Moto Revue Classic

BOL D'OR 1969

En septembre 1969, deux événements se télescopen­t pour marquer durablemen­t l’histoire de la moto : le retour du Bol d’or et la victoire de la Honda CB 750.

- Par Christian Batteux. Photos archives MR et DR.

Juste après sa sortie commercial­e, la CB s'impose au Bol. Jackpot !

Les 13 et 14 septembre 1969, le Bol d’or, tel le phénix, cet oiseau légendaire, renaît donc de ses cendres après huit ans d’absence. L’épreuve née en 1922 aborde sa 33e édition. Le comité d’organisati­on est constitué de trois moto-clubs (L’AMCF, le MC Châtillonn­ais et le Side-car Club de France), et il est patronné par le BMW Club et Moto Revue. L’édition précédente, en 1960, s’était achevée par un fiasco à la fois sportif (10 équipages seulement à l’arrivée d’une course remportée par l’équipage Maucherat-vasseur sur BMW) et populaire (1 000 spectateur­s recensés au baisser du drapeau à damier). C’était le symptôme d’un mal profond, ou plutôt d’un changement d’époque radical. Car le début des années 60 sonnait creux : l’industrie européenne motocyclis­te périclitai­t, l’automobile « bouffait des parts de marché » considérab­les à la moto, l’automobile dont les prix baissaient pour tendre vers une consommati­on de masse sans retour possible en arrière. Alors, du côté du Bol d’or, on avait baissé le rideau en attendant des jours meilleurs. Quelques années plus tard, la montée de la vague japonaise, ce tsunami industriel – quoique sans danger –, avait changé la donne. La première moto japonaise importée en 1961 (la Suzuki TB 250) fut suivie de nombreuses autres machines produites au pays du Soleil Levant, et bien sûr, le choc de l’apparition de la Honda CB 750 Four allait définitive­ment asseoir la domination asiatique sur le marché motocyclis­te mondial. Présentée au Salon de Tokyo durant l’automne 1968 puis en mars 1969 dans

le cadre prestigieu­x du restaurant Le Pré Catelan en plein bois de Boulogne, elle ne fut essayée par Moto Revue qu’en juillet suivant avant d’être commercial­isée quelques semaines plus tard, après ce Bol d’or organisé à Montlhéry. C’est donc un vrai baptême du feu que la machine passe en achevant ses deux tours d’horloge à la première place. Elle a été prêtée par l’usine aux établissem­ents Japauto, et préparée dans le détail pour une course d’endurance. La réputation de la marque encore jeune (21 ans) est en jeu. C’est ainsi qu’elle sera supervisée par Yoshio Nakamura, ingénieur historique de Honda qui dirigera l’équipe engagée en Formule 1 par la suite. On note sur cette moto que le montage du moteur a été soigné, dans le but de le fiabiliser au maximum, que les échappemen­ts ont été remplacés par des mégaphones terminés par des contre-cônes, que l’étagement de la boîte de vitesses a été revu (la démultipli­cation passant de 16 x 45 sur la série à 16 x 38 pour le Bol), que les carburateu­rs de série sont équipés de pavillons en plastique, leur commande s’effectuant par palonniers et non par câble, qu’une « manche à air » reconduit l’air frais sur le devant du carénage vers le réservoir d’huile pour le refroidir, et qu’enfin un double disque a été installé.

10 tours d’avance à l’arrivée

Côté pilotes, ce sont deux Français qui ont le privilège d’emmener la belle japonaise à l’assaut de la piste de Montlhéry : Daniel Urdich et Michel Rougerie n’ont que 19 ans et forment le plus jeune équipage de l’histoire de l’épreuve (les pilotes britanniqu­es d’abord prévus pour la CB 750, Bill Smith et Tommy Robb, ont vu leur engagement refusé en raison du classement exclusivem­ent national de la course). Le premier, qui vit à Marseille, envisage d’entamer des études de droit après son bac, et s’il a débuté en course moto un an plus tôt, sa deuxième place aux 1000 km du Mans au guidon d’une 250 Honda lui a valu d’hériter du guidon de la CB. Quant au deuxième, il est originaire de Rosny-sous-Bois, au nord de Paris, il suit des études d’électroniq­ue, travaille comme mécanicien chez Japauto et a commencé la compétitio­n moto en 1967. La course, longtemps incertaine, s’achève dans la décontract­ion. Urdich et Rougerie ont en effet dix tours d’avance sur la paire Guénard-morel (Kawasaki 500) au passage de la 22e heure. Cet écart ne bougera plus jusqu’au drapeau à damier. C’est un succès pour le retour du Bol d’or, 20 000 spectateur­s étant venus s’amasser autour du circuit de Montlhéry, c’est un triomphe pour Honda, un coup d’essai transformé en coup de maître. Les titres dans Moto Revue sont à la mesure d’un week-end historique : « Explosion d’enthousias­me pour le Bol d’or » ; « Plus de 20 000 spectateur­s saluent la victoire d’une équipe de jeunes ; Rougerie-urdich sur la Honda 750 cm3 quatre-cylindres. » La moto a consommé 8,5 litres aux 100 km. Elle n’a connu que des ennuis mineurs : gicleur de marche du carburateu­r gauche bouché, aiguille du manomètre brisée, attache du phare longue portée rompue, fusible claqué. Les pilotes se sont tenus au régime moteur préconisé, à savoir 7 000 tr/min maximum. Le seul point délicat a été la gestion de la puissance lorsque la piste fut rendue glissante par l’apparition de la pluie, malgré les pneus Dunlop K81 dont elle était chaussée. Après cette victoire, la Honda CB 750 est bel et bien sur orbite.

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 ??  ?? La couverture de Moto Revue célèbre le retour du Bol d’or.
La couverture de Moto Revue célèbre le retour du Bol d’or.
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1- Équipée de feux additionne­ls, la Honda CB 750 sera propulsée vers une victoire retentissa­nte grâce à deux pilotes de 19 ans. 2- M. Vilaséca (avec la casquette) dirige la manoeuvre. 1
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Robert Assante, cheville ouvrière de Japauto, assure le ravitaille­ment.

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