JAWA 500 “ICE RACE”
Dans les années 70 et 80, des pilotes italiens de courses sur glace se rendent en Union soviétique pour perfectionner leur pilotage au guidon des Jawa 500. Récit.
Dans les années 70 et 80, les pilotes sur glace Italiens se perfectionnent en Union soviétique.
« Il est plus dangereux de conduire une camionnette sur une autoroute russe que de courir sur la glace ! » C’est ce que dit Posa
Serenius dans Icy Riders, le documentaire que le Suédois Bengt Lofgren a réalisé il y a quelques années à la gloire de son compatriote, légende vivante des courses sur glace. « Je peux vous assurer que ce que Posa dit est vrai », confirme Vito Artosin, commissaire technique sur les épreuves de speedway et d’ice race entre 1981 et
1993, qui se souvient de ses nombreux voyages en Russie. « Se rendre sur une course n’était pas une sinécure.
Pour arriver à Saransk, situé à 800 kilomètres après Moscou, il fallait effectuer
3 800 kilomètres avec une température oscillant entre
- 20 ° et - 30 °C. Il fallait mettre un carton sur la grille du radiateur du camion et se glisser dans des couvertures épaisses pour ne pas mourir congelé, même avec le chauffage à fond ! Sans parler des embuscades sur l’autoroute car à une époque, il y avait des bandes criminelles qui attaquaient les camions. Un pilote d’Allemagne de l’Est s’est tout fait voler et a été abandonné en gilet avec son mécanicien sur l’autoroute. Aujourd’hui, nous sourions, mais nous avions vraiment peur. » Revenons à la discipline proprement parlée. La course sur glace est une spécialité extrême, comme le sont les conditions météorologiques nécessaires à la pratique de ce sport, né en Suède dans les années 20. La passion pour la moto était telle que pendant les longs hivers scandinaves, il fallait rouler à tout prix. La Russie des terres lointaines, qui s’étend entre l’Oural et la Sibérie, a toujours été une pépinière de pilotes mais les premières motos développées par les Russes ont été copiées sur celles du Suédois Billy Andersson, qui de la fin des années 50 au début des années 60, fut l’un des premiers à aller rouler en Union Soviétique. La Jawa de 1973 de ces pages est une réalisation artisanale fabriquée en Suède et illustre l’une des premières évolutions techniques des motos de course sur glace car pendant de nombreuses années, ces machines n’ont pas évolué. Puis les pilotes ont commencé à monter des fourches plus modernes, récupérées sur des motos de cross. À la fin des années 80, a eu lieu la première petite révolution technique avec l’adoption du mono-amortisseur à l’arrière.
Voler au-dessus de la glace...
Ça correspond aussi à la période où les pilotes italiens ont commencé à rouler en championnat du monde. « Grâce aux efforts de Vito et de la Fédération italienne, nous avons fait un grand pas en avant. Chaque année, en décembre, nous nous rendions en Sibérie pour nous mesurer aux meilleurs du monde qui étaient là pour nous aider.
Nous étions les invités des Russes qui nous accueillaient à l’aéroport vêtus de leurs vêtements traditionnels et nous offraient du pain et du sel en signe d’hospitalité », explique Fabrizio Vesprini, un ancien pilote. « Je me suis lié d’amitié avec Nicolaj Nischenko, l’un des meilleurs pilotes de tous les temps, et avec
Posa Serenius, probablement le meilleur technicien de la discipline. Une fois, ce dernier m’a fait essayer sa moto : j’avais l’impression de voler au-dessus de la glace ! Ce n’est pas une coïncidence s’il a couru en Suède jusqu’en 2009 à l’âge de 61 ans… » Il reprend : « À Kemerovo, dans le sud-ouest de la Sibérie, on est pratiquement en Mongolie et le soir, il y avait souvent des fêtes où l’on assistait à des spectacles de cirque. Moi, je passais presque tout mon temps à m’occuper des relations publiques avec les officiels du parti communiste
JE PASSAIS MON TEMPS À M’OCCUPER DES OFFICIELS DU PARTI COMMUNISTE
et les notables locaux qui espéraient pouvoir faire des affaires avec nous. Toujours est-il qu’on était reçu comme des rois : dès le petit-déjeuner, ils nous apportaient des tasses pleines de caviar ! Surtout, sans eux, nous n’aurions pas été en mesure de nous améliorer. Ils nous ont tout appris, de la technique de pilotage au cloutage des roues. »
Speedway ou ice race ?
On a souvent tendance à comparer le speedway sur terre battue et les courses sur glace (ice race), mais en dehors de la base mécanique utilisée pour les motos, la forme de la piste et le déroulement de la course avec des séries de quatre pilotes, ce sont deux spécialités complètement différentes. En speedway, on met la moto en travers, alors que sur la glace, on recherche l’adhérence maximale. De même, si en speedway, on fait patiner la roue arrière lors des départs, parfois en s’aidant de l’embrayage, en ice race, il faut tout de suite trouver l’adhérence mais pas trop non plus, sinon la moto se retourne ! Sur terre battue, dans les courbes, on se freine progressivement en mettant la moto en travers, tout en visant le point de corde tandis que sur la glace, il faut atteindre la vitesse maximale à ce même point. Il faut alors couper les gaz et remettre la moto dans l’axe pour attaquer la ligne droite. Et si vous coupez les gaz trop tard, il faut quand même prendre le virage en espérant que ça passe. À ce momentlà, la position de la jambe intérieure est importante ; elle sert de point d’appui mais il ne faut pas trop forcer sur la glace sous peine de soulever la roue arrière de la moto, de perdre l’adhérence et d’aller à la chute. Il faut trouver le bon dosage et pouvoir la relever au bon moment. Tout un art.
SI VOUS AVEZ COUPÉ LES GAZ TROP TARD, IL FAUT QUAND MÊME Y ALLER