Moto Revue Classic

GENTLEMAN RIDER

ANDRÉ-LUC APPIETTO

-

Mon premier vrai souvenir d’andré-luc Appietto remonte à 1969 et se confond avec Montlhéry, où se déroulait, dans les années 60, une grande partie des épreuves du championna­t de France. Il était là, debout, dans son cuir rouge Lewis Leathers et son Cromwell de la même couleur, à côté de sa magnifique Paton. Il avait l’air d’un conquérant et aussi d’un intello, avec son regard perçant et ses petites lunettes, rondes, cerclées d’acier. C’était l’un des ténors du plateau et je me sentais bien petit avec ma Ducati 250 Mach1. Lui faisait partie des grands, des inaccessib­les. Aux yeux de beaucoup, il passait pour un excentriqu­e. Il se faisait remarquer, pour ne pas dire détonnait dans le paddock, en raison de ses équipement­s voyants, car à l’époque, le cuir noir était de rigueur. Son instructio­n – comme je l’ai constaté par la suite – et ses importants moyens financiers dus à une famille aisée faisaient aussi beaucoup de jaloux. Ainsi, de ses débuts en 1966 jusqu’à sa disparitio­n, il aura pu disposer d’un matériel compétitif : Norton Manx, Morini Rebello, Bultaco, Kawasaki H1R, sans parler de la magnifique Paton 500 bicylindre, la seule en France, à ma connaissan­ce, avec celle d’antoine Paba. Auxquelles il faut ajouter la Laverda 750 SFC officielle pour les courses d’endurance. Sur la piste, André-luc était un pilote fougueux et dans la vie, il était aussi un homme passionné, volubile et exubérant (sûrement ses racines corses), sûr de ses conviction­s et prêt à s’enthousias­mer pour les causes qui lui tenaient à coeur. C’est ainsi qu’il fut à l’origine de la création de L’A.C.I.F. (Associatio­n des Coureurs Internatio­naux Français), chargé de défendre les intérêts des pilotes et au premier chef, la sécurité (inexistant­e à cette époque) des courses sur route. Le hasard a fait que je lui ai succédé quelques semaines après son décès, lors de la grève des pilotes à Charade, suite à l’accident de Monza ayant causé la mort de Jarno Saarinen et de Renzo Pasolini. J’ai également en mémoire l’inaugurati­on de son magasin de motos qu’il avait ouvert, dans le Xe arrondisse­ment à Paris, à Stalingrad, et où s’était retrouvé le gotha du petit monde de la moto. Faisant partie de Moto Revue, je me souviens aussi avoir assuré le reportage de cette inaugurati­on. Bien que jeune, en businessma­n avisé, il avait déjà perçu l’intérêt qu’il pouvait tirer de sa notoriété de pilote sans attendre la fin de sa carrière. Nos trajectoir­es sportives se sont vraiment croisées en 1973. J’étais le seul pilote de l’écurie Yamaha Sonauto et pour étoffer l’écurie, Jean-claude Olivier était à la recherche d’un second pilote. Même si je n’étais pas dans le secret des Dieux, je savais toutefois que bon nombre de prétendant­s étaient passés dans son bureau, dont André-luc. Finalement, c’est Patrick Pons, le vainqueur de la Coupe Kawasaki, qui fut retenu, à sa grande déception, bien qu’il l’ait battu 15 jours auparavant, au GP de France sur le circuit Paul-ricard. Ayant passé ensemble la semaine précédant le GP de Bourg-enBresse à Pont-de-vaux où se trouvait la Moraco (la société chargée de la gestion technique et sportive de Yamaha Sonauto), il s’en était confié à moi à plusieurs reprises. Personne ne saura jamais si cette situation et la frustratio­n qui en découlait auront eu une incidence sur ce qui s’est passé dans les premiers tours de la course des 250 sur le circuit des Vennes. Bien parti, c’est avant le virage à droite des Bouleaux, que j’ai aperçu sa Yamaha TD3 dans le fossé. Mais d’andré-luc, point. À cet endroit, le circuit est bordé dudit fossé, mais aussi d’une clôture avec des barbelés et bien entendu, des arbres. J’avais immédiatem­ent eu le sentiment que c’était grave et que compte tenu du contexte, je ne le reverrai peut-être pas. J’avais malheureus­ement raison. C’était le 7 mai 1973. Il avait 26 ans. Que s’est-il réellement passé : un accrochage, un serrage, un blocage du frein avant ? Cet accident tragique qui s’est produit en ligne droite, dans la zone de freinage, restera pour toujours une énigme.

« C’ÉTAIT LE 7 MAI 1973. IL AVAIT 26 ANS. QUE S’EST-IL RÉELLEMENT PASSÉ : UN ACCROCHAGE, UN SERRAGE ? »

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France