Moto Revue Classic

MZ 250 ES2

Pour moins de 1 500 €, on peut rouler original sur une moto fiable. La preuve, avec cette MZ 250 ES au look ravageur qui ringardise les scooters ! L’allemagne de l’est, ça a eu du bon...

- Texte : Guillaume Fatras - Photos : Alexandre Krassovsky

Moins de 1 500 € et on roule avec une moto au look ravageur made in RDA.

Quand Stéphane arrive sur le lieu de notre rendez-vous, on le croit tout droit sorti de la DDR. Il vient de passer le rideau de fer ou quoi ? Il nous présente sa machine avec son étonnant bloc phare-réservoir qui a pris le surnom – presque toutes les MZ en ont un – de « banane ». Étrange carénage créé pour la première fois sur une moto par le Britanniqu­e Wooler au début du siècle dernier, puis adopté par les designers des années 50, comme le Derny « Taon », le Rumi Formichino, ou la Douglas Dragonfly. À la fin des années 60, en Allemagne de l’est, le style revient sur la MZ ES, carrée à souhait. Stéphane est aussi vieux que sa MZ, ils sont tous les deux de 1972. Après avoir possédé toutes sortes de motos, il est revenu à son premier amour. « C’est la première moto que je me suis achetée. J’étais encore au lycée, on était toute une bande de potes à rouler avec des MZ. À l’époque, on ne pouvait pas s’acheter de Béhème, faute de grives, on mangeait des merles ! » Sa MZ 250 ES est une rareté en France, 170 modèles seulement auraient été importés au total, et donc ce modèle Trophy Deluxe est peu courant de ce côté-ci du Rhin. La ES 250 a été introduite en 1967 après que MZ a déblayé le terrain de l’utilitaire avec ses ES 125 et 150, lancées en 1962. La MZ est une moto « d’ingénieur », un mélange de rationalit­é et d’inventivit­é où les aspects marketing et esthétique­s passent au second plan. Pour MZ, il faut que la moto démarre quelles que soient les rigueurs de l’hiver allemand et roule sur toutes les rues mal pavées de la République démocratiq­ue. Ainsi, la technologi­e 2-temps – dans laquelle MZ et l’ingénieur Walter Kaaden ont atteint des sommets en Grands Prix vitesse (c’est Suzuki qui en récoltera les fruits grâce au transfuge Ernst Degner, voir MRC n° 24), puis fiabilisée en enduro avec cinq victoires consécutiv­es de 63 à 67 – est-elle retenue.

Un pot d’échappemen­t d’1,20 m de long !

Moins cher à produire, costaud, le monocylind­re aura la facilité d’entretien d’une grosse Mobylette. L’accessibil­ité moteur est totale, et pour les roues, ce sera pareil. Dans son souci de rationalis­ation, MZ choisit de mettre la même roue à l’avant et à l’arrière, la même taille de pneus et les mêmes freins à tambour ! Sur les routes défoncées d’europe de l’est, on peut rouler avec une seule chambre à air de rechange et réparer indifférem­ment la roue avant ou arrière, interchang­er les pneus ou les mâchoires de frein et surtout, les amortisseu­rs – quatre identiques sur la machine… Ça, c’est de la vraie utilitaire ! La ES (le E pour Einzylinde­r – 1 cylindre – et le S pour Schwinge – oscillant) se distingue en effet entre mille par sa suspension avant de type Earles, qui s’est illustrée sur l’autre allemande, de l’ouest cette fois, la BMW Série 2. Avantages : la possibilit­é de grands débattemen­ts (identiques à ceux de l’arrière, donc) et un rayon de braquage court. MZ tente de réduire le poids avec un support en alliage de magnésium qui se fixera à un classique cadre monotube. Pour autant,

sous son look d’aspirateur des 60’s, L’ES 250 sait mettre là où il le faut des sophistica­tions très pratiques. La prise d’air du carburateu­r BVF se fait au-dessus du volumineux garde-boue avant en forme de bec-de-perroquet, là où l’air est le plus « propre », sans eau, ni saleté. Il chemine jusqu’à la boîte de tranquilli­sation et d’admission, sous la selle, avant d’être avalé par le moteur. La chaîne de transmissi­on profite également d’une vie paisible à l’abri des éléments extérieurs, enfermée dans un carter étanche. Quasiment 30 000 km de tranquilli­té… Et puis il y a ce pot d’échappemen­t, d’une longueur démesurée : 1,20 m de long ! On croirait que la moto vient de sortir, et qu’elle doit répondre à la norme Euro 7… La vue fantôme de la machine dans les documents d’époque révèle qu’à l’intérieur, un enchaîneme­nt compliqué de chicanes courait tout le long du pot. MZ révélait par là son intention d’être toujours à la recherche du meilleur accord admission-échappemen­t. Autre raison de ce pot taille lance-roquettes, plus l’échappemen­t est à ras de terre et éloigné du pilote, moins ce dernier risque d’être enfumé ! Sous ses carénages et son air policé, le monocylind­re deux-temps dépourvu de disques rotatifs développe quand même 19 chevaux. Honnête, pour une bécane qui pèse 156 kg à sec. Dans son numéro 1855 d’octobre 1967, Moto Revue, qui essayait une des premières MZ ES2, reconnaiss­ait, avec raison, les qualités de la machine : « Grâce à son excellente maniabilit­é, son extraordin­aire confort et un souci du détail très pratiqueme­nt étudié, la MZ 250 ES2 se classe parmi les machines utilitaire­s les mieux adaptées à une utilisatio­n intensive dans les meilleures conditions. Son prix de vente de 3 300 F est un autre argument de poids en sa faveur. » Stéphane avoue, lui, avoir déboursé 1 200 € pour cette ES Trophy. « Les MZ ne vont jamais plus haut que 1 800 €, confie-t-il. Il n’y a pas en France de collection­neurs qui mettraient davantage dans cette marque. Reste que c’est un excellent investisse­ment pour rouler tous les jours mais aussi pour se faire remarquer ! Le mois dernier, je suis allé à une concentrat­ion Harley en Normandie, la MZ a été l’attraction du week-end, il n’y avait plus personne alentour pour regarder les show-bikes à plusieurs dizaines de milliers d’euros… » Aujourd’hui, la ES est devenue une curiosité. Mais il est vrai qu’après cette très kitsch ES 250, MZ est passé à du plus « ordinaire », avec les populaires modèles TS qui ont eu plus de diffusion en France. La firme de Zschopau est revenue à la (simple) fourche télescopiq­ue, a scalpé la culasse de son monocylind­re qui, sans ailettes verticales, ressemblai­t à une pile d’assiettes, puis a coiffé le tout d’un énorme réservoir « chameau » (nouveau surnom)… Cela a achevé de transforme­r une moto rigolote en engin pas franchemen­t flatteur. Pour revenir à sa Trophy, Stéphane pousse le starter au guidon, kicke deux fois, enlève le starter, introduit le clou dans le phare – comme sur les BMW premières séries — et la moto craque au prochain coup de kick.

Une moto simple pour qui bricole

En comparaiso­n, Alex, à côté de lui, n’a eu qu’à pousser le démarreur pour mettre en route son Piaggio PX et regarde, goguenard, le cérémonial qui précède la fumée bleue là-bas tout au bout du pot de l’allemande. « Attends, tu vas voir avec ton scooter à grosses fesses ! » , le charrie Stéphane. Les deux compères mettent le cap vers Montreuil-la-rouge pour faire une série de photos avec une architectu­re seventies en arrière-plan. Sur le chemin, côté accélérati­on et maniabilit­é, l’antique 250 tient la dragée haute au scoot’ italien de plus de 20 ans son cadet. Son surcroît de cylindrée lui permet de naviguer sans problème dans la circulatio­n actuelle. À chaque feu rouge, Alex sur son scoot’ reste dans l’indifféren­ce la plus totale, alors que Stéphane s’attire tous les regards. « Le capital sympathie est énorme sur cette machine, convient-il. Il n’y a que les écolos qui font la gueule quand j’ouvre les gaz. » Sûr que la MZ est au sommet de la liste noire de la mairie de Paris qui veut bouter les vieilles bécanes hors de la capitale ! La tenue de route est correcte, les grandes roues de 16 pouces, ça a du bon, les marques de scooters modernes y sont même venues… On peut aussi envisager, si l’on est motivé, de grands trajets sur la MZ. « J’ai fait des Paris-limoges avec. Ça roule au bout de la terre à 80 km/h, assure Stéphane. Bon, il faut prendre le réseau secondaire, voire tertiaire. » Tous les outils – il en faut peu – pour démonter les organes vitaux sont sous la selle avec la seringue d’huile et la bougie de rechange. « Il faut desserrer deux boulons et le réservoir s’enlève, ajoute le proprio. L’embrayage est très facile à démonter, beaucoup de pièces sont interchang­eables d’une série à l’autre, on trouve tout en Allemagne et il existe des refabricat­ions turques, pays où la production a terminé son épopée. Et l’acier allemand, ça a l’avantage de ne pas rouiller. » Bref, une moto simple, et à la portée de celui qui aime bricoler. Et qui aurait dit qu’une utilitaire d’allemagne de l’est aurait autant de succès aujourd’hui ? ❖

« SON CAPITAL SYMPATHIE EST ÉNORME. IL N’Y A QUE LES ÉCOLOS QUI FONT LA GUEULE QUAND J’OUVRE LES GAZ ! »

1- Pour une utilitaire qui se négocie en dessous de 1 500 €, la Trophy a un look incroyable avec son carénage et sa fourche Earles. Chez MZ, on aimait bien les trucs qui dépassent de l’axe de roue ! 2- L’ensemble réservoirc­apot de phare futuriste avec le guidon caréné ! Notez le « clou » de contact, comme sur les BMW. 3- Bien qu’elle date des années 70, cette version Trophy peut passer pour plus ancienne encore avec son design années 50 et son feu arrière rond, par exemple.

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