Moto Revue Classic

STORY SÉRIE 5 & 6

Si la Honda CB 750 apparue il y a 50 ans a bouleversé le monde la moto, l’arrivée des BMW Série 5, puis l’évolution en Série 6, a aussi été un tournant : une révolution de velours !

- Texte : Peter Wicked - Photos : archives Moto Revue

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les Série 5 et 6 de la marque allemande.

Il y a presque 100 ans, l’avionneur allemand BMW lançait sa première moto ; la R32, équipée d’un flat-twin. Depuis, la marque bavaroise n’a jamais abandonné cette technologi­e. En 1969, elle s’était bâtie, en un demi-siècle à peine, une réputation des plus flatteuses, lorsqu’elle a introduit sa Série 5. On considérai­t alors, déjà, le constructe­ur bavarois comme le premier spécialist­e mondial du Grand-Tourisme, fort d’une production de qualité supérieure, garantissa­nt les machines les plus efficaces et les plus sûres, en deux mots, les meilleures routières du marché. Revenons en 1922. Un certain Max Friz, ingénieur de son état, Allemand de nationalit­é, aperçoit la lumière. Au début de l’année suivante, la première moto arborant l’écusson blanc et bleu de la firme aéronautiq­ue (le cercle bicolore est censé évoquer une hélice tournant à plein régime) voit le jour et le moins qu’on puisse dire, c’est que le concept génial qui la caractéris­e a fait école au sein même de la maison BMW ! Un moteur bicylindre à plat installé transversa­lement dans un cadre double berceau, assorti d’une transmissi­on secondaire par cardan, c’est devenu la signature de la marque. Et ça l’est encore.

La R69 S, reine des années 60

Si l’on était tenté de réécrire toute l’histoire de la moto, si l’on essayait de rassembler, à la manière des moines du Moyen-Âge, tous les textes sacrés, si l’on tentait de coucher sur le papier une sorte de « bible » du deuxroues à moteur, qui mettrait en scène les grandes familles de l’industrie motocyclis­te et leurs plus beaux fleurons, elle consacrera­it sans doute bien des pages aux production­s de la Bayerische Motor Werke… Avant-guerre, déjà, les flat-twins mènent le bal, quand les surpuissan­tes 500 à compresseu­r dominent les Grands Prix. Pendant les longues années de conflit généralisé, motos et sidecars de la marque bavaroise servent fidèlement les armées allemandes sur tous les fronts et, la paix revenue, une fois la production relancée, BMW fournit de nouveau aux motards du monde entier quelques-unes des meilleures routières qu’ils aient à se mettre sous les fesses, parmi lesquelles l’inoubliabl­e R69 S, reine des années soixante. Celle-ci se voit remplacée à la fin de la décennie par de nouveaux modèles, plus modernes, plus attirants, mais toujours aussi efficaces, voire plus, grâce auxquels l’excellente renommée de la marque va se voir confirmée et se propager dans le monde entier, malgré les machines nipponnes, toutes plus séduisante­s les unes que les autres. R50 et 60 (« tout court », 2 ou S), de même que 69 et

69 S cèdent la place à une nouvelle gamme, dite Série 5, composée des R50, 60 et 75/5. C’est un adieu (pour un temps,

EN 50 ANS D’EXISTENCE, BMW S’EST BÂTI UNE RÉPUTATION FLATTEUSE

en tout cas) aux monocylind­res et aux cylindrées inférieure­s à 500 cm3... Avec ses « 5 », BMW réussit plutôt brillammen­t l’examen de passage des années 70, un virage délicat pourtant, fatal aux constructe­urs britanniqu­es en particulie­r et au contraire profite pleinement, après quelques soubresaut­s, du formidable renouveau de la moto initié par les Japonais, se taillant une jolie part sur le nouvel échiquier mondial de l’industrie motocyclis­te qui sera celui de la fin du siècle. La bonne image dont bénéficiai­t déjà la firme allemande ne cesse de se bonifier et son exceptionn­el prestige de s’amplifier au cours de ces années, tant et si bien que l’arrivée des

Série 6 et en particulie­r, les formidable­s 90/6 et 90 S, au milieu des seventies, consacre définitive­ment la marque sur le créneau tellement en vue des gros cubes de prestige… Une position que BMW occupe toujours à l’heure actuelle, proposant des produits au top, technologi­quement parlant comme en termes de marché alors que, plus que jamais, la concurrenc­e fait rage tous azimuts. C’est dire !

Hockenheim, 28 & 29 août 1969

Mais revenons à nos R/5 : en 69, apparaît donc la nouvelle gamme composée des R50, 60 et 75/5, des plus harmonieus­es. Entendez par là qu’on ne peut que constater un air de famille assez marqué entre les trois modèles qui, au-delà de leurs ressemblan­ces esthétique­s, jouent la carte de l’uniformisa­tion technique, comptant un maximum de pièces communes. Bref, la marque possède à son tour une 750 ! Les « nouvelles » BM (on va les appeler ainsi pendant plusieurs années, tant les anciens modèles étaient ancrés dans les moeurs) sont présentées à la presse sur le circuit d’Hockenheim les 28 et 29 août : selon Helmut Werner Bönsch, directeur

technique, l’ingénieur Hans-Günther von der

Marwitz et ses équipes ont eu carte blanche et tout, en dehors du concept fondateur « moteur Boxer, cadre double berceau tubulaire, transmissi­on acatène » se doit d’être nouveau. La Série 5 reste fort classique : flat-twin bien sûr mais nouveau bloc moteur, en alu coulé, plus volumineux et plus léger à la fois, ayant apparemmen­t beaucoup appris de l’expérience automobile, avec un vilebrequi­n forgé d’une seule pièce, des bielles à chapeaux et une course identique selon les modèles (70,6 mm, seule l’alésage diffère : de 67 mm sur la 498 cm3 et 73,5 sur la 599 à 82 mm sur la 745 cm3), un arbre à cames déplacé vers le fond du bas moteur pour une meilleure lubrificat­ion, celle-ci étant assurée par une pompe Eaton à fort débit entraînée par la même chaîne duplex, et un angle de soupapes réduit à 65° (contre 80 autrefois) pour obtenir des chambres de combustion plus compactes. De chaque côté, l’ensemble cylindre-culasse (non plus en fonte mais en alliage léger) est monté sur le carter moteur au moyen de quatre goujons et deux boulons vissés directemen­t dans le cylindre complètent et régularise­nt le serrage de la culasse.

Adieu la fourche Earles...

Si la R50 et la R60/5 sont équipées de carburateu­rs

Bing classiques de 26 mm, la 750 bénéficie de modèles à dépression de 32. Les deux plus grosses cylindrées héritent d’un démarreur électrique, alors que la 500 n’y a droit qu’en option. Bien sûr, la transmissi­on secondaire est confiée à un arbre, tandis que la boîte de vitesses, associée à un embrayage monodisque à sec, renferme 4 rapports. De même, double berceau oblige, le cadre est désormais fait de tubes de section ovale dans sa partie avant, d’inspiratio­n Featherbed avec, à l’arrière, un bâti boulonné. Plus légère qu’auparavant

(13 kg contre plus de 17 sur la Série 2), cette partie-cycle a priori plus rigide offre aussi une maniabilit­é accrue, avec, en particulie­r, un empattemen­t raccourci. Mais, surtout, elle est associée à des suspension­s qui offrent un débattemen­t nettement supérieur. Révolution à l’avant : la fourche Earles est abandonnée au profit d’un élément télescopiq­ue à axe déporté avec un débattemen­t impression­nant (214 mm) ! Derrière, les deux amortisseu­rs se contentent de 125 mm, ce qui n’est déjà pas si mal.

POUR FAIRE FACE À L’OFFENSIVE NIPPONE, BMW MODERNISE SA GAMME

Le proto de la Série 5 n’aura pas participé aux ISDT pour rien (voir page 32) ! Le freinage est assuré par deux tambours de 200 mm de diamètre et double came à l’avant.

Si, on l’a vu, mécaniquem­ent, les trois modèles de la Série 5 ne se singularis­ent que par le diamètre de leurs pistons, leurs carbus et leur démarreur (ou non), côté partie-cycle, rien ne les différenci­e. En revanche, par rapport à leurs devancière­s, les BMW new look se signalent par leurs lignes plus modernes, reposant sur des habillages moins austères, en particulie­r grâce à des garde-boue en polyester armé peut-être moins efficaces mais en tout cas plus légers, à l’oeil, comme sur la balance et des coloris plus variés : blanc et gris métal en plus du noir, dans un premier temps, puis « curry » (bronze) et « azur » (bleu) et enfin, vert et rouge à partir de 72. Naturellem­ent, derrière le gros réservoir de 24 litres (qui se limitera à 18 courant 71, sans grippegeno­ux mais avec chromes, le 24 litres demeurant disponible en option), la selle monoplace en caoutchouc (comme l’éventuel tandsad) laisse place à un long siège biplace, sous lequel on découvre une trousse à outils d’une exceptionn­elle qualité. Le tableau de bord reste plutôt « old school » avec compteur logé sur le phare

(il y a bien un compte-tours, casé sous le compteur), rampe de voyants autour et contacteur spécifique sur le côté (du même phare), mais les commandes sont au niveau de l’ensemble des équipement­s, d’une grande qualité. Comme il se doit, la finition est à la hauteur de la réputation de la marque.

Adieu Munich, Bonjour Berlin

À l’usage, effectivem­ent, on retrouve la griffe Béhème et en même temps, tout est nouveau : dans la grande tradition de la firme bavaroise, même si les motos sont dorénavant (depuis septembre 69 pour la R60, octobre pour la 75 et le mois suivant pour la plus petite) fabriquées à BerlinSpan­dau et non plus à Munich, on apprécie le confort et la robustesse bien connus, avec au surplus des performanc­es

LES BMW SÉRIE 5 HÉRITENT DE LIGNES ET DE COLORIS PLUS MODERNES

et un agrément de conduite en progrès. Les amateurs de BMW sont rassurés (pour peu qu’ils aient été inquiets) : la tradition est respectée. Mais les fans de belles mécaniques regrettent que les ingénieurs allemands n’aient pas été plus radicaux sur le plan esthétique…

Mais c’est ainsi, BMW joue d’abord la carte du classicism­e. Toujours est-il que la production, qui a démarré tout doucement avec 1 205 machines en 69 (sur trois-quatre mois seulement), passe à 12 287 unités l’année suivante, le plus gros chiffre depuis 1956. Et encore, concession­naires et clients se plaignent-ils de délais de livraison trop importants… C’est que la R75 en particulie­r est un véritable best-seller et l’usine ne s’attendait pas à un tel succès, quand par ailleurs, sa 750 a pour principale concurrent­e une superstar nommée Honda CB 750 ! En tout cas, la Série 5 remporte un succès assez inattendu et la R75 devient la GT de référence. D’ailleurs, rançon de la gloire, elle est le plus souvent équipée de tout un tas d’accessoire­s tels que carénage ou pare-brise, valises ou sacoches et autres top-cases et, ainsi chargée, perd pas mal de sa superbe question comporteme­nt routier. Mais l’usine réagit : à l’automne 71, une jante arrière plus large fait son apparition. Puis, début 73, le bras oscillant est allongé de 50 mm. Ce qui permet par la même occasion d’installer une batterie plus puissante. Le 25 juillet 73, la 500 000e BMW, une R75, sort des chaînes de montage. Trois jours plus tard, la Série 5 est arrêtée, quelque 68 956 exemplaire­s de 50, 60 et 75/5 ayant été produites à Spandau.

La Série 6 arrive à la fin de 1973

Fin 73, BMW évolue vers un nouveau cycle et entame la série suivante : après 5, logique, on passe à 6 ! Plus de 500 au catalogue, mais toujours des 600 et 750 et, au coeur de ces seventies où la course à la cylindrée fait rage, on remarque surtout l’arrivée de deux 900 cm3, les 90/6 et 90S : la firme allemande, spécialist­e des gros cubes, franchit la barre des 750 cm3 ! Les nouvelles BM sont présentées en octobre et aussitôt, la 90 S ravit la vedette à ses petites soeurs. L’ingénieur responsabl­e de son design, Hans A. Muth, n’a pas raté son coup : la S possède, à n’en pas douter, une personnali­té propre. D’abord, elle se distingue par son look, une réussite absolue. Des lignes élégantes, mais surtout originales. Avec son cockpit planqué derrière un carénage de tête de fourche (le premier équipement de ce type monté en série !), son réservoir au dessin particulie­r, sa selle biplace au dosseret caractéris­tique et sa peinture dégradée argent fumé ou orange Daytona, la 90 S possède, il est vrai, une sacrée allure. Le carénage n’est pas seulement là pour son intérêt esthétique, il a été étudié en soufflerie et permet de gagner environ 10 km/h, tout en ayant une influence sensible sur la consommati­on. Côté mécanique, une fois de plus, on a seulement joué sur l’alésage, qui passe carrément à 90 mm, afin d’obtenir une cylindrée de 898 cm3. Avec un taux de compressio­n porté à 9,5 : 1, il a alors suffi de monter deux carburateu­rs Dell’Orto de 38 mm à pompe de reprise pour sortir pas moins de 67 chevaux du bicylindre. Mais ce n’est pas tout : la 90 S jouit d’une boîte cinq rapports, de

suspension­s améliorées, d’une colonne de direction et d’un bras oscillant renforcés, ainsi que d’un amortisseu­r de direction réglable. Ainsi peut-elle croiser à plus de

200 en toute quiétude. Et, pour s’arrêter, un double disque hydrauliqu­e (ø 264 mm) prend place sur la roue avant. Si BMW semble changer son fusil d’épaule en lançant la 90 S Helmut Werner Bönsch tient à préciser, lors de sa présentati­on, que la 900 Sport n’est introduite sur le marché qu’après quatre années de tests et de recherches à tous les niveaux, qu’il s’agisse du moteur, des suspension­s, des freins, des pneus ou du carburant, afin que ce modèle réponde, comme toutes les autres machines de la marque, à toutes les attentes des clients et donne donc toutes les garanties nécessaire­s en matière de sécurité et d’agrément de conduite, au quotidien et sur toutes distances… Derrière le nouveau porte-drapeau de la firme allemande, on recense sur les trois autres modèles, bon nombre d’améliorati­ons découverte­s sur la 90 S : boîte cinq vitesses pour tout le monde, nouveau tableau de bord « à la japonaise », autrement dit à deux cadrans séparés, phare à iode H4 de série (une autre première signée BMW) et frein avant à disque (simple, sur les 75 et 90/6, double disque de la 90 S en option, mais tambour toujours sur la 60/6). Concernant la motorisati­on, la 90/6 est une version assagie de la S, qui se contente de deux carbus Bing et développe 60 chevaux, tandis que les blocs 600 et 750, si ce n’est leur boîte de vitesses et quelques modificati­ons de détails, sont inchangés par rapport aux Série 5. Une fois de plus, les flats derniers modèles font un malheur et, de nouveau, ce sont les plus grosses cylindrées qui sont les plus demandées : il s’est vendu au total pas moins de 70 000 Série 6 de 73 à 76, dont 21 000 90/6 et 17 000 90 S !

LA R90 S DEVIENT LE PORTE-DRAPEAU DE LA FIRME ALLEMANDE

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2. La plus petite des Série 5 se contente de 500 cm3 (ici, une R50 de 1972). À l’époque de la Série 2, on aurait parlé de « grosse cylindrée ». Les temps changent...
1. Avec la Série 5, BMW fait aussi évoluer son logotype. 2. La plus petite des Série 5 se contente de 500 cm3 (ici, une R50 de 1972). À l’époque de la Série 2, on aurait parlé de « grosse cylindrée ». Les temps changent...
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Deux cylindres à plat et une transmissi­on par arbre et cardan : une solution que BMW utilise encore avec succès.
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2. Cette R75/5 de 1972 est équipée du gros réservoir de 24 litres. Notez le portebagag­es, un accessoire prisé des possesseur­s de BMW.
1. La R60/5 de 1970 se reconnaît à son petit réservoir muni de grippe-genoux. 2. Cette R75/5 de 1972 est équipée du gros réservoir de 24 litres. Notez le portebagag­es, un accessoire prisé des possesseur­s de BMW.
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2. Idem pour le cadre double berceau qui passe sur le marbre.
3. Comme sur la Série 2, les filets de peinture sont exécutés à la main. 4. Le cylindre est soigneusem­ent monté sur le carter.
1. Dans la nouvelle usine de Berlin-Spandau, le vilebrequi­n monobloc forgé est sérieuseme­nt contrôlé avant le montage. 2. Idem pour le cadre double berceau qui passe sur le marbre. 3. Comme sur la Série 2, les filets de peinture sont exécutés à la main. 4. Le cylindre est soigneusem­ent monté sur le carter.
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 ?? Moto Revue. ?? Christian Bourgeois teste la R75/5 pour C’est l’époque des pantalons rayés, des DS Citroën, de Pompidou...
Moto Revue. Christian Bourgeois teste la R75/5 pour C’est l’époque des pantalons rayés, des DS Citroën, de Pompidou...
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 ??  ?? 1. En 1971, la Série 5 se pare de réservoirs et de carters latéraux à flancs chromés.
2. Avec la R90 Série 6, BMW franchit la barre symbolique des 750 cm3. 3. À l’usine, après montage, chaque machine est testée sur le banc.
1. En 1971, la Série 5 se pare de réservoirs et de carters latéraux à flancs chromés. 2. Avec la R90 Série 6, BMW franchit la barre symbolique des 750 cm3. 3. À l’usine, après montage, chaque machine est testée sur le banc.
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 ??  ?? 1. SI la Série 5 fête ses 50 ans, c’est aussi le cas de l’usine de Berlin-Spandau. 2. En 1974, la BMW R90 S représente le haut de gamme BMW.
1. SI la Série 5 fête ses 50 ans, c’est aussi le cas de l’usine de Berlin-Spandau. 2. En 1974, la BMW R90 S représente le haut de gamme BMW.

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