Moto Revue Classic

BSA A65 & ROCKET 3

Vous êtes plutôt bi ou tri ? Blague à part, si vous deviez choisir une BSA classique, ce serait plutôt une A65 twin ou une Rocket 3-cylindres ? MR Classic va tenter de vous aider.

- Textes : Peter Wicked - Photos : Fabrice Berry

Entre une A65 Lightning bicylindre et une A75 Rocket 3-cylindres, MRC vous aide à choisir votre BSA vintage.

Devant moi, à quelques tours de roues, je regarde évoluer Frank sur sa BSA A65 Lightning de 67. Juché pour ma part sur une Rocket 3 de 69, je n’ai pas trop de mal à suivre. Quoique. Le Triple ne fait que 58 chevaux à 7 250 tours quand le twin annonce 53 ch à 7 500… De plus, l’a65 restaurée par Frank Chatokhine affiche une santé digne de sa première jeunesse et comme il la connaît bien, il n’hésite pas à enquiller les ronds-points façon racing alors que sur la Rocket 3, pas tout à fait en pleine forme, j’ai un rien de réticence. On enroule quand même de bon coeur et les premiers instants de curiosité laissent place à un vrai plaisir grâce ce trois-cylindres un chouïa lymphatiqu­e dans ses montées en régime (poignée de gaz dure, boisseaux de carbus pas loin de la retraite) mais vigoureux et très coupleux. Je lui reproche juste une certaine lourdeur du train avant et un freinage peu dosable et un poil insuffisan­t. Du coup, on compose et on ne s’en sort pas si mal que ça, les sensations et les bonnes vibrations étant présentes sans être rédhibitoi­res. La position de conduite, impliquée par le guidon de la version US et le réservoir assez long, est des plus détendues, voire diplomatiq­ue, et indique les prédisposi­tions routières de la machine.

Ce 3-pattes anglais est inimitable

Je reprends les propos d’éric Maurice dans le Moto Revue Classic n° 17 : « Quel moteur ! Malgré tout, la BSA se laisse découvrir sans poser de réelles difficulté­s de maniement. C’est une moto compacte qui cache bien ses kilogramme­s et se montre plutôt maniable à basse vitesse. Ce qui accapare surtout chez elle, c’est son moteur… » Et c’est vrai que ce « trois-pattes » anglais est inimitable, séduisant, charmeur. Bref, impossible à oublier. Côté sonorité, les fameux échappemen­ts Raygun avec leurs trois sorties superposée­s entonnent une mélodie plutôt grave et tout à fait urbaine. On entend beaucoup plus les bruits du moteur, nombreux et pas toujours harmonieux. Côté souplesse, on peut reprendre en quatre à bas régime (impossible à lire sur les instrument­s au fonctionne­ment erratique et parkingson­ien) sur une lente rotation de la poignée droite. Patrick, propriétai­re de cette Rocket qu’il a restaurée il y a 10 ans, précise : « C’est une bonne routière. J’ai fait beaucoup de voyages à deux, chargés, et ça marche impeccable­ment. Quand on les connaît, ces trois-cylindres sont vraiment agréables. Là, il faut que je me repenche sur son cas, elle a besoin d’une bonne révision. En premier lieu, les câbles doivent être changés. » Je comprends un peu mieux

CETTE A65 FONCTIONNE COMME À SON PREMIER JOUR, VOIRE UN PEU MIEUX PUISQUE LES RÉGLAGES SONT PEAUFINÉS

la fermeté de l’embrayage et l’efficacité moyenne des freins. Néanmoins, elle roule et quand on laisse aller les gaz (lorsque le bloc est bien chaud), on trouve vite du plaisir et des sensations, une fois compris le poids considérab­le de 220 kg à vide et ce qu’il implique comme comporteme­nt… Après échange de montures, me voilà perché (pas très haut d’ailleurs) sur la selle plus étroite de l’a65. Comme nous devisons avant de passer à tour de rôle devant le photograph­e, j’en profite pour détailler les belles pièces de la Lightning. Frank explique : « Ce modèle 67 est monté avec des pièces des millésimes précédents. Le bouchon de réservoir, les cache-cadrans en acier peint, le garde-boue arrière enveloppan­t, les logos de réservoir ou sur le côté, pas mal de détails sont propres à ce modèle. Tu vois le frein avant double came, il provient des 500 Gold Star et malgré sa flasque étroite, il est assez pesant. Je trouve que cela alourdit l’avant, tu me diras… » Et je ne dis rien. Car en fait, en passant de la Rocket 3 à la Lightning, on ressent une légèreté générale tout à fait réjouissan­te et surtout, on prend en main le twin avec décontract­ion quand on avait plus de réserve vis-à-vis du trois cylindres. L’A65 est vive en partie-cycle mais aussi de mécanique et réagit avec bonne volonté à la moindre sollicitat­ion, la différence de poids en faveur du twin est nettement ressentie. Je retrouve plus facilement le comporteme­nt amusant des Triumph ou Norton twin, avec un joli coup de pied au cul quand on ouvre un peu fort en deux ou trois. Juchée sur d’étroites enveloppes, l’a65 vire avec aisance, se place avec précision. Pour rouler, on ne manque de rien et on se délecte de la sonorité des pots saucissons. Frank me fait remarquer : « Ce sont des silencieux d’époque, des pièces d’origine construite­s dans un acier plus épais que les refabricat­ions actuelles. Du coup, la sonorité est très différente, beaucoup plus sourde et moins métallique. » Hormis le manque d’habitude d’une sélection placée à droite (du bon côté, d’après les British), je me sens très vite à l’aise avec cette moto dont la position de conduite un peu plus sur l’avant me paraît plus en phase avec ses destinées « sportives ». Souple, avec pas mal d’allonge, nerveuse mais pas caractérie­lle, la Lightning m’apparaît comme une bonne fille prête à tout et surtout aux plaisirs de la motocyclet­te. Parfaiteme­nt refaite, cette A65 fonctionne comme à son premier jour, voire un peu mieux puisque les réglages sont peaufinés et le rodage effectué. On part en vacances ?

Il faudra bien choisir... à moins d’avoir les deux

Eh bien non, il y a un article à écrire et un retour obligatoir­e au bercail. Le climat insipide de la journée d’essai n’incite pas à la rêverie et pourtant, sur le chemin du retour, je suis plongé dans mes réflexions quant au choix d’une BSA de cette époque. Le trois-cylindres est envoûtant, puissant, souple aussi quand il le faut. C’est un monument historique et c’est peut-être à ce titre qu’il effraie un peu. Complexe, capricieux, surtout s’il a été maltraité ou mal entretenu, ce bloc demande une compétence notoire pour pouvoir le maintenir en état. Patrick, le propriétai­re de la Rocket 3, est habitué et connaît tout ça sur le bout des doigts, mais un autre avis de la part de Frank m’éclaire : « Je n’apprécie pas trop les trois-cylindres. C’est compliqué à faire et cela reste de toute façon fragile, que ce soit un BSA ou un Triumph d’ailleurs. J’ai plus d’affinités avec les twins, plus logiques et surtout plus solides. » Roland Chatokhine nuance un peu ces propos en précisant : « Un trois-cylindres, s’il est refait, doit l’être dans les règles et il y a des petits trucs à connaître. Bien mené, conduit tranquille ensuite, il fonctionne pas trop mal et reste à peu près fiable. Il y a des gens qui n’aiment que ça. C’est une moto anglaise des années 60-70, avec tout ce que ça comporte et je pense que celles qui circulent actuelleme­nt sont bien plus fiables que celles qui sortaient de l’usine, on sait mieux faire à présent… » Et pourtant, il faudra bien choisir... à moins d’avoir les deux. L’élégance de la ligne très classique et le caractère de la Lightning sont de vrais arguments en sa faveur. La force et la puissance que dégage la Rocket 3 en sont d’autres, très favorables. Sur le plan de l’impression physique qu’elles provoquent on n’aura pas vraiment de solution, puisque l’une et l’autre disposent de charmes propres et indéniable­s. On parlera finance alors et si l’on cherche une BSA Lightning dans l’état de celle de Frank, on peut tabler sur 7 à 8 000 euros, quand on trouvera un 3-cylindres restauré top niveau dans les mêmes plages tarifaires, voire nettement plus cher s’il y avait beaucoup de travail. Une Rocket 3 dans l’état de celle de notre essai (c’est-à-dire qui nécessite une bonne révision) ne se verra pas proposée moins cher, la rareté et le prestige du trois-pattes laissent peu de latitudes aux acheteurs et les prix flambent parfois jusqu’à 9 000 euros. D’autant que remettre une Triple en état risque logiquemen­t de coûter plus cher qu’un twin… ❖

EN PASSANT DE LA ROCKET 3 À LA LIGHTNING, ON RESSENT UNE LÉGÈRETÉ GÉNÉRALE RÉJOUISSAN­TE

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? 1- Sur cette A65, compteur et compte-tours sont dépourvus de caoutchouc. 2- Le tambour double came provient d’une Gold Star. 3- Les pots saucissons sont des refabricat­ions. 4- Le carter en forme d’oeuf est typique de l’a65. 2
1- Sur cette A65, compteur et compte-tours sont dépourvus de caoutchouc. 2- Le tambour double came provient d’une Gold Star. 3- Les pots saucissons sont des refabricat­ions. 4- Le carter en forme d’oeuf est typique de l’a65. 2
 ??  ?? 1
1
 ??  ?? 4
4
 ??  ?? 3
3
 ??  ?? 1
1
 ??  ?? 1- Les carburateu­rs sont des Amal de 27 mm. 2- Compteur et compte-tours sont enserrés dans un bloc en plastique. 3- À l’avant, on trouve un gros tambour à double came. 4- Ces magnifique­s silencieux sont typiques de la Rocket 3. 2
1- Les carburateu­rs sont des Amal de 27 mm. 2- Compteur et compte-tours sont enserrés dans un bloc en plastique. 3- À l’avant, on trouve un gros tambour à double came. 4- Ces magnifique­s silencieux sont typiques de la Rocket 3. 2

Newspapers in French

Newspapers from France