CHRONIQUE BOURGEOIS
Christian Bourgeois se souvient des premiers essais de la Kawa 500 H1 et de la Honda CB 750.
Au fil des pages du hors-série Moto Revue Classic Collection consacré aux années 70, je me suis remémoré des faits, et des anecdotes ont resurgi. Commençons par la Kawasaki 500 H1, la moto de tous les superlatifs et de tous les excès. Mon premier contact avec la bête s’est fait dans la cour du 103 rue Lafayette, siège de Moto Revue à l’époque car c’est Gilles Mallet, l’essayeur en chef, qui s’était chargé de la rapatrier depuis le 13e arrondissement, siège de la SIDEMM, importateur de la marque. Elle est magnifique dans sa robe blanche et bleue ; c’est celle que je préfère. Avec sa disproportion entre l’avant et l’arrière, elle a l’air d’un fauve prêt à bondir. Le moteur démarre au premier coup de kick dans le vacarme peu engageant du trois-cylindres deux-temps.
La rotation de la poignée de gaz déclenche un bruit de batterie de cuisine, accompagné d’un nuage de fumée bleue. En effet, le graissage séparé est généreux afin d’éviter tout risque de serrage.
Je sors de la cour pour rejoindre la rue Lafayette. Comme d’habitude, j’ouvre les gaz et je me fais une des plus belles peurs de ma vie. Après un moment d’hésitation, la puissance arrive et la machine se met sur la roue arrière. Je n’ai aucune notion de cette pratique et m’accroche au guidon. Je n’ai même pas le temps de voir le carrefour de la rue d’Hauteville et son feu rouge. Toujours sur la roue arrière, je le franchis. Heureusement qu’il n’y avait personne ! Pas mal pour une entrée en matière mais par la suite, je serai plus circonspect. Car j’aurai l’occasion d’essayer d’autres versions de la Kawasaki H1. Je me souviens de la livrée toute noire. Ayant du temps devant moi et le beau temps printanier aidant, j’ai pris la direction d’Auxerre, via l’autoroute
A6. Dès la sortie de Paris, je mets à fond et m’autorise une vitesse de croisière de 180 km/h. À ce rythme, la consommation est impressionnante. Liée à la petite capacité du réservoir de carburant, l’autonomie ne dépasse pas les 100 kilomètres et il faut tenir compte de la distance séparant deux stationsservice. Cette caractéristique fera de la H1 la moto la plus rapide d’une pompe à une autre. Le reste de la balade s’effectuera à une allure plus raisonnable en empruntant le réseau secondaire. Je me souviens avoir immortalisé cet essai par une photo de la Kawa devant un splendide champ de colza. Mon côté bucolique…
Passons à la Honda CB 750 Four.
« Et puis la 750 Honda est arrivée », « La même qu’Hailwood » titrera Moto Revue. En effet, il faut se replacer dans le contexte de l’époque pour se rendre compte du tsunami : d’un coup d’un seul, avec son quatre-cylindres, elle rend obsolète la quasi-totalité de la production motocycliste. Mais la 750 n’était pas qu’un moteur, on retrouvait sur cette moto tous les ingrédients auxquels les motards aspiraient : 4 pots d’échappement, un démarreur électrique et comme on pourra le constater par la suite, une fiabilité exceptionnelle. Lancée en grande pompe au Pré Catelan, lieu select du bois de Boulogne, je me souviens de Jean-Pierre Beltoise, la vedette de la manifestation, se faisant photographier à son guidon. Il faisait très beau et le tout-Paris était là.
Pour ma part, je ferai connaissance avec la 750 Honda un peu plus tard, à Montlhéry, pour l’heure de vérité. Annoncée pour 200 km/h, notre déception sera grande car nous ne parviendrons pas à dépasser 178 km/h en utilisant toutes les ficelles pour faire un temps sur l’anneau. Grand guidon et démultiplication finale trop courte sont certes des explications mais pas des excuses. En revanche, sur le « circuit routier », véritable juge de paix, l’homogénéité de la quatre-pattes fera la différence et j’établirai à son guidon le nouveau record du circuit, sans réellement forcer. L’honneur était sauf, et la 750 mènera la carrière que l’on connaît. Hasard ou coïncidence, je n’aurai que peu d’occasions de rouler sur route avec la Honda. En revanche, engagé par le constructeur pour disputer le
Bol d’Or 1970 à Montlhéry et disposant du modèle usine qui avait remporté les 200 Miles de Daytona la même année, quelle sera ma surprise de me faire tourner autour, sous la pluie, par les modèles d’origine ! Des commentaires critiques, mais justifiés à l’issue de ce
Bol d’Or dans Moto Revue, me vaudront de me faire proprement virer. Même si sa diffusion restera confidentielle, j’éprouverai beaucoup de satisfactions à utiliser la 750 Honda à boîte de vitesses automatique. Étonnant de la part du pilote de course que j’étais alors. Au chapitre des quatre-cylindres de série, la MV 750 Sport ne rencontra pas le même succès, loin s’en faut, alors qu’elle avait autant de légitimité, voire plus, car en Grands Prix 500, cette marque taillait des croupières à Honda. La moto d’Hailwood était certes dotée d’un moteur ultra-puissant mais il était monté dans une partiecycle approximative. De cela, nous reparlerons dans un prochain numéro.
AVEC LA KAWA 500 H1, JE ME RETROUVE SUR LA ROUE ARRIÈRE