Moto Revue Classic

CR 750 001 "USINE "

La reine du show, qui a couru les 200 Miles de Daytona en 1970 puis en 1973. Une pièce d’orfèvrerie signée par le RSC, le service course Honda de l’époque.

- Par Christian Batteux. Photos Jean-aignan Museau.

Exceptionn­el, on vous emmène voir l'une des rares Daytona Factory.

Cette machine présente un cadre communémen­t appelé Low Boy, qui est en fait le cadre d’usine, produit au moins à 14 exemplaire­s, peut-être plus… Celle-là a le numéro CB 750 3101, celle qui est exposée au musée de Motegi porte le numéro CB 750 3102. La machine numéro 3103 est chez un collection­neur japonais, comme la 3106, la 3104 étant en Italie. La 3105, on n’est pas bien sûr. Ce qui est à peu près certain en revanche, c’est que les machines portant le numéro de cadre 3101, 3102 et 3103 et une autre de celles que j’ai citées ont couru les 200 Miles de Daytona en 1970. Celle-ci, dans une autre configurat­ion esthétique, a donc fait Daytona en 1970, mais on ne sait pas avec quel pilote. Ensuite, elle a continué sa carrière et refait Daytona en 1973, avec Morio Sumiya et Steve Mclaughlin, engagé au dernier moment sur la moto de secours de Sumiya – qui pourrait en toute probabilit­é être celle-là, mais on n’en a pas la certitude. Donc, ce cadre,

a priori semblable à celui de série, est cependant très différent : la colonne de direction est placée 2 pouces plus bas, le bras oscillant est ancré différemme­nt, avec une incidence de bras plus prononcée, les tubes horizontau­x qui passent sous la selle commencent à être cintrés à peu près au milieu de la selle, remontent à travers le réservoir et arrivent très haut sur la colonne de direction. Quant au double berceau avant, il arrive directemen­t sur la colonne au lieu du renfort arrière. Cela permet d’enlever le couvre-arbre à cames sans démonter le moteur. Le moteur est très spécial : l’angle des soupapes est modifié, pour pouvoir mettre de plus grosses soupapes que

CELLE-CI A ROULÉ LES 200 MILES DE DAYTONA EN 70, MAIS AVEC QUI ?...

celles d’origine, à l’échappemen­t et à l’admission, alors que jusque-là, c’était plus petit à l’échappemen­t pour pouvoir mettre plus gros à l’admission. La rampe de carburateu­rs est une 35 magnésium chemisée bronze avec les conduits dans la culasse, qui sont aussi différents, beaucoup plus redressés que sur la série.

Première Honda dotée d’un 4-en-1

Au lieu d’avoir des douilles vissées dans la culasse, ce sont des manchons qui sont soudés dans une position différente : cela permet d’avoir des conduits beaucoup plus droits du cylindre 1 au cylindre 4. C’est pour

cette raison que les carbus débordent quasiment du réservoir. Les bielles en aluminium sont forgées et japonaises (MC Japan). Les pistons sont également forgés, l’arbre à cames et la boîte de vitesses racing sont très spéciaux, et la ligne d’échappemen­t est un quatre-en-un (sur la version 1973 ici présentée,

ndlr). C’est probableme­nt la première Honda dotée d’un échappemen­t de ce type. Les tubes d’échappemen­t sont en 39 mm. Les coudes d’échappemen­t et les brides de ce dernier ne se montent que dans les culasses spéciales, qui ont les alésages dans l’ailettage après la sortie du conduit, plus gros… Ça ne se monte pas dans la culasse de série. Quelques semaines avant Daytona 1973, les Japonais ont testé le matériel avec leurs pilotes. Mclaughlin avait la Honda de la concession de son père dotée d’un échappemen­t 4-en-un, et à moto égale, il allait plus vite avec ce pot que le modèle à quatre mégaphones. Aika San, l’ingénieur de l’époque, a rencontré Mclaughlin père et lui a demandé s’il pouvait avoir d’autres échappemen­ts identiques et les faire envoyer au Japon. Ce qui fut fait. Ils les ont testés et sont venus à Daytona avec le quatreen-un, d’origine américaine donc. Le frein avant est celui de la CB 750, avec son moyeu magnésium, bien qu’à Daytona, ils aient utilisé,

aux essais, des roues monoblocs à branches avec des pneus Goodyear slicks dont c’était le début. Pour la course, elle était chaussée de roues à rayons. Les freins, donc, sont de fonderie d’origine comme la CB 750, mais avec des pistons plus gros de 3 millimètre­s environ ; la cote n’est pas juste parce que c’est une dimension en système impérial. D’origine, je crois que c’est 39 mm et là, on a plutôt 42,3 mm, quelque chose comme ça… Évidemment, ça change considérab­lement la puissance du freinage. Les guidons sont en aluminium forgé, à charnières. La vanne de remplissag­e JC Carter est en magnésium. C’est un élément d’hélicoptèr­e produit en Californie, avec tout le laïus gravé à l’intérieur : adresse, modèle, numéro de patente, etc. Précision : c’est une vanne avec un verrouilla­ge, c’est-à-dire qu’on emboîte le volant comme sur une Zenith mais il faut aussi le tourner pour le verrouille­r. Notez que le chargeur est à gauche, contrairem­ent à ce qui se fait d’ordinaire – une spécificit­é due à Daytona où les ravitaille­ments s’opèrent de ce côté. Notez aussi que je n’ai pas le dégazeur ; comme c’est le même filetage que le bouchon de trappe de visite aux culbuteurs, c’est la solution que j’ai employée pour le remplacer. À l’avant, le garde-boue a une lame en polyester et a fait l’objet d’un vrai travail aérodynami­que, qui ressemble un peu à ce qu’a réalisé Kawasaki à l’époque. Quant aux canalisati­ons d’air sur la culasse et le cylindre, l’intérieur a été particuliè­rement soigné, ainsi que le radiateur d’huile et les extracteur­s d’air.

Version ultime de la 4-pattes

Les Japonais ont beaucoup planché sur le refroidiss­ement et la pénétratio­n dans l’air. Sa ligne extrêmemen­t élancée la distingue nettement de la version Kit (voir page 138, ndlr). Le poste de pilotage est très classique : témoin de pression d’huile Smith, compteur Nippon Denso. Ici, la pompe de frein est

monobloc, sans le support de rétroviseu­r. Le levier d’embrayage est long, avec réglage rapide. Sur cette machine, la selle a été exceptionn­ellement recouverte par le sellier de l’équipe de l’atelier du musée de Motegi. Les soudures de l’assise étant plus rapprochée­s, elle a une couverture différente des autres, les soudures sont plus rapprochée­s et elle ne compte que cinq bandes de tissu. Récupérer le tissu d’origine était a priori impossible, mais cela aurait pu se faire après de sévères négociatio­ns avec les Japonais, qui, en théorie, ne travaillen­t jamais pour l’extérieur, et une non moins sévère facture (rire) ! Sur le moteur, on remarque le petit carter magnésium avec la petite magnéto qui est dedans, le petit carbu… Il est peint tout en gris, comme celui de Motegi. C’est une moto incroyable­ment élégante, avec ou sans carénage. C’est la version ultime de la 4-pattes. Une machine pensée dans les moindres détails pour la compétitio­n. Je crois que c’est la première fois qu’on la montre dépouillée de son carénage. C’est une vraie moto d’usine. Quand on la regarde de profil, elle est beaucoup plus racée que les versions Kit, avec son cadre Low Boy. Cette géométrie particuliè­re est étudiée dans un souci d’optimisati­on de pénétratio­n dans l’air et de transfert de poids sur l’avant. À l’époque, l’assiette des motos de course était plutôt droite, puis, petit à petit, elles ont, disons... piqué du nez. Cette CR, c’est le début des motos de course modernes. Dernier petit détail à l’attention des puristes : cette moto est montée avec un petit générateur sans batterie et les rupteurs, mais normalemen­t, elle est équipée d’un allumage électroniq­ue qu’on retrouvera ensuite sur la RCB. Le problème devrait être bientôt résolu. ✦

C’EST UNE MOTO TRÈS ÉLÉGANTE, AVEC OU SANS CARÉNAGE. C’EST LA VERSION ULTIME DE LA 4-PATTES

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 ??  ?? Évolution de l’année 1973 mais construite en 1970, cette machine se retrouve avec l’un des premiers pots quatre-en-un de l’histoire de Honda. C’est aussi l’une, si ce n’est la première fois, qu’elle apparaît sans carénage et dévoile ainsi ses secrets. 1
Évolution de l’année 1973 mais construite en 1970, cette machine se retrouve avec l’un des premiers pots quatre-en-un de l’histoire de Honda. C’est aussi l’une, si ce n’est la première fois, qu’elle apparaît sans carénage et dévoile ainsi ses secrets. 1
 ??  ?? 1- Frein arrière double came en magnésium, alter ego du frein avant à double disque ( 3), monté sur une roue à rayons. Pour ce dernier, ces pistons sont plus gros d’environ 3 millimètre­s, ils sont montés en système impérial. 2- Le poste de pilotage est classique, avec le témoin de pression d’huile Smith et le compte-tours Nippon Denso. À noter la pompe de frein monobloc, sans le support de rétroviseu­r. 4- Guidons en aluminium forgé à charnières et levier d’embrayage long avec réglage rapide. 3 1
1- Frein arrière double came en magnésium, alter ego du frein avant à double disque ( 3), monté sur une roue à rayons. Pour ce dernier, ces pistons sont plus gros d’environ 3 millimètre­s, ils sont montés en système impérial. 2- Le poste de pilotage est classique, avec le témoin de pression d’huile Smith et le compte-tours Nippon Denso. À noter la pompe de frein monobloc, sans le support de rétroviseu­r. 4- Guidons en aluminium forgé à charnières et levier d’embrayage long avec réglage rapide. 3 1
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Le numéro de cadre de la belle, CB 750 3101, atteste de sa participat­ion aux 200 Miles de Daytona en 1970, l’année de la victoire de Dick Mann.
 ??  ?? 1- La ligne très élancée de cette CR 750 « usine » a été très travaillée par les Japonais pour optimiser la pénétratio­n dans l’air. 2- Dans la foulée, le flux d’air vers la culasse et les cylindres pour assurer leur refroidiss­ement a également été étudié dans les moindres détails. 3- La selle a été recouverte par le sellier de l’équipe qui entretient les machines du musée de Motegi. Un geste exceptionn­el. 1
1- La ligne très élancée de cette CR 750 « usine » a été très travaillée par les Japonais pour optimiser la pénétratio­n dans l’air. 2- Dans la foulée, le flux d’air vers la culasse et les cylindres pour assurer leur refroidiss­ement a également été étudié dans les moindres détails. 3- La selle a été recouverte par le sellier de l’équipe qui entretient les machines du musée de Motegi. Un geste exceptionn­el. 1
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 ??  ?? Restauré avec un soin tout particulie­r, ce bijou exceptionn­el est cependant marqué par la patine du temps.
Restauré avec un soin tout particulie­r, ce bijou exceptionn­el est cependant marqué par la patine du temps.
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1- La finition des moindres pièces est parfaite, « au millimètre ». 2- Des jantes DID de la meilleure facture. 3- La rampe de carburateu­rs est en magnésium chemisée bronze avec les conduits dans la culasse. 4- Une machine pensée de fond en comble pour la compétitio­n. 5- Placée à gauche pour s’adapter aux stands de ravitaille­ment de Daytona, la vanne de remplissag­e JC Carter est d’origine californie­nne, et de provenance aéronautiq­ue. 1
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