LA TEAM MRC
En passant de la Yamaha FZ 750 à la FZR 1000, on pensait grimper facilement dans la hiérarchie. Sauf que l’endurance n’est pas une science exacte.
la course de la Yamaha FZR 100 n° 65 de Moto Revue Classic.
L’an dernier, à l’occasion du 16e Bol d’Or Classic, la belle Yamaha FZ 750 Eddie Lawson Replica prêtée par Yamaha a bien souffert. Le pilote, Zef Enault, aussi d’ailleurs. Du coup, cette année, on a décidé de préparer notre propre moto. Et comme on a de la suite dans les idées, on a jeté notre dévolu sur une FZR 1000, la grande soeur de la 750. Oh bien sûr, on aurait bien aimé investir dans une FZR 750 R, la fameuse OW 01 mais quand on a vu les prix, on a préféré rester dans le « tout-venant ». Et puis, après tout, avec un carénage et une peinture spécifique, on peut facilement transformer une 1000 en 750. Au moins esthétiquement. Lorsque j’ai parlé de tout ça aux gens de chez Yamaha à l’occasion du Salon de Milan de l’an dernier, ils étaient plutôt enthousiastes. Surtout Éric de Seynes, le big boss, qui m’a avoué que Martial Garcia était en train de lui concocter une FZR Suzuka 89 replica aux couleurs de Tech 21, sponsor historique de la marque aux trois diapasons lors des 8 Heures de Suzuka. Et puis on a laissé passer l’hiver, en pensant qu’on avait le temps. La première entrevue avec François Tarrou, le directeur du marketing de l’antenne française de Yamaha, s’est déroulée le 1er mars dans un bar parisien. C’est là qu’entre deux bières, une idée géniale a fusé : cette FZR portera le n° 65, en avant-première des festivités du 65e anniversaire de la marque qui aura lieu en 2020. Et pour la peinture, on trouvera une autre idée géniale en temps voulu mais comme le dit François, inutile de refaire une énième Roberts replica ou Gauloises replica.
Préparateur adéquat
Et puis le temps a encore passé et on a fini par dénicher un modèle 1990 à Lausanne. L’avantage de la Suisse, c’est que les motos sont soumises à un contrôle technique annuel et qu’elles sont donc en parfait état d’origine. Celle-ci affichait 40 000 km et ne valait que 1 600 €. Inutile donc de se priver. D’autant qu’en Suisse, les motos n’ont jamais été bridées. Une fois la machine récupérée durant les Coupes Moto Légende, le plus dur restait à faire : il fallait trouver le préparateur adéquat. Un type efficace et rapide puisque, vous l’avez
compris, les Coupes étant organisées en juin, il ne restait plus que trois mois pour mener notre entreprise à bien.
Moto 2000 & Motoshop 35
En fait, j’avais une idée derrière la tête depuis l’automne dernier et ma visite chez Mecanic Sport (voir MR Classic n° 102). Plus précisément, à l’Atelier de Félix, la branche préparation de l’enseigne dirigée par Antoine Floriot. Pour réaliser ses créations, ce dernier a embauché Patrick Tessier, ancien chef d’atelier de Motoshop 35, la concession Kawasaki de Rennes, dirigée à l’époque par Hans Kuhl. Comme ce dernier faisait rouler des machines aux 24 Heures du Mans et au
Bol d’Or, Patrick sait ce que préparer une moto de course veut dire. Mieux encore, avant de travailler pour
Hans et Kawa, il oeuvrait chez Moto 2000, concessionnaire Yamaha de la même ville qui a aussi fait rouler des FZ et FZR en championnat du monde d’endurance. Comme les gens de chez Yamaha,
LES GENS DE CHEZ YAMAHA ONT TOUT DE SUITE ADHÉRÉ AU PROJET
Antoine a tout de suite été séduit par notre idée et il m’a promis que Patrick se pencherait sur la moto durant le mois de juillet car, pour le moment, il avait d’autres projets en cours. Sans compter qu’il allait prendre trois semaines de congés bien mérités en août. Vu le temps imparti, on se contentera donc d’une préparation minimum, histoire d’alléger un peu la bête et de lui faire tenir la route correctement. Les partenaires habituels sont sollicités et Poly 26 nous fait parvenir un carénage et une selle d’OW 01, Dunlop des pneus, Öhlins un amortisseur, LSL des bracelets, etc., etc. Une fois tous les éléments réunis, Patrick s’est mis au boulot et en un temps record, il a monté une moto de course très proche de l’origine, si ce n’est le freinage Beringer. Et une semaine avant le jour J, elle était chez nous, prête à prendre la ligne droite du Mistral dans sa belle robe bleu-blanc-rouge. Rouge et blanc d’un côté pour évoquer les Yam’ de Read, Saarinen ou Ago et bleu et blanc de l’autre pour celles pilotées par Pons et Sarron à l’époque Sonauto. Trop beau ! Le hic, vous l’avez compris, c’est qu’on n’a pas eu le temps de rouler avec elle, histoire de peaufiner les réglages de partie-cycle par exemple.
« On est loin mais c’est pas grave »
Tant pis, le mercredi 18 septembre, on charge la FZR dans la camionnette, direction le circuit Paul-Ricard. 9 heures plus tard, nous voilà sur place, prêts à affronter le contrôle technique. Pas de soucis, Patrick a fait du bon boulot : on est reçu avec mention très bien. Jeudi, après un briefing matinal, nous voilà partis pour les essais libres. Coup de bol, tout va à peu près bien, le braquet,
VU LES DÉLAIS, ON SE CONTENTERA D’UNE PRÉPARATION MINIMUM
le réglage des suspensions, la position… La FZR 65 affiche quand même un comportement de moto de route : elle est saine mais on sent que si on la brusque un peu trop, on risque de la perdre. C’est le cas de le dire puisque de retour de sa séance, Zef m’avoue qu’il a perdu l’avant dans le Beausset. Méfiance, donc. En revanche, on est agréablement surpris par l’allonge du gros quatrecylindres qui nous permet de doubler pas mal de concurrents sans se fatiguer. Pourtant, lorsqu’on jette un coup d’oeil aux chronos, c’est un peu laborieux : tout juste si on va plus vite qu’avec la FZ 750 de l’an dernier !
Il y a pourtant une explication. La petite Yam’, plus légère d’origine, disposait d’un moteur gonflé et d’une partie-cycle à la géométrie revue, avec arrière relevé et fourche optimisée. Des choses simples que l’on n’a pas eu le temps de faire sur la 65 et il est maintenant trop tard. Pour ne rien arranger, une heure avant la première séance d’essais chronométrés, une averse s’abat sur le circuit ! Comme on n’a pas de pneus pluie et après un rapide coup d’oeil sur la météo du lendemain qui annonce du soleil, décision est prise de ne pas rouler. Sur une piste séchante et donc piégeuse, inutile de risquer la chute ; on se qualifiera demain ! Vendredi matin, le beau temps est revenu et on se qualifie en 51e position sur 65 partants. C’est loin mais en endurance, même classique, ça n’a guère d’importance. 20 h 30 : c’est parti pour deux heures de course. Autre conséquence de notre manque de roulages : on n’a qu’une vague idée de la consommation de la moto et pour ne prendre aucun risque, on décide d’effectuer des relais de 35 minutes.
Couvercle baladeur
Seulement voilà, si Zef voit bien le panneau, il ne voit pas ce qu’il y a écrit dessus. Et c’est pire pour moi puisque je ne vois rien du tout… Des pros, je vous dis. Toujours est-il que lors des ravitaillements, on s’aperçoit que l’on n’ajoute
CETTE ANNÉE, L’OBJECTIF ÉTAIT DE FINIR SANS CASSE ET SANS BOBO...
que la moitié du derrick. On va s’arrêter deux fois dans la première partie et pas du tout dans la deuxième puisque Zef va abattre un relais de 55 minutes. Résultat des courses, la 65 pointe à la 29e place malgré toutes ces erreurs de débutants. Samedi, 8 h 30. Zef repart comme une balle mais s’arrête un tour plus tard.
Dans la ligne droite du Mistral, il a tout simplement perdu le couvercle du bocal de maître-cylindre de frein avant. Imaginez la panique dans la courbe de Signes à plus de 200 km/h puisque les freins deviennent totalement inopérants. Lui qui s’était fait sortir l’an dernier dès les essais privés par un concurrent kamikaze devrait aller consulter un exorciste.
Les yeux mouillés
Une fois la frayeur passée et après avoir trouvé de quoi remonter le tout,
Zef repart, bon dernier. Tout est rentré dans l’ordre et à 45 minutes de la fin, c’est mon tour de prendre le guidon pour un dernier relais. Ah oui, j’avais oublié de vous dire que, vu que la moto est beaucoup trop basse, notre carénage frotte franchement par terre et nous empêche de prendre de l’angle. Sans compter que les commissaires de piste nous ont à l’oeil car en cas de casse moteur, celui-ci ne pourra pas retenir l’huile. Le moteur n’a pas cassé, je ne suis pas tombé et à
10 h 30, j’ai passé la ligne d’arrivée. C’était juste avant la pluie et pourtant, j’avais les yeux mouillés. Même si nous ne sommes que 38e, ce projet né en novembre 2018 est arrivé à son terme, puisque pour cette première participation, l’objectif était simplement de finir.
On a un an pour faire de ce cheval de trait un pur-sang : vivement 2020 et le 65e anniversaire de Yamaha !