Moto Revue Classic

Avec Fred Fourgeaud dans le panier du Family Side, on a causé de Mash.

Quoi de mieux qu’un petit tour sur le Mash Family side pour faire parler Fred Fourgeaud de sa marque vintage ?

- Texte : Alain Lecorre – Photos : Jean-aignan Museau

« Tu monterais dans un avion en sachant que le commandant n’a jamais piloté ? » Fred Fourgeaud, président de la Sima et créateur de Mash, a de la répartie, du caractère... et du culot. Car c’est vrai, je n’ai jamais roulé en side de ma vie excepté lors d’une session de side-car cross en passager dans les années 80. Pas de quoi le rassurer j’en conviens. Quoi qu’il en soit, après quelques conseils prodigués par Jean-michel Paquient (directeur général de la Sima) et deux trois allers-retours sur le parking des nouveaux bâtiments, nous voilà partis sous un ciel menaçant. L’idée est d’essayer le Family side bien sûr mais aussi de faire causer le boss de Mash, cette marque si jeune... et si vintage. On sort « tranquille­ment » de Beaune, je suis un peu tendu, je l’avoue. Fred, lui, n’a pas encore desserré les dents... Direction Meursault, ses vignes et sa mairie qui – je l’apprendrai sur place – a servi de décor à la célèbre scène de la course de chaises avec De Funès et Bourvil dans La Grande Vadrouille. Je fais super gaffe au gabarit du Family et remarque très vite qu’il s’allège lorsqu’on tourne côté panier et s’alourdit de l’autre côté. Le b.a.-ba j’imagine, mais les premières impression­s de roulage sont rigolotes. Un peu stressante­s mais rigolotes. Une première petite pause s’impose. J’apprends rapido à jouer avec la marche arrière du Family pour une mini-manoeuvre de stationnem­ent et la discussion démarre avec le patron.

« Oui, on bosse avec la Chine et c’est bien »

« Nous avons créé Mash en 2012 pour être indépendan­ts, lance Fred Fourgeaud. J’ai vu Mr. Seurat une fois dans les hauts, une fois dans les bas. Moi, j’aime bien les progressio­ns lentes sans jamais redescendr­e, mais j’ai fait comme lui. Quand Husqvarna est racheté par BMW, tu subis. Tu sens pas le truc, mais tu subis et tu finis par partir. Et là, après 35 ans de partenaria­t avec Husky, tu te retrouves sans marque. Juste après, Gas Gas dépose le bilan et tu vois bien que ta boîte ne tient qu’à un fil. On a essayé le quad en 2006/2007 pour diversifie­r un peu le business. En 2010, on fait 4 000 quads quand il s’en vend 40 000 en France. Aujourd’hui, on en écoule 1 500 sur un marché à la peine de 15 000 unités. La moto ayant toujours été notre passion première, j’ai essayé d’y revenir avec Head Banger mais je suis tombé sur un Italien qui ne comprenait rien à l’industrial­isation et j’ai laissé tomber. On s’est dit qu’il fallait passer le cap, créer notre marque et être autonomes. Alors, avec Jean-michel, on est allé au Salon de Canton et on a trouvé une petite moto qui semblait correspond­re à nos besoins. C’était parti. L’industrial­isation, les Chinois savent ce que c’est. Ils produisent beaucoup, et dans de grandes usines. Il a juste fallu

« PAS DE SOUDURES POURRIES, PAS DE REPOSE-PIEDS TROP LARGES ET LE LOOK, C’EST MOI QUI M’EN OCCUPE ! »

les guider car nos standards de qualité ne sont pas les mêmes. Je leur ai dit : “Moi, je suis marchand de jouets donc je veux un jouet. Pas de soudures pourries, pas de repose-pieds trop larges, ni de sélecteur trop grand. Et le look, c’est moi qui m’en occupe.” Alors oui, on bosse avec la Chine et c’est bien. Ils sont très réactifs et à l’écoute. » Bon, c’est pas tout ça patron, mais il est temps de repartir. Comme quasiment à chaque fois, une petite troupe s’est formée autour du side. Il faut dire qu’il a de la gueule ce Family, et les commentair­es vont bon train. Ça file la pêche et c’est avec le sourire aux lèvres que l’on s’égare sur les petites routes bourguigno­nnes. Je commence à m’habituer au bignou. D’accord, à 80/90 km/h, on a un peu l’impression qu’il flotte sur la chaussée. Rien de dangereux, bien sûr. Il faut juste compenser très légèrement en poussant ou en tirant sur le guidon. Le soleil s’est enfin levé. La journée va être belle. Côté moteur, les 27 chevaux du mono 400 cm3 pourraient vous sembler un peu justes. Il n’en est rien. Toutes les sensations de conduite étant un peu chamboulée­s, on est ravi de plafonner à 100 km/h

en vitesse de pointe. L’engin est bien suspendu et le freinage couplé. Exit le simple tambour arrière de la Five Hundred, ce sont désormais trois disques qui stoppent le side Mash, le disque du panier s’actionnant avec celui de la roue arrière de la moto. Efficace. Quant aux vibrations, elles sont aussi absentes que les commandes sont agréables. Fred reprend l’histoire : « Quand on a lancé Mash, le néo-rétro, c’était la tendance. On fait croire qu’on est “peace & love” mais c’est faux, on n’a plus le droit de rien faire. Avec une hypersport­ive, tu es en excès de vitesse en première et de toute façon, les motards ont changé, ils ne roulent plus. Sans parler de la crise économique qui a fait des dégâts, il ne faut pas se tromper. Dans ces conditions, avoir un jouet, c’était pas idiot. Nous, on a proposé du low cost à la mode. Nos concurrent­s qui s’affichent au même prix, on leur jette des cailloux car ils ont des motos de postier. Chez nous, le gars qui range sa Porsche dans son garage peut ressortir avec une 125 Mash, il est à la mode. C’est comme ça, t’es à la mode ou pas.

« On a aussi lancé nos propres magasins »

On a commencé avec la Seventy Five, puis on a très vite progressé. Il y a 6 mois, on était Euro 4 avant tout le monde. Les Chinois nous ont aussi fabriqué un ABS. Et très vite, on est devenu leader du marché 125 devant Honda (en 2014, ndlr). Après, on s’est occupé de l’export (50 % du chiffre d’affaires) et aujourd’hui, on vend entre 7 et 8 000 pétoires par an (+ 21 %). L’année dernière, ça a été un peu plus difficile parce qu’on s’est fait virer de certaines concession­s. Bah oui, on est chez les multimarqu­es alors quand on fait trop parler de nous, ça déplaît à certains. Et, par hasard, nos motos ne sont plus du tout mises en valeur. Des pneus à plat, des machines pas propres, des prix pas affichés... J’ai dit stop, on va faire du corporate et on a lancé nos propres magasins. Ça s’appelle Mash Center. On fait les plans, le mobilier et les gars qui sont intéressés en payent la moitié. Les machines sont dans un bel environnem­ent, elles sont nickel, ça fait envie. On en est à une dizaine de concession­s. Ça commence à faire du bruit. On les fait également participer à des stages de mécanique. Ta marque doit être bien représenté­e. Si tu fais pas ça, t’es mort. Quand t’as une petite marque, tu n’as pas droit à l’erreur. C’est comme ça. » Derrière le Q5 qui nous ouvre la route, je commence à

« AVOIR UN JOUET, C’ÉTAIT PAS IDIOT. AVEC MASH, ON A PROPOSÉ DU LOW COST À LA MODE »

être de plus en plus à l’aise au guidon du Family. La première séance photo se passe tip-top. Demi-tour, virage, photos, re-demi-tour. Le stress a disparu, ça fait plaisir. Et c’est bien là le maître mot du side Mash : le plaisir. Rouler peinard, profiter de la campagne, emmener la famille, pourquoi pas. Prendre l’air, en tout cas. Mais au fait, Fred, pourquoi avoir ciblé la catégorie 125 au départ ? « On n’était pas prêt pour le haut de gamme. L’idée, c’est d’y aller pas à pas, alors on est rentré sur des marchés qui n’étaient pas porteurs. Le 125 était à - 30 % à cause de la formation devenue obligatoir­e et le 250 n’a jamais eu la cote en France. Mais on ne demande jamais aux clients ce qu’ils veulent. Mash, c’est un look, un prix bas et une motorisati­on incassable. C’est notre cahier des charges. Nos moteurs 125 et 250 sont d’origine Suzuki. Par exemple, on fait fabriquer nos propres réservoirs. On fait des protos, on les envoie aux Chinois et ils réagissent très vite. En ce moment, on est sur une nouvelle tendance. On va aussi commercial­iser une 650. Deux ans qu’on est dessus, c’est notre moteur. Et il fallait trouver dans quel cadre le mettre. Avec ce qu’on va bientôt présenter, vous verrez qu’on sera pas mal... » Visiblemen­t, le patron ne veut pas en dire plus sur son nouveau concept. Et le side, dans tout ça ? « Le side, au début, c’était pour rigoler. On ne s’attendait pas à faire autant de ventes (130 ce jour, une espérance de 300 en fin d’année, ndlr). La plupart des gens qui l’achètent n’en ont jamais fait avant. » Avec sa bonne bouille et son tarif 50 % moins cher que la concurrenc­e, le Family a de sérieux arguments et s’est trouvé une clientèle. Le boss renchérit : « Tout ce qu’on a fait a toujours marché. Il faut avoir du pif. On a fait un 50 à boîte 4-temps et tu verras que ça va plaire. Évidemment, deux, trois marques sont venues nous copier (Orcal, Bullit, ndlr) et en 2016, on a perdu 1 000 pétoires. Mais il faut toujours se fier aux attentes des clients. Ils voulaient un réservoir plus rectangula­ire, un look plus tendance ? J’ai fait la Black Seven, double compteur, selle plate, déco de réservoir façon John Player Special, amortisseu­rs à bonbonne et on a dessoudé les copieurs. »

« C’est nous qui gérons les garanties »

OK, OK, le patron a du caractère et de la suite dans les idées. L’après-vente, par exemple, comment ça marche chez Mash ? « Les garanties, c’est 2 % du chiffre d’affaires du véhicule chez les constructe­urs. Chez nous, c’est 0,7 %. On a des petites merdes mais on a deux millions de pièces en stock. On enquille et on renvoie gratuiteme­nt. La garantie, c’est moi qui la gère, pas l’usine. Mais si jamais y’a 50 motos qui ont le même problème, c’est eux qui payent. Et ça marche. Zéro problème, zéro souci. » En rentrant peinard vers la Sima, une dernière question me traverse l’esprit : et après la 650 ? « J’espère qu’il y aura des bicylindre­s, des motos de caractère. On a déjà des pistes... en Italie notamment... » Passionné qu’on vous dit, le Fred Fourgeaud. Et quelque chose me dit qu’on n’a pas fini de parler de Mash...

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