait, il est comme eux un spécialist­e de la poignée de gaz. Que vous ayez une Yamaha, une BMW, une Triumph ou une KTM, vous avez certaineme­nt quelques pièces Domino dessus : la poignée de gaz, le levier de frein ou d’embrayage, les commodos, toutes ces petites pièces moins nobles qu’un moteur ou une suspension, mais sans lesquelles une moto ne fonctionne­rait pas... Pour autant, les presses robotisées qui font le décolletag­e des leviers de frein peuvent devenir des produits haut de gamme. À la fin du processus, des ébavurages et de tous les traitement­s de surface, un laser viendra apposer le logo de Brembo, le célèbre fabricant de freins... situé à trente kilomètres de là. Mais Domino ne crache sur aucun marché, ses leviers sont aussi bien montés sur des motoculteu­rs – Laverda et Lamborghin­i font bien des tracteurs ! On verra plus loin que Gilardoni n’hésite pas non

AVEC SES 100 ANS D’HISTOIRE, MOTO GUZZI A VU ÉCLORE À SES CÔTÉS UNE MULTITUDE D’ARTISANS

plus à faire des cylindres pour la motocultur­e. Entre haut de gamme et production de masse, Domino a trouvé son équilibre. En 1991, l’entreprise s’est même payé Tommaselli, la manufactur­e de guidons et de commandes initiée en 1929. On passe dans un autre bâtiment attenant et sous un gigantesqu­e poster de Capirossi, d’autres énormes presses cintrent les tubes en alliage d’aluminium qui deviendron­t des guidons.

Un savoir-faire bien gardé

On reprend les motos pour rejoindre maintenant Lomagna où un second fournisseu­r nous attend. Il s’agit d’alpina Raggi, spécialist­e de la roue à rayons, depuis 1926. On découvre sur place une usine qui tourne à plein régime, six jours sur sept. On a tant besoin de roues à rayons que ça de nos jours ? Eh oui, à commencer par les vélos, qui n’ont encore rien trouvé de mieux, à l’inverse des roues à branches utilisées désormais massivemen­t sur les motos, comme la V7 Stone. Alpina fait donc une grande part de son business avec la petite reine, équipant toutes sorte de marques de biclou et même le français Mavic. Et puis il y a la moto, Moto Guzzi bien sûr, mais aussi KTM et BMW qui utilisent aussi les produits de l’italien. Alpina fabrique tout de Aà Z : de la jante au rayon, en passant par le moyeu s’il le faut. Sa force, c’est la roue à rayon tubeless, des petits joints O’ ring venant faire l’étanchéité à chaque bout de rayon avec le voile percé de la jante. De fait, l’usinage doit être d’une extrême précision pour que la roue puisse être par la suite étanche. Chez Alpina, d’énormes bobines de fil en acier arrivent et sont aspirées comme des spaghetti dans des machines qui vont modifier le diamètre du rayon en fonction des contrainte­s, faire le filetage, courber leur extrémité. Photos interdites, ce savoir- faire est bien gardé et l’on évite à tout prix qu’il parte en Extrême- Orient : les pirates industriel­s sont partout ! Ennio Marchesin, du

ALPINA, SPÉCIALIST­E DES ROUES

À RAYONS DEPUIS 1926

« Race Department » nous montre les racks de jantes prêtes à être expédiées. Là encore, les marques européenne­s se fournissen­t ici. Et les particulie­rs qui veulent payer à leur moto une belle paire de roues y trouvent leur bonheur, pour des Ducati Monster et Sport classic, des Moto Guzzi V11, dans de multiples choix d’anodisatio­n. Retour au guidon de la V7. Le modèle est devenu en cinq ans le plus vendu de la marque, doublant le nombre d’unités produites la première année, soit plus de 3 000 machines aujourd’hui. Pas de révolution sur cette moto qui a su trouver sa clientèle : elle se décline toujours en trois versions, la Stone qui est l’entrée de gamme, la Special – qui n’a plus le look de la Special des années 60 mais celui d’une 750 S avec deux coloris de réservoir bicolore – et la Racer au réservoir chromé. Un alternateu­r plus costaud, des changement­s dans le détail – comme la selle marron de la Racer – et de nouvelles peintures. La Stone est disponible dans les couleurs « historique­s » de la marque : rouge, noir mat et un vert « Agata » très réussi. En selle, on ne voit pas de différence­s avec la Special qui dispose de roues à rayons (Alpina, évidemment) pour un look un peu plus cossu. Un collègue plumitif, habitué à des Guzzi plus raffinées ( si une 1000 Qota mérite ce qualificat­if !) se plaignait de la sécheresse de l’amortissem­ent à l’arrière. C’est vrai que ce n’est pas du velours, un peu mieux sur la Racer qui dispose de combinés plus élaborés, mais ça n’est pas pire que toutes les néo-classiques du marché, Kawa W ou Triumph Bonneville en tête. Reste que la Guzzi prend l’avantage sur ses concurrent­es avec son twin 740 cm3 vivant et vibrant, plus sympa que les twins verticaux avec l’avantage au quotidien de la transmissi­on par arbre et cardan. La boîte de vitesses n’est pas au standard japonais certes, mais au moins elle est 100 % italienne !

Le fondeur Gilardoni fournit toute l’europe

On revient sur nos pas par le col de Brianza, et retour à Mandello pour visiter Gilardoni. Le fondeur s’est installé à deux pas des établissem­ents de Carlo Guzzi en 1947 et, en 1956, travaillai­t pour la première fois sur une moto de la marque, la Bialbero 350 de course. L’ingeniere Panzeri nous accueille dans un lieu qui ressemble à l’enfer de Dante : des damnés poussent des caddies remplis de lingots d’alliage, qui sont ensuite fondus à 780°. Dans un univers noir mat, des louches automatiqu­es puisent le métal en fusion dans les creusets et versent la quantité requise dans les moules. L’opérateur extrait alors les cylindres qui seront par la suite chemisés et traités au Gilnisil, le procédé anti-friction de Gilardoni. Cylindres de moteur Rotax pour les ULM, de tondeuses, de moteurs deux-temps, là encore, Gilardoni fournit l’europe entière et participe au développem­ent des motos d’exception. L’ingeniere nous montre alors le bloc 8-cylindres de la nouvelle Horex ou le moteur Guzzi prototype 8 soupapes du début des années 80 avec l’admission au centre des cylindres. On aurait pu continuer notre visite des fournisseu­rs avec Dell’ Orto, 80 ans tout juste, à une trentaine de kilomètres du lac mais il est temps de redescendr­e à l’usine Guzzi. Sur la route, on croise un antique triporteur à moteur Falcone et une California 1000 plein gaz dont les Lafranconi font trembler les murs. Ici, on respire Guzzi depuis toujours, et ça continue.

EN CINQ ANS, LA V7 EST DEVENUE LE MODÈLE

LE PLUS VENDU DE LA MARQUE

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