Moto Revue Classic

PEUGEOT SAUVE L’ÉPREUVE !

CROISIÈRE VERTE

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Début 1980, c’est la panique chez TSO, organisate­ur du Dakar, du Touquet et de la Croisière Verte, un grand rallye ralliant le Touquet à Sète par les chemins. On vient d’apprendre que Yamaha, qui sponsorisa­it l’épreuve, a décidé de se retirer de l’affaire. In extremis, Peugeot Cycles annonce qu’il reprend le flambeau, confirmant ainsi sa récente implicatio­n dans la course moto par le biais de la création d’un service compétitio­n. L’aide de Pijo est tout sauf symbolique, non content d’amener des espèces sonnantes, de fournir plaques de course, banderoles et flèches, le constructe­ur français annonce qu’il engage dix motos dans la course organisée par Thierry Sabine. Quatre d’entre elles seront confiées à des bidasses, les autres à des civils : Mesdemoise­lles Chapoy et Leruyer, Messieurs Lepetit, Tramontana, Laredo, Jeanty et moi-même. La présence des pilotes militaires était justifiée par le fait que l’armée de Terre utilisait déjà les 80 cm3 que nous allions piloter et que, par l’intermédia­ire du 602e RCR, elle était chargée du fléchage, de la sécurité de la course et de l’assistance des dix pilotes engagés par Peugeot. Nos montures étaient des SX8 dont la fourche, les amortos, les roues en fromage mou et l’échappemen­t avaient été remplacés, l’allégement et la préparatio­n a minima de ces vilains engins ayant été confiés à Jean-pierre Édart, spécialist­e réputé des petits cubes. Comme le responsabl­e du service course, Patrice Hauguel, un ancien de chez Sonauto, était un ami et que je courais en enduro depuis quelques années, je me suis retrouvé en possession d’un 80 kaki… que je me suis empressé de peindre à la bombe en blanc et bleu ! J’avais déjà pris contact rudement avec cet engin lors d’une présentati­on presse en présence du ministre des Armées en ramassant une de ces gamelles qui marquent la vie d’un enduriste, la fourche s’étant littéralem­ent vrillée lors d’une retombée de saut trop violente. J’avais négocié l’obstacle comme avec ma Yam’ 175 IT …

« Mon Pijo a bouclé ce périple infernal »

Malgré ça, la perspectiv­e de participer à la Croisière Verte sans débourser un rond avait renforcé ma motivation, d’autant que des primes étaient promises aux trois premiers Peugeot classés… Il faut dire que la mission consistant à amener du Touquet à Sète des machines développan­t huit chevaux, en passant par des spéciales tracées sur des terrains militaires style piste à chars n’était pas du gâteau, et c’est en nous préparant à l’indicible que nous avons pris le départ. Avant de partir, j’ai questionné Hauguel concernant les réglages moteur : « C’est pas compliqué, tu roules à toc jusqu’à ce que ça serre. Après, t’es peinard ! » Confiant, j’ai donc enquillé l’a15 à bloc, serré le moulin, mais après un petit coup de 400 sur la chemise du cylindre et sur le piston, j’ai pu rouler à fond toute la semaine sans le moindre souci ! Au soir de l’étape nous menant à Dijon, je me suis retrouvé en tête des 80 et dans les deux ou trois en 125. Seule une cinquantai­ne de concurrent­s, dont moi, sur près de cent cinquante au départ, étaient parvenus à pointer à l’heure le soir. Et comme l’étape suivante qui devait nous amener en Auvergne comportait plus de 400 bornes, avec deux spéciales de nuit, on n’était pas couchés. Mais tout s’est bien passé et c’est seulement lors de l’étape suivante que j’ai perdu ma première place. Des couillons avaient débalisé et je suis revenu sur mes pas après une demi-heure de piste sous une pluie battante ! Le lendemain, c’était l’étape de navigation, sans fléchage. Après m’être paumé, j’ai pris la roue de Paul Laredo qui semblait pourvu d’un sixième sens et m’a conduit directemen­t au camp des Garrigues. Enfin, c’est l’arrivée à Sète, mon Pijo a bouclé ce périple infernal à la seconde place et je lui suis tellement reconnaiss­ant pour sa bravoure qu’à l’arrivée, je n’ai qu’un désir, qu’il soit à moi. Hélas, le SX8 n° 48 coule désormais des jours heureux au musée Peugeot de Sochaux…

« C’EST PAS COMPLIQUÉ, TU ROULES À TOC JUSQU’À CE QUE ÇA SERRE. APRÈS, T’ES PEINARD ! »

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