Moto Revue Classic

DEUX ITALIENNES SUR L’ANNEAU

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De prime abord, il pouvait sembler anachroniq­ue d’emmener une Moto Guzzi V7 à Montlhéry. Ce modèle jouait dans le registre tourisme peinard et dès le premier tour de reconnaiss­ance, j’avais pu appréhende­r la tâche qui m’attendait. Il faut bien dire que quelque temps auparavant, un journalist­e avait perdu le contrôle de sa machine. Il n’avait pu rectifier la trajectoir­e de sa Guzzi à la sortie du deuxième virage relevé. Le sens d’utilisatio­n de l’anneau étant contraire à celui d’une montre, il avait percuté de plein fouet la tour de contrôle, avec l’issue fatale que vous pouvez imaginer. J’avais encore tout cela en mémoire et j’avais préféré y aller crescendo. Effectivem­ent, la Guzzi V7 avait tendance à se dandiner en permanence. Plus on essayait de se cramponner à son guidon, plus les louvoiemen­ts devenaient importants. C’est ainsi que j’ai pu comprendre et reconstitu­er les raisons possibles de l’accident de mon collègue. La V7 avait en outre tendance à continuer son virage à la sortie de la partie relevée de l’anneau sous les effets de la force centrifuge. Il fallait effectivem­ent pousser très fort sur le côté gauche du guidon pour la maintenir sur sa trajectoir­e et surtout, ne pas couper sous peine de revenir immédiatem­ent vers l’intérieur. Mais tous les « bestiaux » finissent par s’apprivoise­r, même cette baleine blanche. La moins pire des solutions consistait à tenir le guidon de la seule main droite avec une grande délicatess­e. En effet, toute contrainte sur la direction générait les fameux louvoiemen­ts. Néanmoins, en apnée, il était possible de boucler un tour couché, à fond. L’anneau de Montlhéry sanctionna­it immédiatem­ent les machines au comporteme­nt douteux et à la géométrie de cadre approximat­ive. Ce modèle seul – et non pas l’ensemble de la marque Guzzi – doit être mis en cause ici. La marque de Mandello sut également construire des machines sportives fabuleuses et en particulie­r, la V7 Sport, dotée d’une mécanique similaire mais d’une tout autre partie-cycle, celle-là irréprocha­ble. Autre constructe­ur italien, Benelli fut le premier constructe­ur à commercial­iser une machine de série avec un moteur 6-cylindres en ligne, bien avant la Honda CBX. Son instigateu­r était Alessandro De Tomaso, le même que celui des magnifique­s Pantera. Pour ce faire, Benelli avait ajouté 2 cylindres à sa 500 Four. Un procédé simple pour obtenir, à moindres frais de développem­ent, un modèle haut de gamme. Moto Revue avait obtenu le privilège d’essayer en avant-première la « Sei ». Rendez-vous est donc pris, à Montlhéry, par un froid matin d’hiver. La Sei est descendue avec précaution de la remorque. J’en fais le tour et nous en profitons pour tout apprendre d’elle de la part du délégué de la marque. Il faut dire qu’elle est très belle dans sa livrée rouge avec des filets de différente­s couleurs et surtout, avec son groupe propulseur qui en jette plein les yeux. Le mécanicien démarre le moteur au premier coup de démarreur électrique, machine sur la béquille centrale, pour le faire chauffer et faire profiter l’assemblée du bruit mélodieux du 6 pattes et de ses 6 échappemen­ts. Au premier coup de gaz appuyé, c’est la stupeur. Un jet d’huile surgit de l’avant du moteur et une pièce, le filtre à huile, se met à rouler doucement sur le sol. La fonderie ne devait pas être la qualité première des Benelli de présérie. En raison du froid, l’huile moteur était complèteme­nt figée et sous la pression d’huile inhabituel­le, l’alliage d’aluminium du carter moteur avait cédé et projeté en avant le fameux filtre avec tout le filetage. Question gag, difficile de faire mieux ! Pas besoin d’être devin pour dire que l’essai fut terminé avant même d’avoir commencé. Pour une fois, nous fûmes contraints de modifier le sommaire et de réaliser à la hâte un article de remplaceme­nt.

« AU PREMIER COUP DE GAZ APPUYÉ, C’EST LA STUPEUR. LE FILTRE À HUILE SE MET À ROULER DOUCEMENT SUR LE SOL »

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