PREMIER ESSAI SUR L’ANNEAU
L’anneau de Montlhéry était considéré, jusqu’au début des années 90, comme le rendez-vous incontournable des revues spécialisées, auto et moto. Moto Revue n’échappait pas à la règle et l’ensemble de la partie chiffrée de l’essai s’effectuait nécessairement par un passage sur le plateau de Saint-eutrope. Situé à une trentaine de kilomètres de Paris, l’anneau de vitesse (ainsi que les différentes pistes d’essais et, bien entendu, le redoutable circuit routier de 9 kilomètres) permettait de juger des performances globales d’un véhicule. C’était une époque, considérée comme révolue aujourd’hui, où la vitesse maxi était l’argument de vente n° 1. Je me souviens, que gamin, et déjà lecteur de Moto Revue, je m’émerveillais des vitesses des différentes machines et étais en admiration devant les prouesses réalisées par Jean-pierre Beltoise et Jean Claude-bargetzi, les essayeurs de l’époque. Je dois bien avouer que la vitesse maxi du Peugeot BB Sport (73 km/h) fut, en 1958, le principal déclencheur de mon achat quelques mois plus tard ! À cette époque, j’ignorais que quelques années plus tard, grâce à un heureux concours de circonstances, j’aurai le privilège de rentrer dans le cercle très fermé des essayeurs de Moto Revue, alors seule et unique revue moto. C’est tout ému que je me retrouvais en octobre 1968, à Montlhéry, pour effectuer mon premier essai pour le magazine, en l’espèce la Kawasaki W 650 SS, un signe prémonitoire. J’étais le petit nouveau et Gilles Mallet était alors le responsable des essais. Très vite, une saine émulation allait se faire jour. Celle-ci allait d’ailleurs contribuer à élever le niveau de performances mais aussi la prise de risques. Nous étions des essayeurs mais aussi des compétiteurs, ceci expliquant cela. Les Japonais de chez Kawasaki avaient repris tous les bons côtés de la production anglaise, en particulier concernant le moteur.
Freiner le plus fort possible !
Comme il se pouvait qu’ils aient aussi repris les défauts des partie-cycles – Gilles Mallet dixit –, j’avais donc une légitime appréhension. Se lancer, à fond, sans aucune expérience, sur l’anneau de 2 500 mètres demandait une certaine dose d’abnégation. J’avais en effet en mémoire les commentaires des autres essayeurs et croyez-moi, je n’en menais pas large. J’avais cependant une réputation à défendre. Contre toute attente, le comportement de la W 650 SS se révéla acceptable. Les vitesses maxi – assis et couché –, de même que les accélérations se révélèrent plus que correctes. De la sorte, la W 650 SS prenait d’emblée place parmi les machines les plus performantes de son temps. Avant de se lancer sur le circuit routier, nous avions pour habitude de prendre d’autres mesures, comme la consommation, l’étalonnage du compteur et l’épreuve du freinage. Ce test, comme vous l’avez deviné, consistait à freiner le plus fort possible à partir de la vitesse de 60 km/h jusqu’à l’arrêt complet. Lors de cette épreuve, Gilles Mallet et moi-même étions en compétition. C’était à celui qui réduirait les distances de freinage le plus possible. Ayant quelques dizaines de centimètres de retard à l’issue du deuxième essai, je tentais le tout pour le tout lors de ma troisième et dernière tentative. Et ce qui devait arriver arriva... Le double came qui équipait la machine n’était pas très puissant mais avait la fâcheuse propension à bloquer lors de l’attaque. Roue avant bloquée nette, la tentative se solda par une gamelle monumentale. Les dégâts matériels étant trop importants pour continuer, c’est tout penaud que je rentrais tant bien que mal, au siège de Moto Revue, alors à Paris, au 103 rue Lafayette (10e). Le redac chef d’alors, Bruno Nardini, nous convoqua Gilles et moi. Difficile de nier l’évidence devant les faits. Convaincu qu’un tel incident pourrait se reproduire, il décida que désormais, les mesures de freinage ne feraient plus partie du cahier des charges des essais.
« C’ÉTAIT UNE ÉPOQUE, AUJOURD’HUI RÉVOLUE, OÙ LA VITESSE MAXI ÉTAIT L’ARGUMENT DE VENTE N° 1 »