ATELIER BULL DOCK
Parmi les nombreux préparateurs japonais, il y en a certains qui magnifient les grosses cylindrées des années 70 et 80. Bull Dock en fait partie.
Visite dans l'atelier japonais Bull Dock, l'un des spécialistes du Japan Racer.
Ala fin des années 80, une nouvelle tendance voit le jour au Japon : le « Japan racer ». Il s’agit d’une moto des années 70, équipée d’accessoires modernes.
Ainsi, les suspensions, les roues, les freins, le bras oscillant, l’échappement et les carburateurs sont modernes. Le cadre et le moteur restent d’origine mais ils sont sérieusement modifiés. À l’initiative de cette mouvance, on trouve une nouvelle génération de préparateurs indépendants souhaitant se réapproprier les motos construites par leurs aînés au cours des seventies. Des machines de plus de 750 cm3, à l’époque réservées à l’export, non commercialisées au Japon, à la suite d’un « gentleman agreement » entre les quatre grands constructeurs, des motos devenues mythiques (Kawasaki 900 Z1, Honda CB 900 F et 1100 R, Suzuki 1100 Katana) construites au Japon, par des ouvriers japonais. Des hommes qui les ont conçues, assemblées, parfois testées sur route ouverte, mais qui n’ont jamais pu les acheter. Cette jeune génération considère que ces modèles, dont les trois quarts ont été exportés vers les USA, font partie du patrimoine national nippon et a donc décidé de les rapatrier au pays. C’est dans cette lignée, qui a pris son essor dans les années 90, que s’inscrit depuis plus de vingt ans, Masashuiko Wakui, fondateur de Bull Dock.
L’enseigne est installée dans la préfecture de Tochigi, à Ashikaga, à une heure de route au nord de Tokyo.
Une image différente
Cette région accueille de grands sites industriels dont Bridgestone, Honda et Nissan, d’où la présence de nombreux sous-traitants, hautement qualifiés, travaillant pour ces grandes marques et auxquels Bull Dock a un accès direct : traitements de surface, peintures spéciales, pièces en carbone, composants électroniques... La plupart des motos reconstruites par Bull Dock ont pour base des Kawasaki des années 70. Au Japon, Kawasaki a une image différente de celle des autres constructeurs. La marque d’Akashi fait partie
LES MOTOS PROVIENNENT DU MARCHÉ AMÉRICAIN
d’un groupe industriel indépendant, de plus, elle cultive une image sportive et rebelle depuis l’apparition de la 500 Mach III. Dans les années 90, c’est essentiellement la Z1 qui retient l’attention des préparateurs de « Japan racer ». Devenue rare et chère, la 900 laisse progressivement place à d’autres modèles – mais toujours Kawasaki : 1000 Z1R, 1000 Mk II, 900 GPZ Ninja, 1100 Zephyr. Les motos destinées à être reconstruites sont achetées aux USA et rapatriées par containers vers le Japon.
Des machines hors d’usage, passées de mode et abandonnées dans les casses par les consommateurs américains. Une fois démontés, les cadres sont passés au marbre, renforcés, modifiés puis repeints. Les moteurs sont reconditionnés avec des pièces modernes plus performantes, comme des vilebrequins allégés, des pistons haute compression, des arbres à cames « racing », des pompes à huile trochoïdes, ou encore des boîtes de vitesses à 6 rapports. Bull Dock conçoit et réalise ses propres pièces spéciales (commandes reculées, tés de fourche usinés dans la masse, réservoirs et bras oscillants alu soudés, échappements titane, carrosseries carbone) dans ses ateliers équipés de machinesoutils modernes. D’autres pièces adaptables (suspensions, freins, roues magnésium de marque) sont importées sous licence depuis l’Europe et distribuées à travers tout le Japon.
Une vingtaine de motos par an
Une fois la moto reconstruite par Bull Dock, celle-ci perd son appellation d’origine pour devenir une GT-M, ce qui signifie, en anglais, « Genuine Tuning Machine », que l’on pourrait traduire par « transformation originale ». Selon ses degrés
de sophistication et d’équipement, une GT-M coûte entre 45 000 et 90 000 €. Bull Dock emploie quatre salariés, formés à la mécanique moto dans l’une des écoles financées par les constructeurs. Plutôt que d’intégrer une grande entreprise, ces jeunes diplômés qui roulent avec des « Japan racer » au quotidien, ont préféré rejoindre un préparateur indépendant comme Bull Dock. Ils peuvent véritablement exercer le métier qu’ils ont choisi et qu’ils ont appris : la mécanique moto. Chez leur employeur, ils continuent à être formés en chaudronnerie, soudure et sur tous les types de machineoutil. Chaque mécano suit la reconstruction d’une moto dans sa totalité et il est capable de réaliser l’ensemble des tâches permettant de créer une GT-M complète. Lors de notre visite, Masashuiko Wakui nous a fait visiter les ateliers avec les engins à restaurer, les différents postes de travail, le service pièces détachées et bien sûr, les GT-M en cours de réalisation ou récemment achevées. Avec, en point d’orgue, la 1230 R, réalisation emblématique de Bull Dock.
Une vingtaine de GT-M sont assemblées chaque année, soit 2 machines par mois, et c’est à ce rythme que Masashuiko Wakui et son équipe parviennent à créer quelques-uns des plus beaux « Japan racers » de l’île du Soleil Levant.
UNE MOTO PRÉPARÉE PAR BULL DOCK COÛTE ENTRE 45000 ET 90000 €