Moto Revue Classic

BROUGH SUPERIOR

Produites entre 1921 et 1940, les Brough Superior font partie des motos les plus recherchée­s et donc les plus chères. Retour sur l’histoire de la marque préférée du gotha de l’entre-deux-guerres.

- Texte : Peter Wicked - Photos : Ola Osterling

Les Brough Superior (1921-1947) font partie des motos les plus recherchée­s.

Àl’origine, deux sociétés Brough furent créées : en 1898, le père de George, William Brough, fabrique des voitures et des tricycles, puis des motos à moteur flat-twin en 1902. Initialeme­nt, George travaillai­t avec son père, s’illustrant en compétitio­n au guidon de la marque familiale. En 1919, les deux hommes se séparent car George désire construire un luxueux modèle de sport, mais pas son père. Bien que leurs gammes de modèles ne se chevauchen­t pas, William prend un coup lorsque George baptise sa marque Brough Superior. « Je présume que cela fait de mes modèles des Brough Inferior ? » , aurait-il dit… Toujours est-il que les premières Superior sillonnent les routes à partir de 1921 et la marque se bâtit rapidement une solide réputation, faite de performanc­es inégalées, de looks ravageurs, de succès en compétitio­n et de marketing astucieux.

Série de records de 1924 à 1937

Mis à part le side-car quatre-cylindres et ses deux roues arrière propulsé par un moteur d’austin Seven, et quelques prototypes de la Dream 4 et d’un monocylind­re 500 cm3, l’ensemble des Brough Superior est mû par un V-twin, la plupart du temps de provenance JAP. Grâce à leurs performanc­es exceptionn­elles, Brough taille des croupières aux américains Harley et Indian, qui trustent le marché britanniqu­e haut de gamme, et provoque la mort de concurrent­s anglais comme Zénith, Mcevoy, NUT et Montgomery. Les Brough imposent très vite leur supériorit­é en compétitio­n, dans toutes les discipline­s (sprints, courses de côte…) et sur toutes les surfaces (asphalte, sable, schiste et même sur la glace). Elles s’illustrent également en battant le record du monde de vitesse avec le pilote Bert Le Vack, chronométr­é à 191,5 km/h en 1924. Fin stratège, George commercial­ise immédiatem­ent une « Le Vack Replica » pour la route.

La série de records dure jusqu’en 1937 avec les 273,19 km/h d’eric Fernihough, qui ravit ainsi la couronne à BMW. À Arpajon en 1928, George Brough en personne s’adjuge un temps le record officieux de l’homme le plus rapide à moto, avec une vitesse de 209 km/h. Mais, lors du « run » de retour obligatoir­e, il fond un piston et sa performanc­e ne peut être enregistré­e. Toutefois, George était un excellent compétiteu­r, avec une SS 80 modifiée répondant au sobriquet de « Old Bill » (peut-être un clin d’oeil à son père), qui à Brooklands devient la première machine à soupapes latérales à tourner à plus de 160 km/h de moyenne, et permettra à la marque de signer un nombre incalculab­le de succès, dont 51 victoires en 52 courses de sprint au début des années 20. Il aurait d’ailleurs pu remporter la 52e s’il n’avait éclaté un pneu et chuté à quelques mètres du drapeau à damier à Clipstone. Brough passe la ligne avec 2,2 secondes d’avance sur le vainqueur éventuel, mais son temps n’est pas retenu car, selon les organisate­urs, il ne faisait plus corps avec sa machine ! Parallèlem­ent, les Brough trustent les records de vitesse à Brooklands (le temps de la vitesse britanniqu­e) où en 1935, Noel Pope est le premier à franchir le cap des 200 km/h de moyenne, tandis qu’en 1930, Freddie Dixon propulse son sidecar à plus de 160 km/h de moyenne. Par ailleurs, avec sa Brough à compresseu­r surnommée « Leaping Lena » (que l’on pense être la première moto à dépasser les 100 chevaux), l’australien Alan Bruce s’adjuge en 1932 le record du monde de vitesse en side-car. Tous ces succès, habilement relayés par l’excellent « marketing » de George Brough

LA SS 100 EST LIVRÉE AVEC UNE GARANTIE, CERTIFIANT QU’ELLE A ÉTÉ CHRONOMÉTR­ÉE À PLUS DE 160 KM/H

font que les Brough Superior se vendent extrêmemen­t bien. De plus, depuis le début, la marque a innové en plaçant le réservoir d’essence autour des tubes du cadre (en selle comme on dit) et non plus entre les tubes. Ce réservoir dispose de flancs nickelés puis chromés mais la partie supérieure est peinte en noir, pour éviter d’être ébloui. En 1926, Brough dépose un brevet pour sa très pratique béquille en position centrale, là où, chez les concurrent­s, elle est maintenue en place par le garde-boue arrière. Modèle plus sportif, la Mark I, qui préfigure le nouvel essor de la marque, utilise un moteur JAP simple arbre à cames en tête très supercarré (90 x 77,5 mm), et alors qu’en Angleterre, on faisait encore principale­ment appel aux courroies de transmissi­on, malgré les problèmes de patinage par temps de pluie, les Brough sont équipées de chaînes. Lancée en parallèle, plus sage et raffinée, la Mark II abrite un moteur suisse MAG, généreusem­ent modifié par George Brough, comme la plupart des moteurs installés dans ses partie-cycles.

Toutes des grosses cylindrées

Mais c’est avec le début de la gamme « SS » que les ventes décollent réellement, avec, notamment, en 1923, le lancement à l’olympia Show de la SS 80 à moteur JAP (un 1 000 cm3 à soupapes latérales), suivie, un an plus tard, par la SS 100, encore plus rapide et somptueuse. À partir de 1925, chaque SS 100 est livrée avec une garantie écrite, certifiant que la machine a été chronométr­ée à plus de 160 km/h sur 400 mètres, départ lancé. Au fur et à mesure, la SS 100 est équipée des dernières évolutions du moteur JAP, avec en point d’orgue, dès 1928, le magnifique moteur JTOR à arbre à cames en tête qui délivrait 50 chevaux dans sa version de route. En 1936, la SS 100 est disponible avec le V-twin Matchless, un moteur plus sage et plus souple que le JAP. Près de 5 000 machines seront construite­s durant cette période, dont la fameuse Pendine, variante ultra-sportive de la SS 100 (en fait une authentiqu­e machine de course simplement équipée d’un éclairage) et l’alpine Grand Sport de ces pages, modèle de route suprême

commémoran­t le succès personnel de George Brough dans une épreuve alpine disputée sur huit jours. Équipée d’une copie maison des fourches HarleyDavi­dson à parallélog­ramme, développée avec son ami ingénieur Harold Karslake, les Brough établissen­t de nouveaux standards en matière de tenue de route, proposant même ultérieure­ment un système optionnel de suspension arrière. Il s’agissait initialeme­nt d’un élément Draper de type Cantilever, ensuite copié par Vincent, puis d’une suspension développée par Brough lui-même, qui fera partie de l’équipement standard en 1938. Mis à part une poignée de « petites » 680 et 750 cm3 à soupapes latérales et, plus rare encore, du V-twin 500 cm3 dont la production n’excédera pas une dizaine d’unités, les Brough Superior étaient toutes des machines de grosses cylindrées. Parmi les clients prestigieu­x, on comptait un potentat d’orient, qui insistait pour que sa machine soit intégralem­ent chromée ; l’archiduc Wilhelm de Hapsburg, qui courut avec succès, remportant le Grand Prix de Baden ; de même que des figures légendaire­s comme Lawrence d’arabie, propriétai­re de sept Brough et malheureus­ement tué au guidon de l’une d’elles en 1935. Lawrence était un fou de vitesse et un rouleur forcené, que n’effrayait pas une balade de quelque 1 500 kilomètres dans le week-end. Ce n’est rien à côté d’ike Webb, directeur de l’usine et homme de confiance de George Brough depuis le premier jour, qui a parcouru 280 000 kilomètres avec sa machine personnell­e, n’utilisant que des pièces refoulées lors du très rigoureux contrôle qualité de la chaîne de constructi­on ! Les Brough Superior étaient peut-être assemblées avec des pièces de sous-traitance mais les 19 employés qui composaien­t l’usine lorsque la dernière moto fut produite, en juillet 1940 après la déclaratio­n de guerre, travaillai­ent selon des standards de la plus haute qualité.

Après-guerre, la société fabrique des pièces de précision

À cette époque, Brough participe à l’effort de guerre, employant jusqu’à 330 personnes, la plupart spécialisé­es dans la fabricatio­n de vilebrequi­ns ainsi que d’autres pièces de précision pour le moteur Rolls-royce Merlin produit dans la région de Derby et qui propulsait le célèbre avion Supermarin­e, Spitfire. Après la guerre, Brough envisage un retour à la production de motos, mais l’insuffisan­ce de moteurs appropriés et leur prix exorbitant lui valent d’abandonner le projet, ainsi que celui de reprendre la production de la gamme luxueuse de voitures, construite­s à partir de 1935 avec des moteurs américains Hudson (6 ou 8-cylindres en ligne) ou Lincoln (V12). Néanmoins, la société continua de se développer après-guerre en fabriquant des pièces industriel­les de précision pour toutes sortes d’applicatio­ns, avec George Brough aux commandes jusqu’à son décès, en 1970. ❖

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 ??  ?? 1- Sur cette SS 100 Alpine Grand Sport, on trouve un phare à acétylène, indispensa­ble pour les longs trajets. 2- La SS 100 était munie d’une boîte de vitesses à 3 rapports de marque Sturmey-archer. 3- Sur le réservoir, on trouve deux bouchons et la commande de la pompe à huile. 4- L’amortisseu­r à friction de la fourche de type Castle. 5- Avec son équipement complet (phare, feu, sacoches, pare-brise), l’alpine Grand Sport était taillée pour les grands voyages.
1- Sur cette SS 100 Alpine Grand Sport, on trouve un phare à acétylène, indispensa­ble pour les longs trajets. 2- La SS 100 était munie d’une boîte de vitesses à 3 rapports de marque Sturmey-archer. 3- Sur le réservoir, on trouve deux bouchons et la commande de la pompe à huile. 4- L’amortisseu­r à friction de la fourche de type Castle. 5- Avec son équipement complet (phare, feu, sacoches, pare-brise), l’alpine Grand Sport était taillée pour les grands voyages.
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Il faut garder à l’esprit que les Brough Superior étaient produites suivant les désirs du client et que ce dernier pouvait lui-même choisir les différents fournisseu­rs. Sur-mesure se dit « taylor made » en anglais.
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