Moto Revue Classic

VISITE CHEZ DMD

Amilcare Stancheris a créé la marque de casques DMD avec ses trois enfants.

- Texte : Paolo Sormani – Photos : Zep Gori

Amilcare Stancheris a toujours un coup d’avance. Et ça n’est pas nouveau. Il est aussi très agité. Il est né à Albino, un petit village des vallées bergamasqu­es qui est le berceau du tout-terrain italien. C’est là qu’amilcare – Mile pour les amis – est né en 1946. Encore aujourd’hui, alors qu’il a passé le relais à ses enfants Davide, Michela et Danila (les initiales de DMD), il ne se repose pas un instant. Il suffit de l’écouter parler du graphisme d’un casque pour l’événement moto européen le plus en vogue. Qu’il résume avec un clin d’oeil rapide et en quelques mots : « Il exprime tout sauf la liberté, les vagues et le mouvement. » Il faut dire que lui maîtrise bien son sujet, car la liberté et le mouvement sont à la base de son histoire personnell­e et de DMD. Ses casques Vintage, Rocket, Seventy Five et Racer ont obligé la firme américaine Bell à retrouver les matrices de ses best-sellers des années 70 et 80 ! Une histoire à sa façon amusante (qui nous rappelle celle du retour de la Vespa PX Piaggio après le succès des clones indiens LML) commencée il y a longtemps. Pas à Bergame, mais en Californie. Pour la découvrir, il faut visiter la cachette secrète où Mile a tout conservé depuis 40 ans. Au moment où, au milieu des années 70, les Italiens rebaptisai­ent Kenny Roberts « le Martien », à cause de son style de conduite et de vie made in California, Mile prenait l’avion pour Los Angeles. Il effectuait le voyage en compagnie de Franco Acerbis, son grand ami passionné comme lui d’enduro et fondateur de la marque homonyme. Pourquoi la Californie ? Parce que c’est là-bas, hier comme aujourd’hui, que naît le futur. Avec Acerbis, Mile a créé l’entreprise Nord West pour commercial­iser des accessoire­s moto et des articles sportifs. Premier produit et premier succès : les sangles à cliquet. « Nous en avons vendu 5 000. Chez nous, on utilisait encore des cordes » , explique Mile. Le tournant de l’histoire se fait en 1976 lorsque, après avoir visité le siège de la Bell Helmets à Los Angeles, il commence l’importatio­n des casques R-T (le jet Road Trial), Moto 3 et Star II, suivis par le fameux Star « small visor » utilisé par Niki Lauda en Formule 1. « Jusqu’aux

MILE IMPORTE DES CONTAINERS ENTIERS DE PRODUITS SANS ÉTUDES DE MARCHÉ, NI DISCOURS MARKETING

années 80, en Italie, il y avait très peu d’offres pour les pilotes tout-terrain. Les équipement­s JT, les plastrons en plastique, les masques Scott faisaient rêver. Lors d’un voyage, nous avons aussi rencontré Preston Petty qui fabriquait des réservoirs et des garde-boue de tout-terrain en plastique. Il était assez cinglé, Petty. Une fois, on était chez lui en Oregon et, tout à coup, il nous fait monter dans son avion privé pour aller faire de l’enduro dans le désert du Nevada. Je me souviens encore du cactus que j’ai pris en pleine figure… » À cette époque glorieuse, Mile importe des containers entiers de produits « dans le vent », sans études de marché, ni discours marketing, seulement grâce à son instinct et son flair. Avec les accessoire­s moto, il y avait un peu de place aussi pour les premiers skateboard­s en bois, ceux du film Dogtown. De quoi apporter un peu de lumière aux « années de plomb » italiennes avec ce rayon de soleil de Californie. Pendant ce temps, la Nord-west avait commencé à produire ses propres équipement­s off-road et il sponsorise les équipes italiennes des ISDT.

Presque tout est réinvesti en R&D

L’exploratio­n dans l’antre secrète de Mile Stancheris continue à raconter des histoires. Comme celle des premiers casques intégraux d’une marque peu connue en ce temps-là, Shoei, arrivée du Japon en 1980. Et à la même époque, la redécouver­te de la marque française GPA, qui a lancé le casque innovateur SJ, sans jugulaire. Mais bizarremen­t, en 1985, alors que le casque devient obligatoir­e en Italie, Mile se retrouve sans produits à vendre : « Mon plus grand souci d’entreprene­ur » , avoue-t-il aujourd’hui. Même la tendance tout-terrain, qui avait toujours mené son entreprise, était sur le déclin. Une fois encore, la curiosité a porté Mile à regarder tout ce qui se passait au-delà des Alpes et il y découvrira l’engouement pour la customisat­ion tendance chrome. « J’ai commandé à un artisan français des commandes aux pieds et des têtes de fourche en alu, et j’ai surfé sur la vague. Rappelez-vous aussi les petits feux bullet avec la lumière bleue qui étaient si populaires ? J’en ai importé 100 000 de Taïwan… » Entre-temps, après un diplôme en économie, son fils Davide s’est associé avec lui. Passionné d’enduro, de cross et de compétitio­ns auto, Davide est aussi séduit par tout ce qui touche aux années 70 et 80. Et c’est en 2006 que s’allume l’étincelle DMD : récupérer les vieux casques du magasin, les remodeler avec une calotte en fibre de verre et travailler leurs volumes pour ne pas les rendre énormes comme les jets déjà sur le marché. « Et surtout, exploiter l’expérience commercial­e de papa » , ajoute Davide qui, âgé de 38 ans, est président et administra­teur

de DMD. « On ne comprenait pas pourquoi on ne trouvait que ces casques si gros alors que les nouveaux matériaux permettaie­nt de développer quelque chose de plus élégant. » Fatigué de ces années de commerce pur, Mile Stancheris décide de suivre son fils dans un projet propre, sans dépendre de caprices des producteur­s étrangers. Au Salon de Milan 2007, DMD est la seule entreprise à présenter une collection de casques vintage avec de nouveaux graphiques. « Tout le monde pensait que nous allions jeter notre argent par les fenêtres. Il y avait même le patron d’une marque italienne de casques bien implantée qui regardait notre stand en se disant : “Ils pensent aller où ?” Et aujourd’hui, cette marque n’existe plus… » Une fois de plus, les Stancheris avaient trouvé une niche et ils se sont attelés à l’occuper : « Les seuls concurrent­s étaient l’anglais Davida et les français Airborne et Ruby, tous plus chers que nous. » Après avoir anticipé la tendance rétro, scrambler et café racer et avoir résisté à la crise, se pose la question pour l’aventureus­e famille de Bergame de trouver de nouvelles idées. « Nous ne sommes pas motivés par le profit à tout prix, presque tout est réinvesti en Recherche et Développem­ent. On fréquente les grands événements moto en Europe et aux USA pour dénicher les tendances, dit Davide. À présent, le tout-terrain mis à part, c’est très difficile à comprendre. Notre idée est de poursuivre dans la voie du design tout en répondant aux exigences du motard. Pour cela, la ninet de BMW a fait école, c’est le meilleur exemple de produit assez cool pour le bar et confortabl­e pour le voyage. » Peut-être qu’une autre visite dans la cachette secrète de Mile permettra de trouver l’inspiratio­n ?

 ??  ?? 1- Amilcare Stancheris est fier de ses casques DMD, une marque lancée il y a dix ans. Devant lui, les produits qu’il importait dans les années 70 et 80. 2 et 3- Les jets et les intégraux DMD sont largement inspirés des casques Bell des années 70 mais...
1- Amilcare Stancheris est fier de ses casques DMD, une marque lancée il y a dix ans. Devant lui, les produits qu’il importait dans les années 70 et 80. 2 et 3- Les jets et les intégraux DMD sont largement inspirés des casques Bell des années 70 mais...
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