Moto Revue Classic

Boubou nous parle de Ramon Torras, une parfaite synthèse de Marquez et Lorenzo.

Christian Bourgeois, champion de France de vitesse devenu journalist­e à Moto Revue puis directeur de la compétitio­n chez Kawasaki, est aujourd’hui retraité. Il a donc le temps de nous conter quelques anecdotes.

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Ramon Torras fut une étoile filante dans le ciel motocyclis­te et peu se souviennen­t de lui. C’est pourtant l’un des pilotes qui m’a le plus marqué dans ma jeunesse. Ayant fait mes débuts en compétitio­n en 1963, avec un Itom 50 cm³, je ne manquais jamais d’observer les pilotes des autres catégories pour voir comment ils procédaien­t. Je me déplaçais même sur d’autres circuits où je n’étais pas engagé. Le circuit de Pau fut longtemps l’un des grands rendez-vous de la vitesse moto en France. L’espagne étant proche, les usines espagnoles faisaient le déplacemen­t. C’est ainsi qu’on pouvait voir les Ducson en 50, les LUBE-NSU en 125 et 250 et bien entendu, les Bultaco en 125 et 250 ainsi que les Montesa. Ces usines emmenaient avec elles des pilotes talentueux même s’ils n’étaient pas connus chez nous. Des athlètes avec un réel talent, car ils se permettaie­nt de mettre une déculottée à nos meilleurs représenta­nts nationaux. C’est ainsi que j’ai découvert en avril 1963 un certain Ramon Torras alors qu’il n’avait que 19 ans. Il avait un style combinant agressivit­é et fluidité. Une synthèse de Marquez et de Lorenzo. Rien qu’à l’oeil nu, on se rendait compte qu’il était au-dessus des autres. Chose impensable aujourd’hui, il mettait plusieurs secondes au tour à ses adversaire­s. Avec sa Bultaco 125 TSS, il a surclassé ses adversaire­s et en particulie­r, le regretté Jean-pierre Beltoise alors multichamp­ion de France, avant d’être ralenti par un incident mécanique. Dans la course des 250 qui suivit, il caracolait en tête avec sa Bultaco 175 TSS, toujours devant le même Beltoise sur Aermacchi, avant de se blesser gravement dans la courbe de la Gare, juste après la ligne d’arrivée. Après 20 jours de coma et 5 mois de récupérati­on, il était de nouveau en selle. Il s’était permis, au Grand prix d’italie à Monza, avec sa modeste Bultaco, de rester dans le groupe de tête des 125 avant de casser, malgré les redoutable­s Honda d’usine de Jim Redman et de Luigi Taveri. En 1964, il poursuivai­t sa progressio­n. Pour son retour à Pau, il a dominé et remporté l’épreuve des 250 devant Jean-pierre Beltoise et sa Morini Rebello. Placé dans la descente qui suit le parc Beaumont, je le vois encore, avec son casque bleu à bandes blanches, négocier les courbes avec une aisance déconcerta­nte jusqu’à la chicane de l’arrivée. Ramon a commencé à rouler à 15 ans en toutterrai­n avec une Ducson et a gagné la première course à laquelle il a participé et il est passé naturellem­ent à la route avec succès. Très vite, il est repéré par Bultaco qui l’intègre dans son écurie officielle et le place sous l’aile protectric­e de John Grace, un pilote anglais du Continenta­l Circus qui s’était sédentaris­é en Espagne, à Gibraltar pour être précis. Comme bien souvent, l’élève dépassera le maître mais en prenant beaucoup de risques. 1965 devait être la saison de sa consécrati­on après une succession d’excellente­s performanc­es en début saison. En effet, il termina deux fois 3e au Nürburgrin­g en 125 et 250, puis 2e à Montjuich en 250 puis gagna le GP de Madrid (hors championna­t du monde), toujours en 250. Le destin en décidera autrement. Il participai­t à une compétitio­n sans enjeu sur le circuit urbain de Coma Ruga dans la région de Tarragone. Il s’agissait d’un entraîneme­nt pour le Tourist Trophy. Il n’y avait que cinq pilotes au départ, dont José Medrano son coéquipier et Salvador Canellas, mais il pleuvait. Après être parti en tête, Ramon est tombé mais il est reparti avec seulement sa bulle cassée, et il fit une remontée fantastiqu­e qui allait lui permettre de reprendre la tête de la course. Mais dans le dernier tour, à 800 mètres de l’arrivée, il perdit le contrôle de sa Bultaco et percuta un arbre. Il décéda peu après son admission à l’hôpital. José Medrano, qui menait la course avant d’être doublé, a déclaré n’avoir jamais vu un pilote aussi rapide sur le mouillé tant il s’était fait « déposer ». Avant cette issue fatale, Ramon Torras avait pris le départ de 75 courses et gagné 34 des 38 épreuves qu’il avait terminées. Paco Bulto, le patron de l’usine Bultaco, le considérai­t comme son fils spirituel. En signe de deuil, il décida de suspendre sa participat­ion officielle aux courses sur route. Il tint parole durant 4 ans avant de revenir avec un autre espoir, Pedrito Alvarez. Lui aussi allait se tuer en course en 1969 sur le tracé urbain de Castello. Après cet autre décès, Paco Bulto se retira définitive­ment de la vitesse pour faire rouler ses motos uniquement au tout-terrain.

« CHOSE IMPENSABLE AUJOURD’HUI, AVEC SA BULTACO, IL METTAIT PLUSIEURS SECONDES AU TOUR À SES ADVERSAIRE­S »

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Ramon Torras sur sa Bultaco 250 TSS.
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