HARLEY SPORTSTER
C’est en 1957 que Harley-davidson présente la toute première Sportster : la XLCH 900. L’idée est de faire concurrence aux twins anglais, légers et sportifs.
En 1957, Harley-davidson présente sa première Sportster : la XLCH 900.
Il fut un temps où le futur possesseur d’harley-davidson, surtout si c’était un Sportster, se rendait directement du concessionnaire aux marchands d’accessoires. Réservoirs, selles à étage, rallonges de fourche, pots, filtre à air étaient commandés aux États-unis. Une Sportster se devait d’être customisée : rouler d’origine n’était pas envisageable. Style, saveur et performances diffèrent donc d’une moto à l’autre. Résultat des courses, aujourd’hui, il est bien difficile de trouver une moto d’origine car si, par hasard, le premier propriétaire du début des années 70 avait résisté aux sirènes de l’after- market, les propriétaires suivants se chargeaient, eux, de mettre le V-twin américain à leur sauce. Quelle surprise et quelle joie, donc, lorsque nous avons rencontré Thomas Morian, propriétaire d’une XLCH de 1971, identique à ce qu’elle était lorsqu’elle est sortie des chaînes de l’usine de Milwaukee ! Du coup, on n’a pas pu s’empêcher de lui emprunter pour voir ce que ça faisait d’être l’un des rares motards qui avaient fait le choix, à l’époque, d’une coûteuse, lourde et lente américaine à la place, au hasard, d’une Honda CB 750. C’est en 1957 qu’apparut la première XL Sportster. L’idée était clairement de faire concurrence aux anglaises. C’est à cette période que la moto abandonne ses habits utilitaires pour devenir un engin de loisir. Les clients potentiels désirent alors des véhicules plus petits, plus légers et plus rapides. En clair, plus sportifs car, avant la Sportster, Harley n’avait rien à offrir de léger et rapide. Grâce à son moteur de 883 cm3 (ou 55 cubic inches comme les Américains ont l’habitude de dire), son poids de 220 kg et une puissance honnête – cependant inférieure aux 58 chevaux annoncés –, elle n’était peut-être pas à même de contrer les british les plus sveltes mais
pour une Harley, c’était déjà un vrai bouleversement, surtout pour la fin des années 50. Le problème, c’est que la firme de Milwaukee n’a pas modernisé la Sportster avant 1986, soit quasiment trente ans après sa présentation. Et lorsqu’elle a finalement été modifiée, on ne peut pas dire qu’il y ait eu de quoi en écrire un livre : le seul changement, ce sont en effet les cylindres et les culasses en acier qui ont été remplacés par des modèles en aluminium. Alors, qui pouvait bien vouloir d’une Sportster en 1971 quand on trouvait, chez les concurrents, tant de motos de meilleure facture, qui plus est pour moins cher ? Peu de clients en réalité puisque seuls 10 000 d’entre eux ont jeté leur dévolu sur cette Harley. Pour ces derniers, nul doute que les carences en performance étaient largement compensées par l’aura de la marque. 10 000, pour info, c’est beaucoup moins que le nombre de CB 750 vendues la même année. Le modèle que nous avons la chance d’essayer ici est bleu et blanc et est appelé XLCH. Avant la mise en production de sa moto, le client pouvait choisir entre la XLH mieux équipée et la XLCH, plus simple, plus brute. Ces deux versions ne présentaient pas de différences significatives. Pourtant, avec son gros réservoir et sa selle double, il serait facile d’affirmer que la moto de Thomas est bien une XLH. Sauf que les numéros de cadre et de moteur révèlent une autre identité : l’inscription initiale 4A signifie XLCH et la terminaison H1 certifie qu’il s’agit d’un modèle 1971.
Un seul avertissement : « Amuse-toi ! »
Selon la documentation, une XLCH avait un cadre un peu plus étroit, un guidon plus haut, une garde au sol un peu plus importante et un pignon de 19 dents (au lieu de 20) pour des accélérations plus franches. L’idée, typiquement américaine, était de permettre au client de choisir dans un large éventail d’options mais au final, la démarche brouille un peu les pistes. Bon, quoi qu’il en soit, il s’agit bien d’une XLCH et c’est tout ce qui nous importe. Lorsque Thomas me tend les clefs de sa machine, il ne m’adresse qu’un seul avertissement : « Amuse-toi ! » Au lieu de ça, je commence par observer la machine une partie de la soirée en attendant que le soleil disparaisse lentement au-dessus des toits. Les Harley produites au début des années 70 sont un peu étranges : la plupart des pièces sont plutôt belles lorsqu’on les isole, mais elles ne se marient pas harmonieusement entre elles. Le réservoir d’essence est magnifiquement sculpté avec une très belle peinture deux tons mais une fois monté sur cette moto étroite, il est trop large et fait disparaître l’impressionnant V-twin. Le moteur, à l’origine une très belle pièce, a été équipé au fil des années de nombreux éléments censés l’améliorer. L’encombrant démarreur prend place sur la gauche dans le carter de transmission primaire qui, du coup,
a pris de l’embonpoint. La magnéto qui équipe normalement cette XLCH a été remplacée par un allumage à rupteurs qui, lui, est caché du côté droit. La selle blanche est à la fois confortable et stylée mais elle casse la ligne générale et donne un aspect vieillot à l’ensemble : « Je l’ai achetée sur Ebay, nous explique son propriétaire. C’est un Canadien qui la vendait mais il avait oublié d’en demander un prix minimum. J’ai offert 15 dollars et ce fut la plus haute enchère. Malgré ses protestations, il me l’a vendue et il s’avère que c’est une option du catalogue 71. » Thomas a acheté sa Sportster chez AC Cycle à Karlstad (Suède) il y a quelques années, mais il a passé pas moins de cinq ans à la restaurer. Il ne s’agissait pas que d’améliorer l’aspect esthétique ; la mécanique aussi a été soignée, en particulier la boîte de vitesses, qui est tout bonnement impressionnante. Il est temps de juger du travail fourni. On enclenche le bouton du démarreur : la moto de Thomas répond à la première sollicitation.
Il y a de la magie dans ces vieilles Harley-davidson...
Le kick, lui, n’est là qu’en cas d’urgence. Quelques coups de gaz et vous comprendrez pourquoi tant de personnes sont attirées par le mythe américain. C’est bruyant, ça grogne, ça gronde, ça vibre et ça bouge. On appelle ça une moto vivante, et la sensation est encore plus forte lorsque vous enfourchez la bête. Malheureusement, la plupart de ces sensations disparaissent à son guidon : la faute aux vibrations transmises façon marteau-piqueur. La puissance maxi de 58 chevaux arrive normalement à 6 800 tr/min mais je n’oserais jamais aller si haut en régime ; il faut prendre soin de la mécanique… Du coup, oubliez les records de vitesse. D’autant que les freins sont inexistants ; le tambour simple came est une plaisanterie ! Mais la force de Harley-davidson est ailleurs : dans cette sensation unique et difficile à expliquer qui fait qu’on est à son aise, et que l’on se sent bien, tout simplement. Une sensation qui est peut-être le fruit d’un siècle de travail de l’usine de Milwaukee. À moins que ce ne soit la simplicité unique de cette machine qui fasse que l’on s’y attache si vite et si fort. On vibre avec le moteur et on imagine la course des pistons. Il y a de la magie dans ces vieilles Harley... Difficile, une fois qu’on y a goûté, de revenir en arrière. ❖
C’EST BRUYANT, ÇA GROGNE, ÇA GRONDE, ÇA VIBRE ET ÇA BOUGE. ON APPELLE ÇA UNE MOTO VIVANTE