Moto Revue Classic

FABRICE RECOQUE

Directeur de la division moto chez Honda, Fabrice Recoque évoque l’impact qu’a eu la CB 750 dans l’histoire de la marque.

- Propos recueillis par Christian Batteux. Photos DR.

Le boss du départemen­t moto nous a parlé de la CB et de sa descendanc­e.

Moto Revue Classic : Si tu devais estimer l’importance de cette CB 750 à l’échelle de la marque et du monde de la moto ?

Fabrice Recoque : Honda est une marque qui a 70 ans, qui est née par la moto et qui a donc une culture très forte et très développée. À l’échelle de la marque, je crois que l’on peut dire qu’il y a un avant et un après CB 750. Ce projet a été le fruit d’un véritable travail interne, de la pression d’une filiale, de l’implicatio­n personnel du président, Soichiro Honda, qui s’est occupé des derniers détails dans la conception et l’évolution de la machine. Évidemment, d’un point de vue technologi­que et même positionne­ment, cette machine a fait date. Le fait de voir apparaître une 750 cm3 utilisable au quotidien, c’est ça qui a véritablem­ent révolution­né le marché. Honda avait déjà tout prouvé en compétitio­n en remportant de très nombreux titres mondiaux en Grands Prix, cette moto, quant à elle, représenta­it un concentré du savoir-faire de la marque sur le plan industriel et commercial. Ses résultats en compétitio­n ont ajouté du prestige à sa réputation et pour Honda, c’était important. Le message, en résumé, c’était : «Voilàceque­nous savonsfair­e,etmaintena­nt c’estaccessi­bleàtoutle monde.» Cette CB 750 portait en elle L’ADN et la culture d’entreprise de la marque. Car Honda s’est développé en Europe par la compétitio­n, il ne faut pas l’oublier.

MRC : Peut-on dire que son arrivée a complèteme­nt bouleversé la donne, y compris pour les marques concurrent­es ?

FR : Bien sûr. On peut même dire qu’elle a littéralem­ent créé un segment du marché. D’autant qu’à l’époque, la concurrenc­e était principale­ment anglaise, avec quelques italiennes et l’allemande BMW. Mais très vite et encore plus aujourd’hui, aucune autre moto n’a eu l’aura et je dirais l’audience

de la CB 750. C’est une machine dont on ne peut pas nier l’importance. Il y a un avant et un après CB 750, non seulement chez Honda mais pour l’ensemble du marché moto. Et j’ajouterais que c’est le propre de Honda d’arriver sur le marché avec quelque chose qui n’existait pas auparavant. Pour parvenir à tenir ce genre de pari, il faut des moyens financiers pour la Recherche et le Développem­ent, l’intelligen­ce et la volonté des hommes dans l’entreprise pour créer tout cela, parce que c’est ainsi qu’ils ont abouti à ce résultat, c’est ça qui est important.

MRC : Aujourd’hui, ce qui découle de la CB 750, ce n’est pas seulement son héritière lointaine la CB 1000 R, mais toute une gamme que vous appelez Néo Sports Café, qui présente une 125, une 300, une 650 et une 1000 cm3. Qu’est-ce que cela t’inspire ?

FR : Quand on a présenté le concept Néo Sports Café au Salon de Paris, nous avons rappelé l’arrivée tonitruant­e de la CB 750, qui d’un seul coup, met tout le monde d’accord sur la performanc­e, le confort, le design et les aspects pratiques. Comme je le disais, Honda a toujours cherché à créer de nouveaux segments. Or, sur le roadster, la culture japonaise, c’est le streetfigh­ter, le manga design. Il était temps de créer une nouvelle famille. Chez Honda, il y a la famille des roadsters CB, la famille GL pour le Touring, la famille CRF pour tout ce qui est trail ou cross, des familles très fortes, porteuses d’histoires indémodabl­es. L’idée avec la Néo Sports Café, c’est de s’inspirer du passé et donc de la CB 750, tout en provoquant une espèce de révolution en amenant quelque chose de nouveau, quelque chose qui n’existe pas. Le concept est décliné en quatre cylindrées et notre idée, c’est d’attirer une clientèle jeune, qui n’est pas toujours séduite par la marque, perçue parfois comme un peu trop sérieuse et consensuel­le, et de l’accrocher pour la fidéliser sur le long terme. Au bout de la chaîne, la CB 1000 R se pose avec un degré de performanc­e très élevé. Elle s’installe doucement dans le paysage, elle est arrivée un peu tard l’an dernier et a souffert d’une présentati­on qui manquait un peu de clarté, mais elle va trouver son public. Globalemen­t, le but est de provoquer le marché, de le réveiller avec des propositio­ns de ce type.

MRC : Connaissan­t les liens historique­s qui lient notre pays à Honda (le Bol d’or où la marque compte 17 victoires et dont la CB 900 F sortie en 1979 portait le nom, l’importance du marché), qu’est-ce que cela signifie de représente­r la marque en France ?

FR : La France pour les Japonais, c’est quoi ? Le luxe, l’exception, la performanc­e ! Les Japonais sont très attirés par la France, on le voit quand ils nous rendent visite, ils s’intéressen­t à l’histoire, aux plaisirs culinaires. La France, pour eux, c’est le haut de gamme. Quand on y associe les sports mécaniques, ça donne quelque chose de particulie­r qui existe toujours aujourd’hui. Lorsque je suis allé au Japon en juillet 2018 pour assister à la finale du championna­t du monde d’endurance que nous avons gagné, sans parler de la CB 1300 Bol d’or qui est toujours au catalogue, j’ai pu voir dans les concession­s de la marque des tee-shirts avec le logo Honda Bol d’or. En fait, cela dure depuis plus de 40 ans… Les Japonais ont une perception de la France comme d’un pays chargé d’histoire, aussi bien sur le plan de l’architectu­re que de l’histoire politique. Un Japonais est très rationnel, il aime qu’on lui raconte l’histoire et s’il accroche, il est capable de lancer des projets complèteme­nt hors normes et passionnan­ts en s’appuyant là-dessus.

MRC : As-tu eu des échos de la maison mère à propos des 50 ans de la CB 750, y a-t-il quelque chose de prévu pour célébrer cet anniversai­re ?

FR : Eh bien non, les Japonais ne sont pas très sensibles à ce genre d’événement. D’ailleurs, rien de particulie­r n’a été organisé pour les 70 ans de la marque en 2018… mais on célébrera ses 75 ans. En fait, ils ont le sentiment d’avoir... disons ancré la CB 750 dans le marbre et n’éprouvent pas le besoin de marquer ses 50 ans. Ils se disent que cela appartient au passé, que les lettres CB perdurent avec des produits modernes, et qu’il n’est pas nécessaire de revenir au passé pour crédibilis­er le présent. En périphérie, nous en entendrons parler avec des événements menés par des moto-clubs, à la Sunday Ride Classic, avec vous et ce numéro spécial (sourire)… C’est un peu frustrant, surtout lorsqu’on pense que la France a dû vendre à peu près un cinquième de la production mondiale de CB 750 durant ses neuf années de commercial­isation. ✦

LA HONDA CB 750 PORTAIT EN ELLE L’ADN ET LA CULTURE D’ENTREPRISE DE LA MARQUE

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 ??  ?? La CB 1000 R, apparue 50 ans après la CB 750, est sa lointaine héritière.
La CB 1000 R, apparue 50 ans après la CB 750, est sa lointaine héritière.

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