LA TRITON DE JIM
Vous pensiez avoir tout vu en termes de Triton ? Admirez un peu cette réalisation anglaise, of course !
C'est en Angleterre que l'on trouve les plus belles Triton. Celle de
Jim Hodges ne fait pas exception.
Cette magnifique Triton est le fruit d’une nouvelle collaboration entre Jim Hodges, ingénieur et fan de motos britanniques depuis toujours, et Neil Adams, de l’atelier Made in Metal (voir MR Classic n° 71). « Il y a quelques années, un ami est venu chez moi avec la Triton qu’il venait d’acheter. Il m’a demandé d’y jeter un coup d’oeil et de voir ce qu’il fallait faire. Je lui ai répondu que tout était à refaire ! » Jim est une sorte de poète mais il a aussi la capacité d’utiliser des machines-outils très performantes et il est intransigeant sur l’apparence et le fonctionnement d’une moto. Neil Adams, qui a fabriqué ou modifié toute la carrosserie, donne un exemple : « J’ai réalisé le dosseret de selle en aluminium et quand il a été fini, Jim m’a dit : “Peux-tu le faire 1 cm moins haut ?”
Il est comme ça. » La première grande décision a été de mettre le moteur au bon endroit.
« Il faut approcher le pignon de sortie de boîte le plus près possible de l’axe de bras oscillant. De cette façon, vous éviterez ce que l’on appelle l’effet de chaîne », explique Jim. Puis il a dessiné de nouveaux supports moteur avec des réglages pour positionner parfaitement la boîte de vitesses. Le moteur, qui s’est avéré être un T110 de 1958/59 avec une culasse de Bonneville, a été entièrement refait. Puis
Jim a monté un embrayage à sec Bob Newby et une transmission par courroie. Concernant la partie-cycle, il a adapté un bras oscillant de Norton Manx qu’il avait dans un coin de son atelier et il a changé les roues de 19 pouces pour des 18 pouces. Les amortisseurs neufs, réglables en hauteur avec deux options de ressort, ne lui ont coûté que £50 (60 €) sur eBay.
Double came John Tickle
En parlant de ressorts, ceux de la fourche Roadholder n’étaient pas adaptés, il a donc fallu les changer et en passant, Jim a modifié les pattes du garde-boue minimaliste. Le frein à tambour John Tickle à double came a remplacé le Fontana et a été peint en noir à la bombe. « C’est très bien si vous suivez les instructions », dit Neil en souriant. Ce dernier a corrigé un autre problème sur la Triton : le réservoir d’essence mal fixé et mal positionné. Après avoir réduit sa hauteur de 10 cm, il l’a repositionné à l’aide de blocs de caoutchouc en dessous et d’une sangle centrale pardessus. La selle fabriquée par Neil s’adapte tout aussi bien. Retirez la goupille de verrouillage au-dessus du reniflard du moteur et elle se rabat vers le haut, permettant d’accéder à la batterie. Surprise, sous cette selle, il y a très peu de fils qui traînent. C’est tout simplement parce
JIM EST À LA FOIS UN POÈTE ET UN PERFECTIONNISTE
que le faisceau, construit par Jeff Chilton, un ami de Jim, est en grande partie caché à l’intérieur des tubes du cadre. Beaucoup d’astuces sur cette Triton ont déjà été utilisées sur la Triton Trident de Jim (voir MR Classic n° 71). « Ce qui prend le plus de temps quand on réalise de telles motos, c’est ce qui peut sembler secondaire.
Par exemple, positionner les repose-pieds et la béquille. J’ai fini par trouver la solution et je l’ai reprise sur cette Triton. » Comme la Trident, le reniflard d’huile débouche dans un petit réservoir en alu surmonté d’un filtre acheté sur eBay. De même, on retrouve des supports moteur anodisés et des boulons en acier inoxydable fabriqués sur-mesure. Les plus beaux écrous sont ceux du cylindre : « Sur les Triumph, les quatre écrous latéraux sont différents des deux avant et des deux arrière. J’ai donc usiné les plus gros pour pouvoir utiliser la même clé sur les huit. » Neil (qui est un ancien concepteur d’échappement chez Motad) a réalisé de magnifiques tubes en inox, ainsi que la béquille latérale, la protection d’échappement, les gardeboue et le support compteur/ compte-tours. Revenons à ces très beaux échappements relevés sur le côté gauche. Ils sont munis de deux silencieux à absorption cachés à l’intérieur et de deux tubes en aluminium à l’extérieur en guise de finition. La longueur a été obtenue en fonction de l’esthétique plutôt que des harmoniques mais ça sonne toujours aussi bien lorsqu’un coup de kick (récupéré sur une T160) réveille le moteur par un après-midi glacial de janvier. En dehors d’une visite au service des mines anglais, c’est le premier roulage de la moto. Pendant que je chauffe le moteur, je me rends compte qu’elle est basse et légère. Et quand je passe la première et que je démarre, elle devient encore plus basse et plus légère. Désolé de briser un mythe mais habituellement, piloter une Triton, c’est un peu comme conduire un bus… En partie à cause de la géométrie qui rend la direction pataude. Celle de
Jim est différente et je n’ai jamais piloté une moto à cadre « featherbed » aussi facile à emmener. Il est étonnant de constater à quel point ce réservoir rétréci change la perception que l’on a de cette moto : avec presque rien sous le guidon, on se retrouve avec une moto beaucoup plus réactive qu’une Triton classique. En fait, ça change tout : pour freiner, pour tourner ou accélérer. Et même sur les routes pavées avec un vent glacial, il y a assez de sensations avec les Avon pour s’amuser. L’été prochain, on doit pouvoir poser le genou par terre ! Je me demande même si on ne pourrait pas emmener la Triton sur un circuit… Je sais bien que le moteur et la partie-cycle ont été entièrement rénovés mais est-ce vraiment un modèle vieux de 50 ans ?
Des disques trop épais
Comme pour toute machine restaurée, il y a pourtant quelques problèmes. Tout d’abord, au passage des vitesses, il y a un craquement dans l’embrayage tout neuf.
Il a été livré avec des disques trop épais et Jim va monter des éléments plus minces et modifier le rapport de levier. On ressent aussi une sensation de chaleur à cause de l’échappement relevé. La protection thermique de
Neil sera modifiée d’ici peu. Sinon, cette moto est un rêve : repose-pieds au bon endroit, selle assez confortable, bracelets pas trop refermés. Le rétroviseur montre ce qu’il y a derrière vous et l’ampèremètre (dans un trou du cuvelage du phare) s’agite avec bonheur. Contre toute attente, Jim explique que cette Triton a été très facile à construire :
« Je ne sais pas pourquoi les gens font tout un plat au sujet des moteurs Triumph. Il suffit de démonter une chose et de la remonter. C’est une journée de travail, boîte de vitesses comprise. » Notez tout de même qu’il fait ça depuis
35 ou 40 ans… Il reprend :
« Je pourrais construire une autre moto comme ça, en six semaines. » La réfection du moteur est une chose mais concernant la partie-cycle,
Jim a trouvé une configuration qui transforme le cadre de Norton Manx en quelque chose de différent. Il ne s’agit pas seulement de la géométrie de la partie avant abaissée, des ressorts de fourche, des amortisseurs à longueur réglable et des roues de 18 pouces. Le fait de conserver des pneus étroits et de parfaitement positionner le moteur dans le cadre apporte aussi beaucoup. J’adorerais en posséder une et pourtant, je n’ai jamais été intéressé par les motos britanniques. C’est vous dire.
L’ÉTÉ PROCHAIN, ON EMMÈNE CETTE TRITON SUR UN CIRCUIT !