Moto Revue Classic

Premier cadre constitué d'un gros tube en 1968 et Fritz W. devient de suite n° 1 !

Lorsque Fritz Egli a construit son premier cadre constitué d’un gros tube en 1968, il est tout de suite devenu n° 1 du hit-parade.

- Texte : CG – Photos : AK

Un tube d’acier, c’est ce à quoi se résume la vie de Fritz Egli. J’exagère à peine, car si le mécanicien suisse est connu dans le monde entier, c’est grâce à son idée géniale de fabriquer un cadre minimalist­e pour sa 1000 Vincent de course. Car avant d’être un excellent mécanicien, Fritz Walter Egli s’est aussi essayé au pilotage. Et avec succès. Avant ça, en 1960, le jeune Fritz part vivre trois ans au Mexique, en Basse Californie, où il a été envoyé par son employeur suisse dans un atelier de mécanique de précision. Qui dit « Baja California », dit courses dans le désert et notre Helvète de 23 ans ne s’en prive pas au guidon de son Ariel 500 Red Hunter. En 1963, le voilà revenu en Suisse, dans les environs de Zurich, où il ouvre son premier atelier dans une ancienne grange : « Les clients n’ont pas tardé à affluer mais je ne gagnais pas beaucoup d’argent. Mon approche du travail était plus passionnel­le que lucrative, car la plupart de ces motards étaient des amis. » Deux ans après l’ouverture, Fritz décide de se lancer dans la compétitio­n : « Pendant deux saisons, je me suis essayé au grass-track sans grand succès et en 1967, avec une Vincent 1000 Rapide, j’ai fait de la vitesse. J’avais préparé le moteur selon les spécificat­ions de la Black Lightning et elle devait développer 75 chevaux. J’étais plus à l’aise que sur l’herbe mais je n’ai jamais pu faire mieux que troisième. »

« Ce gars sur ma moto pouvait s’attaquer à n’importe quel pilote »

Comme l’explique Fritz, le gros problème de sa Vincent, c’était sa tenue de route aléatoire : « Dans certaines courbes, je voyais bien que mes adversaire­s en Norton Manx étaient comme sur des rails, alors que ma Vincent était inconduisi­ble. C’est là que j’ai commencé à penser à un nouveau cadre qui permettrai­t

AVANT D’ÊTRE UN EXCELLENT MÉCANICIEN, FRITZ WALTER EGLI S’EST ESSAYÉ AU PILOTAGE. AVEC SUCCÈS...

d’exploiter la puissance du 1000. » Et la solution, c’est un gros tube en acier de 10 centimètre­s de diamètre placé au-dessus du moteur et auquel ce dernier est accroché. À l’avant, il reçoit la fourche par le biais d’un autre tube et il peut aussi servir de réservoir d’huile. À l’arrière, la triangulat­ion accueille la selle et le bras oscillant. Aussi génial que simple. Et vice-versa. Ce cadre baptisé EV1, pour Egli Vincent 1re version, est-il efficace ? « En 1968, je suis devenu champion de Suisse, pas parce que j’étais le meilleur pilote mais parce que ma machine était vraiment au-dessus du lot », explique Fritz avec sa modestie légendaire. Sur 8 courses, il en a gagné 7 et a fini une fois troisième. Allez savoir si Fritz entrevoit la possibilit­é de développer son commerce ou s’il préfère s’arrêter sur un titre, toujours est-il qu’il abandonne la compétitio­n et qu’il confie ses motos à un autre pilote suisse, Fritz Peier. « Je me souviendra­is toujours de son dépassemen­t sur Phil Read durant la course des champions à Brands Hatch. Il a chuté mais en tout cas, ce gars sur ma moto pouvait s’attaquer à n’importe quel pilote. Dommage qu’il ait arrêté la compétitio­n si tôt. »

1974, la consécrati­on en endurance

En Suisse, avec Peier mais aussi Florian Burki, les Egli dominent le championna­t de course de côte et s’imposent en 1971, 1972 et 1973. Seulement voilà, le moteur 1000 Vincent a beau être performant (Egli en tire entre 80 et 85 chevaux), il est fragile et demande beaucoup d’entretien. Les moteurs japonais deviennent incontourn­ables : « J’ai commencé à faire des cadres pour le moteur Honda CB 750 mais aussi pour le CB 450. Avec ce bicylindre, on arrivait à rouler plus vite que les Norton Manx ou les Matchless G50 car il était facile à préparer et sans dépenser une fortune, se souvient Fritz. Et pour les fanatiques de deux-temps, on pouvait monter les trois-cylindres Kawasaki. » La réputation d’egli a traversé les frontières : « Parfois, mes motos étaient engagées en Grands Prix et elles suscitaien­t la curiosité. Un jour, le champion italien Pierpaolo Bianchi, pilote d’usine Morbidelli, a demandé à tester mon cadre sur le circuit du Mugello. À la fin de la journée, il a dit au team manager Jorg Moller qu’il voulait

rouler avec un cadre Egli. Il a gagné le championna­t du monde 125 et en plus, je suis devenu importateu­r Morbidelli en Suisse ! » , nous explique Fritz en riant. Car c’est une autre facette du bonhomme, après les débuts difficiles, il est devenu un bon businessma­n et il propose des motos de route directemen­t dérivées des machines de course. Cependant, à l’époque, ce ne sont pas les championna­ts du monde de vitesse qui procurent la notoriété mais bien le championna­t d’europe d’endurance, avec, en point d’orgue, le Bol d’or. En 1972 et 73, deux Français, Alain Genoud et Georges Godier y participen­t avec un moteur Honda monté dans le cadre suisse. Fritz les aide. En 1974, il adopte un Kawasaki Z 900 et c’est la consécrati­on, ils gagnent cinq des six courses, dont le Bol, et font une fois deuxième ! « L’année suivante, Kawasaki France a monté sa propre structure et les a embauchés. C’est dommage, je les aimais beaucoup, c’était devenu des amis… » Malgré la perte de ses deux pilotes, Fritz comprend qu’il faut profiter de cette notoriété pour proposer des superbikes de route équipées du gros double arbre Kawasaki car la demande est là, surtout en Allemagne. Il reprend la ligne générale de la moto d’endurance avec la fameuse selle à becquet, monte le phare carré, ses roues, sa fourche et repeint le tout en rouge : entre 1973 et 1979, il en produira 400. Auxquelles il faut ajouter 700 machines similaires mais avec le moteur de Honda CB 750. Egli passe de l’artisanat à la petite série et l’aventure va se poursuivre dans la première partie des années 80. Toujours autour d’un gros bout de tube de 10 cm de diamètre.

« UN JOUR, LE CHAMPION ITALIEN BIANCHI, PILOTE D’USINE MORBIDELLI, A DEMANDÉ À TESTER MON CADRE... »

 ??  ?? (page précédente). 1- 2017 : F. Egli avec la 1300 Fritz W. Il prend la même pose qu’en 1980 avec la Suzuki GSX 2- Au début des années 70, pas peu fier de présenter sa roue en alliage léger. 3- 1968, lors du Salon de Zurich, il présente sa Vincent 1000...
(page précédente). 1- 2017 : F. Egli avec la 1300 Fritz W. Il prend la même pose qu’en 1980 avec la Suzuki GSX 2- Au début des années 70, pas peu fier de présenter sa roue en alliage léger. 3- 1968, lors du Salon de Zurich, il présente sa Vincent 1000...
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