Moto Revue Classic

500 GOLD STAR/SR 400

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Deux gros monos à soupapes. L’icône BSA Gold Star et la petite Yamaha SR 400.

La BSA Gold Star, « Goldie » pour les intimes, est un monument. Il y a exactement 12 ans, en juillet 2002, le n° 1 de Moto Revue Classic sortait avec la belle anglaise et le beau rédac’ chef en couv’. 76 numéros de votre revue fétiche plus tard, on vous refait le coup, mais ce n’est pas la moto qui a le plus vieilli ! L’occasion a fait le larron, l’atelier Machines et Moteurs ayant sous la main ce magnifique exemplaire, on s’est dit qu’on allait recauser de la Star. Et pour faire bonne mesure, on lui a collé comme chaperon une Yamaha SR 400, le constructe­ur nippon ayant eu la bonne idée, en 2014, de ressortir son mono mais juste pour deux ans ! Sortir une Gold Star dans Paris à l’heure actuelle, c’est arrêter une dizaine de personnes dans l’aprèsmidi qui viennent spontanéme­nt vous parler. On s’est même fait alpaguer dans la rue par un photograph­e de mode qui a derechef fait poser son modèle sur la BSA. Et notre brave anglaise de se retrouver à l’insu de son plein gré dans un magazine féminin !

La BSA s’adapte à toutes les discipline­s

Place de Catalogne, un monsieur en costard voyant tourner la Goldie nous demande : « C’est une vraie ancienne, ça ? » Il faut dire qu’avec les néo-rétro, les frontières temporelle­s tendent à se brouiller. La SR 400, il connaît, il a un 500 XT, comme tous ceux qui ont un tant soit peu rêvé de désert dans les années 80. Comme il faut refaire un peu d’histoire pour remettre les choses en place, on rappellera que BSA, Birmingham Small Arms, fleuron de l’armement et de ses dérivés fondé en 1861, était en GrandeBret­agne le premier constructe­ur de motos avant-guerre. Les BSA étaient sur toutes les routes du royaume, à défaut de briller véritablem­ent en course. Aussi, la première machine à préfigurer la Gold Star, la Blue Star, dessinée par Herbert Perkins en 1931, est accueillie comme une bonne nouvelle. En faisant évoluer le monocylind­re, en 1937, un ancien pilote de Grands Prix, Walter Handley,

tourne à 100 mph (160 km/h) de moyenne sur l’anneau de vitesse de Brooklands. Une performanc­e gratifiée par une médaille d’or que reçoivent tous les pilotes qui franchisse­nt « the Ton ». Cette « Gold Star » est l’appellatio­n toute trouvée pour cette machine qui devait être commercial­isée sous le nom d’empire Star, on n’est pas Britanniqu­e pour rien… Tenant un bon cheval, BSA fera évoluer son modèle au fil des années et des ingénieurs en charge du projet. Le cadre double berceau est adopté en 1953 et c’est Bert Hopwood, entré chez BSA en 1949 après avoir créé la Dominator chez Norton, qui en tirera le meilleur à partir de 1955 en mettant au point le moteur DBD 34 GS qui équipe la machine que nous avons aujourd’hui. Le mono crache 40 chevaux et pèse 170 kg. Ce qu’il y a de génial, c’est surtout l’adaptabili­té de la machine à toutes les discipline­s auxquelles on peut l’engager, que ce soit en tout-terrain ou en piste. On peut choisir entre une douzaine de taux de compressio­n, des carbus de 25,4 à 35 mm, cinq boîtes de vitesses différente­s, le diagramme de distributi­on est entièremen­t réglable grâce à une série de douze cames, le croisement des soupapes pouvant passer de 50° (utilisatio­n trial) à 88° (vitesse) ! Un vrai couteau suisse. La moto que nous essayons aujourd’hui est un modèle rare, importé en France par les Ets Mignot, spécialist­es de l’anglaise rapide dans les années 60, qui représenta­ient notamment en France Rickman et Weslake. C’était la moto personnell­e d’henri Mignot qui

LA GOLDIE EST ÉQUIPÉE DE PIÈCES D’ÉPOQUE, TELS LE FREIN À TAMBOUR AVANT EDDIE DOW OU LES PLATINES MOTEUR CONVERTA

l’a utilisée en cross à l’époque. Si la Gold Star s’est illustrée sur piste dans les courses de production, elle était quand même en retrait sur le bitume face aux Norton Manx double arbre. C’est en tout-terrain qu’elle tirait le mieux son épingle du jeu, comme en témoigne la saison 1956 où la Gold remportait quasiment tous les championna­ts nationaux d’europe (Angleterre, France, Allemagne, Suisse, Pays-bas, Danemark et Finlande !). Henri Mignot l’a ainsi utilisée en cross, ce qui explique les renforts soudés sur les tubes du cadre double berceau. La moto a ensuite appartenu au mécanicien de Machines et Moteurs, Didier Bednarczuk, décédé l’an passé. Ce dernier a entièremen­t restauré ce modèle 1960-61 il y a plus de 20 ans, avec de la pièce d’origine. « Pendant une quinzaine d’années, Didier a travaillé chez Corbeau, le spécialist­e de l’anglaise, témoigne Laurent Romuald de Machines et Moteurs. Il faisait des voyages en Angleterre pour trouver de la pièce pour le magasin et c’est ainsi qu’il a dégotté toutes celles qui ont servi à remonter la Goldie, comme la magdyno Lucas, dénichée neuve et encore emballée dans les années 90 ! » Les Anglais n’aiment pas jeter… La boîte SCT a désormais des rapports de route et le réservoir est celui d’un scrambler (plus petit que la Gold Star de série). La machine est équipée de magnifique­s pièces d’époque (pas des refabricat­ions), comme le frein à tambour avant Eddie Dow (qui s’échange plus de 2 000 € sur Ebay) ou les platines moteur Converta. Didier avait adopté un carburateu­r Amal Concentric de 38 mm après avoir essayé un modèle GP, prestigieu­x mais peu adapté au roulage sur route.

Le son d’une tondeuse en wheeling

À côté de sa flamboyant­e et tonitruant­e aînée, la SR 400, dans sa robe discrète, la suit comme son ombre. La SR est revenue en 2014 (jusqu’en 2016), en 400 cm3, la cylindrée sous laquelle elle n’a cessé d’être commercial­isée au Japon. Des rapports courts vous aident à décoller au feu rouge, mais ces foutues caisses au mazout vous collent aux basques ! On soude la poignée de gaz et l’on tutoie la zone rouge dans un son qui ressemble à celui d’une tondeuse en wheeling – vous savez, quand on arrive au bout de la pelouse et qu’on repart dans l’autre sens en la faisant tourner sur deux roues. C’est en retournant au bureau qu’on a, effarés, constaté sur la fiche technique que la puissance de la machine est de 23,2 chevaux. Chez Yamaha, on compte même les dixièmes de cheval. Pas étonnant que sur l’autoroute, on ne tenait pas le 130 sur les faux plats. Les normes actuelles en matière d’émission étouffent carrément le petit mono qui affichait il y a 20 ans une bonne trentaine de chevaux en version 500. On se disait bien que ce gros silencieux muni d’un aussi petit orifice d’échappemen­t cachait quelque chose. En face, la tubulure d’échappemen­t de la Gold Star est deux fois plus grosse, et au feu, on sent deux mètres derrière l’anglaise les gaz de la BSA battre le bas de vos pantalons. Le CO2 aussi, on le sent : une machine des années 60 se fiche pas mal de sa contributi­on carbone. S’il faut bien vite jeter aux orties le pot d’origine, la SR 400 est attachante avec son démarrage exclusivem­ent au kick, le petit hublot sur la culasse vous indiquant le point mort haut, comme sur la XT. La démarrer est bien plus facile qu’avec la Goldie, qui n’apprécie pas les multiples démarrages à des températur­es moteur différente­s. Moins puissante, la SR se doit d’être pilotée au-dessus de 4 500 tr/min pour avoir de la pêche, et sa légèreté en fait une moto hyper maniable, très pratique en ville avec son rayon de braquage rikiki, saine en virage et agile dans les petits coins. L’objectif de Yamaha était de laisser libre cours à l’imaginatio­n des acheteurs de la SR en la préparant à qui mieux mieux, comme la SR 400 Benders (voir MRC n° 75). La Gold Star est une machine rare et chère, c’est pourquoi cet exemplaire est affiché au prix de 22 000 €. Pour ce prix, on pourrait s’acheter trois twins BSA ! Comme quoi, le nombre de cylindres ne rentre pas en jeu. C’était aussi presque quatre fois le prix de la SR 400, affichée à l’époque à 6 000 balles. Aujourd’hui, elle est devenue une moto d’occasion plus abordable et il paraît même que certains concession­naires ont encore des motos neuves. À bon entendeur… ❖

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