ESSAI : URBAN G/S
Après la « Pure », la « Scrambler » et le « Café Racer », la BMW Urban G/S – autre déclinaison du concept ninet – reprend les codes d’une référence historique de la marque : la R80 G/S. Elle a donc de qui tenir et de quoi faire.
C’est l’héritière de la première R80 G/S et la dernière évolution de la ninet.
Difficile de ne pas penser à la R80 G/S première du nom lorsqu’on est face à la dernière née des BMW Heritage Classic, la fameuse R ninet Urban G/S. Même coloris et même côté « décalé » par rapport à la tendance du moment. En novembre 1980 (voir encadré ci-contre), BMW surprend tout le monde en sortant de ses cartons « le plus gros trail du monde » ou encore « la première grosse cylindrée de loisirs », comme le proclamait alors la publicité. Une machine bardée de couleurs (jusque-là, les allemandes étaient toutes... noires), préfigurant une catégorie qui n’existait pas encore : les gros trail-bikes. À l’aube des grandes aventures africaines et des nombreuses machines qui allaient en découler, autant dire que la firme allemande est en avance et a vu juste. La preuve ? On en parle encore. En effet, la G/S fait, depuis sa sortie, office de référence absolue en matière de rallyes et de gros trail-bikes. Alors, lorsque l’histoire se répète près de quatre décennies plus tard, difficile de résister...
Dès les 1ers coups de gaz, le ton change...
La R ninet Urban G/S est un véritable trait d’union entre le glorieux passé de la marque et son avenir. BMW a d’ailleurs repris les codes couleur de l’ancienne pour son néo-rétro dernier cri. Réservoir blanc orné de deux bleus différents, selle rouge orangé ; c’est flashy. Bien sûr, cette ultime version de la ninet s’appuie (comme la « Pure », la « Scrambler » et le « Café Racer ») sur la même plateforme technique : un cadre tubulaire en acier, un Paralever équipé d’un mono-amortisseur et d’un monobras en aluminium forgé, une fourche télescopique classique à la place du modèle inversé vu sur les autres et un flat 1 170 cm3 plein de rondeur commun à toutes les ninet. Ajoutez une roue avant de 19 pouces, une hauteur de selle revue à la hausse (850 mm contre 815), un large guidon, une petite plaque phare, un garde-boue avant relevé et le tour est joué. Pour info, notre machine d’essai était équipée de quelques options (une paire de jantes tubeless à rayons croisés, des clignotants à Leds, des poignées chauffantes et un ASC – Automatic Stability Control), ainsi que des protègeculasses piochés dans le catalogue accessoires. Compacte et plutôt fine – on pourrait presque parler de petit gabarit –, l’urban vous fait de l’oeil. De là à enfiler le Bell que Johnny O’mara portait aux USA en 1986, il n’y a qu’un pas.
EN 2 SECONDES, ON PASSE DE LA BALADE À L’ATTAQUE. LE NEZ AU VENT OU LA RAGE AUX DENTS !
Difficile de faire moins pour la belle surtout que côté couleurs, il est raccord. À l’arrêt, les présentations se font vite. L’urban G/S est accueillante et sa position de conduite très naturelle. On apprécie le galbe du gros réservoir au niveau des genoux, le grand guidon (3 cm de moins que celui de la R1200 GS), ainsi que le confort et la largeur réduite de la selle à l’entrejambe (175 mm). Les commandes sont OK, rien ne vient perturber le round d’observation. Pourtant, dès les premiers coups de gaz, le ton change. La sonorité du flat 1200 est musclée, voire virile dans les hauts régimes. Cette Urban respire les Watts à plein nez, ça promet...
Côté qualité, elle ne déroge pas à la règle
C’est parti. L’embrayage est souple et précis, la boîte ferme et moins rugueuse qu’imaginée. Pas de « Klong » au passage des rapports, c’est assez onctueux dans l’ensemble. Côté partie-cycle, même constat. Les Allemands ont souvent mis en avant leur qualité de fabrication et celle de leurs équipements. L’urban G/S ne déroge pas à la règle. La suspension est ferme (et confortable) et la bestiole semble d’entrée rivée au sol. Alors, on se plaît à pousser plus loin sur les petites routes de l’ouest parisien. À la pousser plus loin et à hausser le rythme. Calé pile poil derrière le guidon de cross, on se laisse séduire par la facilité avec laquelle la BMW nous emmène et les premières sensations de lourdeur pressenties en la déplaçant à l’arrêt s’évanouissent vite. Bien équilibrée et dotée d’un freinage exceptionnel (ABS déconnectable, pinces radiales, on est loin du ralentisseur de la première G/S...), l’urban se transforme naturellement en bête de course. « Une histoire de gènes » , diront les anciens, en référence aux deux R80 G/S confiées
à Fenouil et Auriol pour le Dakar 1980. Préparées en Allemagne, elles utilisaient des pièces de série (le cadre étonnamment) et d’autres déjà vues en enduro avec Schek, Witthöft, Schalber ou Werner Schtüz, comme la suspension arrière à amortisseur unique ancrée sur le bras oscillant ou la fourche à axe déporté. Mais revenons à notre Heritage Classic. Aucune vibration, un cardan qui se fait oublier, une boîte précise, une partiecycle extrêmement saine, à la fois stable, rigide et confortable et enfin, un flat bourré de coffre dont les réponses à l’accélérateur sont immédiates quelle que soit la plage de régime moteur accrochée. Un vrai bonheur, ce bouilleur. Et comme BMW fait rarement les choses à moitié, le son est à la hauteur des performances. L’urban a été pensée pour la balade bien sûr, c’est même là que vous l’apprécierez sans doute le plus, mais elle est aussi programmée pour l’arsouille. En effet, sur le réseau secondaire et dans les petits recoins, difficile de la prendre en défaut sur le triptyque caractère/efficacité/ rigueur. Car, en prime, l’allemande magnifie ses perfs’ avec un argument de poids : la qualité et la sécurité (ABS et antipatinage ASR déconnectables au guidon en roulant, durites aviation, cadre treillis porteur très rigide, etc.). Bref, à son guidon, on se sent à l’aise tout de suite et ce, dans tous les secteurs. À l’exception des demi-tours en ville ou en TT, le rayon de braquage n’étant pas des plus courts. Un détail, me direz-vous, oui mais quand on s’appelle « Urban », proposer une maniabilité hors pair n’aurait gêné personne. Bref, les petites routes campagnardes n’ayant plus de secret pour nous, c’est sur les grands axes que nous mettons le cap. Voyons voir si elle résiste à la pression...
Un vrai dragster et la cavalerie qui va avec
La vache ! Là aussi, elle s’en sort avec les honneurs. Il faut dire que son bloc 1200 a beau être passé par les fourches caudines de l’euro 4, il vous gratifie d’accélérations et de reprises aussi sympathiques qu’instantanées. Un vrai dragster. Calé à 130 sur la voie de gauche, un simple mouvement de poignet vous propulse dans l’illégalité la plus totale. Sans trou, sans creux, direct, les 110 chevaux se mettent en branle de façon quasi électrique. Impressionnant. Et comme
le petit saute-vent a été bien dessiné, on peut tenir ainsi à des vitesses interdites sans se faire arracher les bras. Agréable. Bon, là encore, préférez la version « je conserve mes points en regardant le cul des vaches » , le nez au vent, le regard posé sur l’horizon et la cavalerie prête à bondir... Allez, on quitte le long ruban gris rectiligne pour s’aventurer un moment sur les petits sentiers off-road. Un changement brutal façon grand écart, surtout avec les enveloppes « route » de notre machine d’essai. Rassurez-vous, là encore, elle s’en est bien sortie en mode balade. La position de conduite est correcte et si vous ne dépassez pas le 1 m 75, vous devriez trouver vos repères rapidement, le buste pas trop plié en deux grâce à la roue de 19 notamment. ABS et ASR déconnectés, vous pourrez alors vous enfoncer dans la campagne sans trop d’appréhension. Attention toutefois aux demi-tours pas toujours faciles à réaliser ainsi qu’au poids de l’engin (220 kg tout de même...). Avec cette R ninet Urban G/S qui rappelle tant de souvenirs aux anciens, BMW vise juste. On adore sa bouille, son comportement moteur, son énorme couple et la rigueur de sa partie-cycle. On est séduit par sa finition et la qualité de ses équipements, moins par ses côtés pratiques, somme toute assez réduits (pas de place sous la selle, pas de prise 12 V ou USB), ni par le manque d’infos importantes (jauge à essence, comptetours, rapport engagé...), un peu limite à ce tarif-là. Remarquez, l’ancienne G/S ne les proposait pas non plus et ça ne l’a pas empêchée de devenir une légende... ❖