Moto Revue Classic

La dernière Transpy AMV Légende dans les Pyrénées valait le détour.

Après trois Transpy AMV Légende, Franck Allard et Jacques Sentenac ont décidé de mettre le cap dans les Alpes. En attendant, notre envoyé spécial s’est régalé.

- Texte : Stéphane Vacchiani – Photos : Lionel Beylot

révenu, je l’étais : « Tu vas en voir de toutes les couleurs. » Et par le boss de Moto Revue Classic, un brin jaloux de ne pas participer cette année à la Transpy, privé pour raisons profession­nelles. Et par l’organisate­ur lui-même de cette traversée des Pyrénées en anciennes ou néo-classiques : Jacques Sentenac, auteur depuis trois ans du tracé de cette coast-to-coast à la française. Ils n’avaient pas menti, ces deux motards avertis. Effectivem­ent, on n’avait même pas démarré les machines que je découvrais le blanc. Le blanc de Château-lastours. Une nouveauté de l’année pour ce domaine (appartenan­t à Franck Allard, le patron des assurances AMV), partenaire de cette manifestat­ion habitué jusqu’alors à produire des vins rouges et rosés ! Le propriétai­re étant présent, on n’allait pas refuser de trinquer. D’autant moins que le blanc, frais qui plus est, vous change sur le moment du jaune consommé auparavant. Non pas la boisson anisée préférée du photograph­e auteur du reportage, mais le jaune du surligneur usé pour préparer le road-book du lendemain. Car sur la Transpy-amv Légende, le GPS n’est pas le bienvenu. Vade retro satellitas ! Ici, c’est le paradis des cartes Michelin, toujours aussi impossible­s à replier une fois que tu les as sorties de la sacoche réservoir, mais toujours aussi magiques à consulter. C’est tellement plus sympa de chercher Llanca dans un des plis de la carte 344 que de le taper bêtement sur ton clavier. De toute façon, avec la Transpy, tu croises encore plus de zones blanches, où ton téléphone t’est aussi utile qu’une Yamaha R1 sur un chemin de terre, tant les routes s’échappent hors des sentiers battus. Du coup, pour s’y retrouver, Sentenac et son équipe livrent la veille de chaque départ des feuilles de road-book qu’on se régale à transforme­r en rouleaux à faire défiler dans son lecteur, et à la main. Des mètres de papier pour des étapes de 330 km (le second jour pour la plus longue, entre Llanca sur la côte méditerran­éenne espagnole à Ordino au centre du massif pyrénéen), à 241 km l’avant-dernier jour. La plus courte des étapes – mais certaineme­nt pas la moins piquée des hannetons, comme ceux qui se suicident bêtement sur mes lunettes tout au long de ce périple. 241,450 km seulement au compteur de cette 5e journée mais le tout entre Jaca et Pamplona (Pampelune pour ceux qui ne lisent pas Hemingway et préfèrent Cabrel à la corrida). De quoi

ON EST ALLÉ VÉRIFIER SI L’HERBE DES BAS-CÔTÉS EST AUSSI TENDRE QUE PROMIS PAR LES MOUTONS QUI S’Y ÉBATTENT

vous faire compter double certains kilomètres sévèrement bornés. Une journée entre ciel et mer… de nuages quand, telle la marée montante, ils viennent noyer le col de Larrau, et les motos, en pleine descente vers Iraty. Une route dans le coton à fixer le feu arrière du copain de devant pour ne pas rejoindre la vallée directe tout schuss ou embrasser une vache impassible, voire une brebis qui sursaute. Pour les couleurs, ce n’était pas le jour mais le reste de la semaine avait largement nourri la palette, comme promis. De la « grande bleue » aux multiples variantes de bleus des marais de Bages, on avait de quoi faire rougir Yves Klein. Mais c’était sans compter sur les ocres des Orgues d’ille-sur-têt situées à quelques tours de roues seulement. La signature de Maître Sentenac, fabricant d’itinéraire­s à grands spectacles ! L’artiste le revendique : il cherche les routes « pour le coup d’oeil » . Et il les trouve. Que celle ou celui qui n’a pas ralenti, ou même fait demi-tour, pour mieux profiter des gorges de St-antoinede-galamus nous jette son premier piston. Le passage sublime de cette route accrochée à la falaise incarne l’esprit de cet événement : on ne peut pas y rouler vite mais on prend son pied. Le bonheur est en haut pour peu qu’on relève la visière pour embrasser du regard, c’est moins douloureux, cette roche qui nous domine depuis plus de 100 millions d’années, mais aussi en bas, pour jouir du spectacle du torrent qui serpente.

Une série de virages sans fin

Ici, on l’appelle le ruisseau des aigles mais ces oiseaux sont plus discrets que les nombreux amateurs multicolor­es de canyoning qui profitent des conséquenc­es de ce combat entre l’eau et le calcaire. Le moteur de la Bonneville a eu de nombreuses autres occasions de monter dans les tours au fil de ce tracé pour attaquer les cols rois de notre partition. Jacques Sentenac en annonce 45 (sans compter les faux cols des pintes absorbées le soir pour refaire l’étape) sur les 6 jours. Sincèremen­t, on ne les a pas comptés, et notre plaisir non plus à l’heure de les enchaîner. Une série sans fin de virages à se faire damner un motard belge. Ça tombe bien, certains viennent de Bruxelles pour cela et pas seulement. « J’ai passé le permis l’an dernier pour venir rouler avec mes potes qui avaient déjà fait la Transpy, se réjouit Naji, 42 ans. Je rêvais d’un grand trip à moto, je l’ai trouvé. L’ambiance en plus. » Et ce n’est pas un vain mot car ses copains nordistes ont scellé des amitiés sur les deux premières éditions au point de créer un groupe baptisé en bonne et due forme. « L’échappée » qu’ils ont appelé ça les gars, avec une devise qu’ils ont carrément fait imprimer avec un logo. Sur les autocollan­ts et les tee-shirts confection­nés pour l’événement et pour mieux entériner cette union, le club franco-belge affiche « Pas plus vite qu’à fond ». C’est prudent puisque l’an passé, l’un d’entre eux s’est fracturé un doigt

dans… son garage la veille du départ et que cette année, Naji, le nouveau venu dans les Pyrénées, est allé vérifier si l’herbe des bas-côtés est aussi tendre que promis par les moutons qui s’y ébattent. Et lui aussi… une fois. Sans se blesser que l’on se rassure. Plus de peur que de mal aussi pour le doyen de la Transpy 2017, un septuagéna­ire basque dont on salue la passion sans citer le nom, plus alerte encore que sa Triumph revenue plus mal en point que lui de la montée du Tourmalet. Un idiot de parapet a coupé sa trajectoir­e à hauteur du pont du boulanger. « Un boulanger a loupé le virage ici et a fini en bas, d’où le nom du lieu-dit » , aime à raconter Philippe Daux, Basque et aussi fidèle à la Transpy qu’aux bonnes histoires. Sur sa Royal Enfield, il ouvre la route chaque année à une bande de passionnés qui retournent sur la Côte basque par ce long périple. Des aléas que n’a pas connus Simon Whittaker venu spécialeme­nt d’angleterre au guidon de sa Morini. Une des stars du plateau du fait de son pays d’origine et de sa cylindrée, 350 cm3. Un participan­t d’outre-manche qui en pince toutefois pour les Transalpin­es : dans son garage, dans les environs de Bath, pas moins de trois Morini, deux Ducati et deux Guzzi !

Collection d’images multicolor­es

Le public moins averti a toutefois plus souvent repéré une autre machine originale à double titre. Une MZ 250 rouge emmenant non seulement son fier couple de propriétai­res mais tractant en plus… une remorque, rouge aussi ! Une tradition pour Liliane et Vincent Renault, amateurs de camping, qui logent dans cette frêle carriole leur matériel de campeurs même si, comme les copains, ils dormaient cette fois tous les soirs à l’hôtel. C’est un autre point fort de cette Transpy AMV Légende que d’imposer, sans que personne ne le regrette, que tout le monde se retrouve le soir autour du même repas et dans le même gîte, ou presque. L’ambiance y gagne, la conviviali­té aussi. Même pour les plus malheureux. Ceux qui devaient faire de la mécanique étaient accueillis par des spécialist­es prêts à les aider et à leur servir une bière. La pompe à « mousse » fait partie de l’outillage mis à dispositio­n à chaque arrivée, tout comme Abdul, Libyen d’origine et relais infatigabl­e de l’organisati­on. Une signature comme la teneur des briefings matinaux. Le guide Sentenac vend plus les paysages et les histoires des sites à voir au fil du dérouleur que les conseils d’usage. Les équipages n’en ont que faire, ils sont justement venus pour ça. Installée derrière son motard de mari, Marie, venue de Bordeaux, avoue bien connaître les Pyrénées mais ne les avoir encore jamais vues comme ça ! Bordelais

aussi, Bernard s’est fait surprendre par la longueur des étapes : « On fait de sacrées journées mais c’est une bonne fatigue, analyse l’ancien chirurgien, radieux. Sincèremen­t, au fil des paysages et des découverte­s, j’ai plein de souvenirs qui me reviennent et de nouveaux que j’ajoute. » Une collection d’images multicolor­es que tous les participan­ts ont en tête pour une année et plus. Jusqu’à la prochaine édition de la Transpy… qui n’aura pas lieu. Franck Allard et Jacques Sentenac l’ont annoncé. Fini les Pyrénées. « L’an prochain, on sera dans les Alpes. » Ils annoncent un « Nice-to-nice » avec de belles boucles pour mieux embrasser les Alpes du Sud. Personnell­ement, j’ai déjà coché les dates dans mon agenda. Ce sera fin juindébut juillet et forcément « very nice ».

LE GUIDE SENTENAC VEND PLUS LES PAYSAGES ET LES HISTOIRES DES SITES À VOIR QUE LES CONSEILS D’USAGE

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 ??  ?? En haut du col du Tourmalet, point de chambre à air sur le porte-paquet de cette Harley personnali­sée mais une courroie, qui n’aura finalement pas servi au terme des 1 300 km parcourus.
En haut du col du Tourmalet, point de chambre à air sur le porte-paquet de cette Harley personnali­sée mais une courroie, qui n’aura finalement pas servi au terme des 1 300 km parcourus.
 ??  ?? 1- Les organisate­urs annoncent 4 500 virages sur cette Transpy AMV Légende que personne n’a vraiment comptés mais tous les participan­ts en redemanden­t. 2- Avec leur MZ et sa remorque, ce couple breton n’est pas passé inaperçu. 3- Sur la Transpy, c’est road-book à l’ancienne avec le surligneur jaune et les feuilles à coller : un vrai tapis chaque soir !
1- Les organisate­urs annoncent 4 500 virages sur cette Transpy AMV Légende que personne n’a vraiment comptés mais tous les participan­ts en redemanden­t. 2- Avec leur MZ et sa remorque, ce couple breton n’est pas passé inaperçu. 3- Sur la Transpy, c’est road-book à l’ancienne avec le surligneur jaune et les feuilles à coller : un vrai tapis chaque soir !
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 ??  ?? 1- Joliment représenté, le partenaire AMV Légende affiche ses couleurs sur un foulard en soie offert à chaque participan­t. 2- Une plaque numéro à l’avant valide le passage du contrôle technique des machines au Château de Lastours. 3- Certains participan­ts n’hésitent pas à louer une machine comme celle-ci pour venir sur le raid. 4- On peut être belge et faire l’âne, les membres de « L’équipée », motards et Bruxellois, assument.
1- Joliment représenté, le partenaire AMV Légende affiche ses couleurs sur un foulard en soie offert à chaque participan­t. 2- Une plaque numéro à l’avant valide le passage du contrôle technique des machines au Château de Lastours. 3- Certains participan­ts n’hésitent pas à louer une machine comme celle-ci pour venir sur le raid. 4- On peut être belge et faire l’âne, les membres de « L’équipée », motards et Bruxellois, assument.
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 ??  ?? Sur le toit des Pyrénées et sur fond de neiges éternelles, la Triumph T100 Bonneville est un plaisir à emmener.
Sur le toit des Pyrénées et sur fond de neiges éternelles, la Triumph T100 Bonneville est un plaisir à emmener.

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