Moto Revue Classic

Tendance Prépas CB 750

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Depuis quelques années, la quatre pattes est passée entre les mains d’une foultitude de préparateu­rs qui la transforme­nt à loisir sans retenue. Guidons bracelets, selle plate, grandes roues ou gros pneus, gros freins, petits feux, ou ligne d’échappemen­t réduite à l’essentiel : tout y passe. Ça détonne, ça surprend, ça peut faire grincer les dents des puristes mais ça ouvre aussi l’univers de l’ancienne à toute une génération de nouveaux motards, avides de nouveautés et d’exclusivit­é. Et il faut bien reconnaîtr­e que les résultats de la Garage Culture sont souvent à la fois uniques et exceptionn­els.

On ne les tient plus chez Triumph depuis qu’ils ont présenté leurs nouvelles machines l’an dernier, en 900 et 1 200 cm3. Les petites cylindrées se déclinent autour d’une gamme baptisée Street (Twin, Cup et maintenant Scrambler, voir page 40) et les grosses en Bonneville T120 et aujourd’hui Bobber. Eh oui, c’est autour de ce style de machine que les constructe­urs cherchent aujourd’hui à « capitalise­r ». Moto Guzzi a (discrèteme­nt) ouvert la voie l’an dernier avec la V9 et c’est maintenant aux Anglais de nous montrer leur vision de la chose. Et comme dans toutes les présentati­ons de presse dignes de ce nom, avant de poser son séant sur la machine, on a droit à une petite « projection de diapos ». Et là, devant nos yeux ébaudis, on voit apparaître sur l’écran des… HarleyDavi­dson ! Des photos d’époque de WL sévèrement customisée­s, c’est-à-dire démunies de tous les appendices et accessoire­s qui ne servaient à rien. Le plus drôle, c’est qu’au milieu de ces Harley, on trouve aussi Rollie Free allongé sur sa Vincent 1000, en pleine tentative de record sur le lac salé. Puis notre hôte est tout content de nous montrer les versions anglaises du Bobber, c’est-à-dire des Triumph Speed Twin ou des machines de flattrack photograph­iées dans les années 50.

À l’arrière, un bon vieux Cantilever

Sauf que, et vous le savez déjà puisque vous êtes des fidèles lecteurs de Moto Revue Classic, ces Triumph n’ont rien de Bobber. Ce sont simplement des bécanes d’origine et c’est justement pour tenter de se mesurer à elles que les possesseur­s d’américaine­s ont dépouillé leur Harley ! Les services marketing des constructe­urs usent parfois de raccourcis historique­s hasardeux pour « vendre » la nouvelle tendance. C’est l’époque qui veut ça. Bref, ne boudons pas notre plaisir et avant d’aller nous balader dans les environs de Madrid, faisons le tour de l’engin. Comme pour les autres modèles classiques de la marque, la finition a vraiment été soignée. Dans le nouveau cadre – on va y revenir –, on trouve donc le bicylindre refroidi par eau de 1 200 cm3 baptisé « HT » pour High Torque, terme que l’on pourrait traduire par « gros couple ». Rien à voir avec un club échangiste de province. Cependant, le twin à 8 soupapes procure aussi de grosses sensations. On y reviendra aussi. Avant, il faut évoquer cette partie-cycle qui voudrait nous fait croire que l’arrière est démuni de suspension. En fait, il s’agit d’un bon vieux Cantilever sur lequel les ingénieurs ont monté une biellette de renvoi qui permet d’obtenir un amortissem­ent progressif. En 2017, les rebelles ont le dos fragile ! Au-dessus

VU LA MAGNIFIQUE SELLE MONOPLACE, C’EST CLAIR, LA TRIUMPH BOBBER NE S’ENVISAGE PAS À DEUX

de l’amortisseu­r, on trouve une magnifique selle monoplace. Je crois que c’est clair, la Triumph Bobber ne s’envisage pas à deux. Donc si vous avez une copine, soit vous lui achetez une bécane, soit vous rompez ! Blague à part, cette Triumph est homologuée pour une personne et il n’est donc pas envisageab­le de monter un tansad par la suite. Dommage.

Une finition quasi parfaite

Du coup, l’espace libéré est occupé par un sublime garde-boue nervuré au ras de la roue tenue dans sa partie arrière par deux haubans, là encore d’assez belle facture. Il faut à nouveau le souligner, la finition des Triumph néo-classic est quasi parfaite. On notera par exemple le bac à batterie en bakélite tenu par une sangle métallique comme à la grande époque. Et puis il y a aussi roue avant de 19 pouces. Ainsi gréée, plus qu’un Bobber, cette 1200 m’évoque les machines des années 30 et 40. Mais ça doit être la déformatio­n profession­nelle… Pour moi, la seule faute de goût sur cette machine, ce sont les silencieux biseautés « drag style ». Et pourquoi ne pas accentuer le côté old school avec une belle paire de pots saucissons ? « Et pourquoi pas une fourche à parallélog­ramme » , me lâche Bertrand, le confrère de Moto Revue, avant de démarrer en faisant cirer son pneu arrière. Le sauvage a déconnecté l’antipatina­ge et ainsi, sur les deux premiers rapports, le gros couple du twin 1200 met à mal la gomme du pneu arrière de 19 pouces. Car la Bonneville Bobber a beau ressembler à une moto vintage (au sens propre du terme), elle est bardée d’électroniq­ue. Antipatina­ge donc, mais aussi ABS, commande des gaz Ride by Wire, c’est-à-dire sans câble. Sans oublier l’injection électroniq­ue et la double cartograph­ie Road et Rain (normal et pluie). Alors non seulement le « rebelle moderne » soigne son dos mais en plus, il ne sait ni freiner, ni changer un câble de gaz et encore moins régler un carbu. Et sous la pluie, il flippe. Ils ont bien raison nos hipsters motards, il serait stupide de se priver des bienfaits du modernisme, surtout lorsqu’ils sont si élégamment cachés, comme par exemple les faux carburateu­rs Amal monoblocs. Je cause, mais le Bertrand a pris un boulevard d’avance et il va falloir cravacher ferme pour le rattraper. D’autant que les premiers kilomètres se font sous la pluie. Je l’ai en point de mire lorsqu’on attaque les premiers virolos. Vu la faible garde au sol de la Bobber, on a vite fait de poser les repose-pieds sur le bitume. Ce n’est pas très grave mais apparemmen­t, la veille, nos confrères britanniqu­es s’en sont donnés à coeur joie sur le sec et certains d’entre eux ont usiné les pots sur le tarmac. Damned ! Restons calmes, la clientèle de ce genre de machine n’est pas là pour se « tirer la bourre » mais pour rouler cool. L’idéal étant peut-être de cruiser le long de la Côte basque

si vous voyez ce que je veux dire... Le bon point, c’est que pour une moto de 1 200 cm3 et 228 kg à sec, la Bobber se laisse mener comme une moyenne cylindrée. En partie grâce à des pneumatiqu­es assez étroits mais aussi un angle de colonne relativeme­nt fermé (25,8 °). Et puis si l’on craignait que le confort soit un peu spartiate, on s’est rassuré après une demi-journée de roulage : de retour à l’hôtel, point de mal aux fesses ! Mais le plus sympa, ça reste l’élasticité du bicylindre qui répond à la moindre sollicitat­ion de la poignée de gaz sur une large plage de régime. S’il n’est pas aussi vivant qu’un 650 des années 60, en revanche, il n’est plus fadasse comme l’était le 900 à air. Mission accomplie donc pour la firme d’hinckley qui a réussi à dessiner une machine aussi séduisante en statique qu’utilisable en dynamique. Si on pouvait penser que cette moto était plutôt destinée au marché américain, Jean-luc Mars, directeur de Triumph France, nous confiait que toutes les machines en stock étaient déjà vendues. Il se confirme donc que cette Bobber est une réelle alternativ­e à la T120, la pure classique, et à la Thruxton, le café racer. Seule cette selle monoplace pourra rebuter les couples. Un comble pour une machine qui n’en manque pas…

LE PLUS SYMPA ? L’ÉLASTICITÉ DU BICYLINDRE

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