Moto Revue Classic

À partir de 1982, Egli conçoit une partiecycl­e pour les monos : la Red Falcon 600.

À partir de 1982, pour le marché allemand, Fritz Egli a conçu une partie-cycle pouvant recevoir les monocylind­res japonais, comme le Yamaha SR 500 ou le Honda XLR 600. On a retrouvé l’une de ses machines en Normandie.

- Texte : Zef Enault – Photos : Alexandre Krassovsky

Emmanuel a le pied agile. Il sautille de droite et de gauche, on sent l’homme actif qui aime la légèreté. Dans le salon de sa maison normande, une Bultaco 250 Metralla de 1968 dispute sa place à deux minuscules Honda RS 125. Sa Bultaco 360 Astro de flat-track en impose à côté, malgré ses 110 kg… C’est bien ça, Emmanuel aime la légèreté. « C’était pas évident à deviner, j’ai commencé la bécane avec une Harley, puis j’ai eu une Moto Guzzi 1000 Le Mans. J’habitais Bayonne, je bossais pour une banque, c’est un peu la Californie française là-bas. Et puis j’ai commencé à découvrir un milieu qui m’a beaucoup plu, pas à la mode à l’époque, les café racers, les motos préparées, les événements d’anciennes, un monde vachement reclus dans les années 90. J’ai vite aimé les anglaises et les italiennes, mais je n’ai jamais rien eu contre les japonaises. » Sa petite Egli Red Falcon à moteur Honda 600, modèle 1985, patiente dans le jardin, comme pour confirmer ses dires. Emmanuel l’a d’abord imaginée pour faire de la piste, avant même de l’acheter. Ce ne pouvait être que chouette, environ 140 kg et 45 chevaux, avec un cadre réputé et un moteur fiable. Puis il s’est renseigné, la Red Falcon est rare. Trente ont été produites, y compris avec des moteurs Yamaha SR 500.

Fidèle à ce qu’avait voulu Fritz Egli

Il s’est quand même déplacé à Sarlat, dans le Périgord, même s’il hésitait avec une Gilera 500 Saturno. Entre la fragilité soupçonnée du mono italien et la difficulté de trouver des pièces au cas où, Emmanuel a choisi la Egli, plus rare encore, plus solide. LA moto suisse a du cachet, même sous son carénage typique, façon années 80, pas spécialeme­nt élancé… Pourquoi Fritz Egli s’est-il lancé dans la constructi­on d’un cadre pour un monocylind­re ? Il faisait feu de tout bois à l’époque, n’importe quelle moto passait dans son atelier pour en ressortir plus efficace, plus légère, sportive. Il développai­t ainsi une partie-cycle pour ensuite la vendre en kit. Et les Allemands aimaient ce genre de mono, autre mystère. Une déclinaiso­n de cette Egli Honda a même été revisitée par le bureau de design Target, toujours en Allemagne, où avait oeuvré Hans Muth, qui a dessiné la Suzuki 1100 Katana. La Honda Egli by Target en a gardé le style… Mais la moto d’emmanuel est, elle, restée conforme à ce qu’avait voulu Fritz Egli. « Le premier propriétai­re était

un Allemand, évidemment, dit Emmanuel. Le second, le Périgourdi­n, n’a pas fait beaucoup de kilomètres avec. Moi non plus remarque, je l’ai depuis six ans pourtant. Je roule tous les jours avec ma Ducati Monster 620, je prends rarement la Egli parce que le kick me saoule un peu. Tu vois, là, on va embarquer le lanceur pour que tu l’essaies. » Le monocylind­re Honda était prévu pour animer les XR de 1985, les grosses enduros Honda d’alors, gavé par deux carbus. Mais le bloc moteur est identique aux XLR, XLM et même plus tard 650 Dominator. Egli n’a pas touché au moteur, hormis la ligne d’échappemen­t qui passe sous les carters. Rien de ce qui gravitait autour n’a été conservé. Le cadre nickelé d’abord, pièce maîtresse de la moto, avec sa poutre centrale typique Egli qui contient l’huile moteur. Il se singularis­e par son tube épais transversa­l qui vient former un triangle avec l’axe de renfort horizontal et le hauban quasi vertical issu de la poutre. En bas, sur la platine qui accueille les repose-pieds, tout ça vient se joindre autour de l’axe du bras oscillant. Cette platine, colossale, sert de support au maître-cylindre de frein arrière, à l’échappemen­t, elle est percée sur toute sa longueur pour l’alléger mais aussi laisser le choix du positionne­ment des repose-pieds. Emmanuel ôte le réservoir et laisse apparaître l’ensemble de la poutre, recouverte sur le dessus par une mousse, à cause des vibrations. « L’ancien propriétai­re m’a conseillé de ne surtout pas retirer les ficelles rouges et bleues qui maintienne­nt la mousse. Elles prouvent que la moto n’a jamais été démontée. » On ne va pas contrarier l’ancien propriétai­re et on va laisser ses ficelles en place. Même si on est un peu dubitatif. Le réservoir, du sur-mesure en alu, retrouve sa place, maintenu par deux épais élastiques devant la colonne et la selle. Emmanuel nous montre la fourche, gravée Egli Racing, aux larges fourreaux, avec deux renforts au-dessus du gardeboue pour les maintenir ensemble. On ne kickera donc pas. Notre homme

« LES FICELLES QUI MAINTIENNE­NT LA MOUSSE PROUVENT QUE LA MOTO N’A JAMAIS ÉTÉ DÉMONTÉE »

sort le lanceur du coffre de la voiture, enjambe sa 600 et fait tourner la roue arrière. Le mono bougonne, puis il se lâche. Ça fait des grands « clac ! » à la décélérati­on. Le silencieux d’échappemen­t Leovince n’a rien à voir avec Egli, l’ancien propriétai­re aimait les graves. Et me voilà assis sur la petite selle aux bourrelets dodus. Tout ici est étroit et donc accueillan­t. Les bracelets ne cassent ni les poignets, ni le dos. La douceur des commandes était plus inattendue, surtout l’ensemble embrayage-boîte de vitesses. Le compte-tours et le compteur de vitesses se sont fâchés puis séparés, je ne jette un oeil que sur le premier. Je croyais au début évoluer entre 3 000 et 5 000 tr/min, je me suis planté de 1 000 tr/min, le moteur Honda reprend plus bas que ce que je soupçonnai­s. Il est rond et sympa. Plus loin, dans une descente fournie en virages, je le pousse à 6 500 tr/min, presque le fond de ses poumons, il ne souffre pas pour autant. À la différence des oreilles des riverains, dont deux sortent de leur jardin pour froncer les sourcils. Je m’arrête, leur explique. Ils me donnent un quart d’heure de course de côte, pas plus.

Une feuille d’automne, tourbillon­nante

Sur ses petites jantes de 18 pouces, avec ses Continenta­l Roadattack 2 modernes, son presque quintal et demi, la Egli est une feuille d’automne, tourbillon­nante. Mais pas vraiment indulgente car assez rigide. C’est une petite moto de course qui vire d’un bloc, comme une machine de circuit. L’intuition d’emmanuel s’avère juste. L’amortisseu­r EMC, autre évolution due à l’ancien proprio, réagit un peu sèchement, au contraire de la fourche assez souple, un petit désaccord sur lequel nous nous accordons finalement. Peut-être l’assiette gagneraite­lle aussi à être un peu basculée sur l’avant. On pinaille. Le petit mono rigolo conçu par Egli rappelle certaines anglaises des années 60 avec leur cadre en tube. Dans les années 80, le quatre-cylindres et ses chevaux dominaient. Aujourd’hui encore. La voie du moteur d’une soixantain­e de chevaux qui embarquera­it une partie-cycle plus légère grâce à l’évolution des matériaux, précise, joueuse, avec des suspension­s hypereffic­aces reste à explorer, à l’heure où on se demande parfois quel terrain les constructe­urs pourraient investir. L’idée de Fritz Egli est pure, la Red Falcon d’emmanuel donne envie de voir d’autres motos lui emboîter le pas.

 ??  ?? 4
4
 ??  ?? 1
1
 ??  ?? 3
3
 ??  ?? 2
2
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? 1
1
 ??  ?? 2
2
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? 5
5

Newspapers in French

Newspapers from France