LES PROTOTYPES
Difficile d’être sûr à 100 % des origines exactes de la CB 750. Plusieurs histoires circulent et peu de témoins peuvent encore les valider. On s’est replongé dans les dossiers.
Avant la CB 750 K0, 6 phases de prototypage ont vu le jour. On décrypte !
D e nombreuses histoires circulent sur la genèse de la CB 750. Certains disent que Soichiro Honda lui-même avait compris que sa société devait fabriquer une moto beaucoup plus grosse lors d’un voyage en Europe où il aurait vu un policier à moto sur une Triumph. « Qu’est-ceque c’est que cette petite Triumph ?», se serait-il alors demandé, jusqu’à ce qu’il réalise que ce n’était pas la moto qui était petite, mais le flic qui était bien plus grand que n’importe quel pilote japonais. Chez Honda USA, on aime attribuer la paternité de l’affaire à Bob Hansen, qui dirigeait alors le programme de formation à la maintenance pour American Honda ainsi qu’une équipe de course quasi officielle (la victoire de Daytona 70, c’est lui). C’était surtout le premier étranger à avoir réellement gagné la confiance de la direction de Honda. L’histoire raconte que Hansen, s’étant rendu au Japon pour des réunions avec le boss, s’était vu refuser l’entrée dans une zone de Recherche et Développement de l’usine pour cause de « moteur secret » développé alors. Plus tard, il aurait posé des questions sur le projet lors d’un déjeuner avec Soichiro Honda. Ce dernier aurait souri et déclaré qu’ils travaillaient en effet sur
«la reine des motocyclettes» . Hansen savait que Honda
HARADA NE REÇOIT FINALEMENT LE FEU VERT POUR CONSTRUIRE UN MOTEUR 4-TEMPS QU’EN FÉVRIER 1968 !
disposait d’un moteur auto bicylindre de 600 cm³ et craignait que la marque n’envisage de l’utiliser comme concurrent du bloc de la Bonneville. Mais il savait aussi que Triumph et BSA disposaient d’un 3-cylindres de 750 cm3 prêt à fonctionner. Si ce dernier n’était pas commercialisé, c’est parce que les chaînes de Triumph fonctionnaient déjà à plein régime pour fournir le marché américain de toutes ses Bonneville. Hansen aurait alors déclaré à Soichiro Honda : «Il vaudrait mieux que ce ne soit pas un twin !» Ce à quoi le
Japonais répondit : « Pourquoi dites-vous cela ?» Hansen, qui avait le pressentiment que les trois-cylindres britanniques allaient bientôt débouler sur le marché, se serait alors permis cette remarque audacieuse : «Ce devrait être un quatrecylindres ! » Soichiro Honda
hocha la tête et déclara alors : «Nous avons une grande expérience dans la fabrication de moteurs quatre-cylindres pour la course. » Hmm… Alors oui, d’une certaine manière, Hansen a dû influencer la conception du projet, mais la personne la plus en phase avec cette CB 750 reste Yoshiro Harada (voir p. précédentes), un ingénieur senior, fidèle parmi les fidèles de Soichiro Honda et concepteur du bicylindre CB 450. Harada a d’ailleurs effectué une tournée aux États-unis en 1967 dans l’espoir d’inciter les concessionnaires de la marque à vendre davantage de CB 450. Et ce sont ces revendeurs US qui ont influencé Harada. Ils le convainquirent que les Américains souhaitaient plus de couple que de puissance. Qu’ils voulaient une grosse moto. Harada, qui a traversé l’amérique lors de ce long voyage en voiture, est rentré au Japon, convaincu que, même si la CB 450 était taillée pour les marchés japonais et européens, ses dealers US avaient raison. Pour eux, il allait devoir réinventer la moto et voir plus grand… Harada n’a en fait obtenu l’autorisation de développer un nouveau moteur à 4 cylindres qu’en février 1968. À l’époque, BSA avait déjà lancé une chaîne de montage du 3-cylindres 750 dans son usine de Small Heath. Mais Honda avait investi dans les ordinateurs et le « projet secret » de Harada utilisait plus que jamais auparavant la conception assistée par ordinateur, ce qui a accéléré le processus. L’équipe de base était petite. Une vingtaine de personnes travaillaient à plein-temps sur le « Projet 300 ». Le cahier des charges de Harada était cependant assez vaste : - 1 moteur à 4-cylindres évoquant la compétition et les pilotes de GP Honda. - 1 vitesse de croisière stable et fiable pouvant aller jusqu’à 100 miles à l’heure. - Des freins capables d’arrêter la moto rapidement et de manière répétée à des vitesses élevées. - Des vibrations et bruits minimaux afin de réduire la fatigue du pilote. - 1 ergonomie confortable. - Des normes de qualité améliorées pour l’éclairage, le tableau de bord et toutes les commandes. - Des périodes d’entretien espacées. - Un tarif abordable pour produire en masse. En 6 mois, l’équipe de Yoshiro Harada avait son 4-cylindres, qui avait été testé dans une partie-cycle de CB 450. On connaît la suite. ✦