CHRONIQUE BOURGEOIS
PISTON ROTATIF
Boubou a pu essayer tous les modèles de série à moteur rotatif. Il nous en parle.
Le moteur à piston rotatif, tentative d’amélioration du moteur quatretemps traditionnel, aura tenté une percée dans la moto des années 1970, suivant en cela son introduction dans le domaine automobile où il aura connu toutefois plus de réussite. En tant qu’essayeur à Moto Revue, j’ai eu la possibilité de poser mes fesses sur la quasi-totalité des motos à moteur à piston rotatif. La première fut l’hercules W2000 en 1972 lors d’un voyage au siège, à Nuremberg. La moto était très belle avec sa livrée jaune et son moteur de 294 cm3 (qui développait 32 chevaux à 6 500 tr/min), en forme de turbine, ajoutait au côté futuriste de la bête. La partie-cycle était réduite et compacte, proche de celle d’une 125 cm3. Le moteur, monorotor, refroidi par air, générait un bruit de turbine très sympa et aussi un léger couple de renversement. La progressivité était exceptionnelle et le régime ne semblait jamais s’arrêter. Le passage des vitesses se faisait en douceur et ralentissait à peine l’accélération. Une petite journée dans Nuremberg et ses environs aura suffi à me convaincre. L’hercules W2000 sera commercialisée en 1974, dans un très beau rouge et 1 800 exemplaires seront produits. La Suzuki RE5 était certainement la moto à moteur à piston rotatif la plus aboutie. La marque d’hamamatsu avait repris pour base la GT 750 et y avait logé un birotor, refroidi par eau, placé longitudinalement et très haut dans le cadre. Avant d’en prendre possession au siège de l’importateur Suzuki, je me remémore les paroles de l’essayeur de la marque, Jack Findlay, avec son accent caractéristique : « Christian, fais attention la chose est bizarre et ne veut pas tourner… » Doux euphémisme car Findlay, lors des premiers kilomètres à son guidon, s’était fait surprendre dans une bretelle d’autoroute et avait tiré tout droit, dans le décor ! La RE5 est une très belle moto, à la finition exemplaire et dotée d’un tableau de bord futuriste. En selle, j’ai l’impression d’être sur une GT 750 mais le moteur, très feutré, émet un bruit de turbine. La puissance est bien au rendez-vous mais au premier virage, je me souviens des conseils de Jack. Effectivement, en raison de l’effet gyroscopique du birotor et du centre de gravité situé très haut, la moto ne veut pas tourner et il faut vraiment forcer sur le guidon et les repose-pieds. Plus la vitesse est grande et le régime élevé, plus le phénomène s’amplifie… Bref, cette moto était dangereuse. Pourtant, hormis cette caractéristique, la RE5 est très agréable et Suzuki en écoulera 7 000 exemplaires. Alors que l’industrie moto britannique commence à battre de l’aile, Triumph, à peine la Trident 750 commercialisée, plancha sur un projet de machine à moteur rotatif. J’ai été convié à l’usine de Meriden par le patron de l’époque. La réception fut grandiose. J’ai encore en mémoire le déjeuner royal, au « Dirty duck » à Stratford-upon-avon. La moto était un pur prototype avec une partie-cycle de Trident. Le birotor était monté très bas dans le cadre et basculé vers l’avant. Dès les premiers mètres, l’impression de puissance était bluffante, bien supérieure à celle de la « trois pattes ». De plus, l’échappement étant presque libre, le bruit prenait aux tripes mais les réglages de carburation n’ayant pas été le souci premier des ingénieurs, la bête dégageait une fumée noire. Cependant, le projet ne verra jamais le jour. Pour faire le lien avec nos amis britanniques, Norton, qui avait racheté la licence et l’outillage d’hercules, reprendra le concept beaucoup plus tard, avec en point d’orgue, la victoire de Steve Hislop au Tourist Trophy 91. Cette moto remporta aussi le championnat britannique Superbike et le concept accouchera d’un modèle de série, la F1 (voir MR Classic 20H). Pour boucler la boucle, j’ai aussi roulé sur la Van Veen en 1976. Connaissant bien Van Veen qui faisait courir des 50 cm3 en Grands Prix, je fis le tour de son atelier avec un prototype dans la banlieue d’amsterdam (voir MR Classic 21H). Aujourd’hui, le phénix pourrait renaître de ses cendres : grâce à l’évolution des technologies, associé à un moteur électrique, cela pourrait déboucher sur une motorisation hybride fort intéressante. ❖
« JACK FINDLAY S’ÉTAIT FAIT SURPRENDRE DANS UNE BRETELLE D’AUTOROUTE ET AVAIT TIRÉ TOUT DROIT, DANS LE DÉCOR ! »