ROYAL ENFIELD VS BENELLI
Architecture populaire par le passé, le gromono revient en force, anobli par la grâce des pays émergents.
Essai comparatif entre la Royal Enfield 500 Classic et la Benelli 400 Imperiale.
Ah, le gros monocylindre, alias gromono ! Il a fait vibrer toute une génération de motards. Et pour cause, puisqu’avant le twin (et donc bien avant le quatre-cylindres), c’était la configuration la plus utilisée dans le monde de la moto. Chez les Anglais, bien sûr, avec la BSA Gold Star, les Norton ES2 et Manx, mais aussi chez Matchless et… Royal Enfield. Et les Italiens étaient eux aussi adeptes de cette architecture simple et bonne à tout faire, sur la route comme en tout-terrain. On citera Gilera avec la Saturno mais aussi Benelli et sa 500 Sport apparue dans les années 30. Par la suite, que ce soit de l’autre côté du Channel ou des Alpes, invasion nipponne oblige, l’intérêt pour le monocylindre a fortement molli et seul Yamaha avec ses XT et
SR 500 a su redorer le blason du « big thumper » comme disent les Américains.
Motobi pas Benelli
Il n’y a pas si longtemps d’ailleurs, la SR était toujours disponible chez nous en version 400 cm3, histoire peut-être de donner la réplique à la Royal Enfield 500, dernière représentante d’une lignée prestigieuse. Et puis il y a deux ans, à l’occasion du
Salon de Milan, Benelli a présenté une bien jolie 400 baptisée Imperiale. Peut-être une référence à l’Empire du milieu, pays d’où viennent les nouveaux propriétaires de la marque italienne. Plus vraisemblablement un clin d’oeil à l’Enfield qui se veut Royal. Ah oui, certains vous diront que, dans les années 60, une Benelli 175 à soupapes culbutées portait aussi ce nom. Certes, mais si l’engin avait bien été conçu par Giuseppe Benelli, elle a été vendue sous la marque Motobi. Rendons à César ce qui appartient à César. Peu importe, le plus important est que deux ans
LE GROMONO A FAIT VIBRER TOUTE UNE GÉNÉRATION DE MOTARDS
après sa présentation, l’italienne soit enfin disponible chez les concessionnaires Benelli français. Et nous, c’est chez un concessionnaire Royal Enfield que l’on a rendez-vous par un froid matin de janvier. Oui mais attention, pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de Tendance Roadster, le plus gros vendeur en France ! C’est même Guillaume Tirard, le maître des lieux, qui nous attend au guidon d’une Bullet Classic. En bon professionnel, il ne résiste pas à l’envie de détailler la Benelli : « Je guette son arrivée depuis quelque temps, car c’est potentiellement une concurrente de la Royal Enfield », avoue-t-il. Allez, honneur à la petite dernière, nous aussi, on va commencer par elle. Le moteur d’abord.
Avec 375 cm3, il « rend » donc 125 cm3 à la Classic mais il est équipé d’une distribution par arbre à cames en tête.
Les ingénieurs italiens ne pouvaient pas faire moins.
Sauf que malgré tout, il rend aussi 7 chevaux au gromono anglo-indien qui n’est déjà pas un foudre de guerre… On verra tout à l’heure, sur la route. En tout cas, ce moteur est plutôt joli même si malheureusement, il a été peint en noir, à l’instar du bicylindre Kawasaki W800. Puisqu’on cause esthétique, arrêtons-nous un instant sur la ligne de l’italienne. Si la partie avant et l’ensemble selle/ réservoir sont réussis, voire très réussis, en revanche, quel dommage que la partie arrière soit aussi lourde ! Le coupable, c’est ce garde-boue deux fois trop gros. On a l’impression que les designers ont copié un arrière de custom japonais des années 90, comme en témoignent les deux « lames » qui tiennent le garde-boue. C’est regrettable car ça jure avec l’avant bien proportionné et ça ajoute du poids inutile, ce gardeboue étant en acier et non en plastique. Passons à la 500 Classic, que l’on ne présente plus. À côté, elle semble beaucoup plus massive avec son gros réservoir, ses garde-boue enveloppants (mais pas disproportionnés) et sa culasse surdimensionnée. Bon d’accord, mais sur la balance, ça donne quoi, tout ça ? Caramba, encore raté ! Benelli annonce 200 kg et Enfield 5 kg de moins.
Comme quoi, les apparences sont trompeuses. Allez, trêve de bavardages, on prend la route. Enfin, on essaye. Contact. Là encore, la différence entre l’italienne et l’anglaise est flagrante.
Kick pour motard hard-core
Cette dernière arbore toujours fièrement son carénage de phare qui accueille deux veilleuses mais aussi un gros compteur, un témoin de charge et donc le contacteur. Du classique, qu’on vous dit ! Sur la Benelli, c’est moins glamour, avec compteur et compte-tours analogiques, certes, mais agrémentés d’afficheurs digitaux qui
ont au moins le mérite de fournir un tas d’informations. Bon, le contact est mis, depuis un moment d’ailleurs ; il faut démarrer. Là encore, l’Enfied marque un point avec, en plus du démarreur, un kick qui ravira le motard hard-core. La Benelli, elle, ne propose qu’un démarreur électrique. Sélecteur à gauche, première en bas, et c’est parti pour l’équipée sauvage dans l’Ouest parisien. Enfin, toutes proportions gardées. Déjà, en termes d’émissions sonores, c’est plutôt discret grâce
(ou à cause) des énormes silencieux longs comme un jour sans pain. On se faufile donc en silence sur les quais de Seine encombrés sans aucune difficulté, les deux gromonos étant du genre maniable. Même si le rayon de braquage de l’Enfield est plus court. Encore un point de marqué pour l’Angleterre et l’Inde. L’axe italo-chinois va-t-il pouvoir relever la tête ? Pas au chapitre de l’accélération et des reprises en tout cas mais on s’en serait douté. Avec sept chevaux de mieux, la reine caracole devant l’impératrice. De plus, la première citée affiche davantage de caractère, presque comme avec les monos d’antan, tandis que la puissance et le couple de sa concurrente sont placés plus haut dans les tours, arbre à cames en tête oblige. Avec un gros piston, pour en faire une 500 cm3, la Benelli pourrait évidemment combler son handicap. La pauvre est aussi un peu en retrait concernant le freinage. Mais on mettra ce manque de mordant sur le dos des plaquettes pas encore rodées, notre machine affichant vraiment peu de kilomètres. Vous allez donc me dire qu’il n’y a aucun intérêt à s’acheter une Imperiale 400. Erreur, car là où la Benelli marque des gros points, c’est avec son prix : 4 399 €, contre 5 795 € pour l’Enfield. Maintenant, j’en vois déjà
AVEC SEPT CHEVAUX DE PLUS, LA REINE CARACOLE DEVANT L’IMPÉRATRICE
certains qui vont douter de la fiabilité de cette sympathique motocyclette en arguant de ses origines chinoises
(voir l’historique Benelli). En général, l’aspect extérieur est un bon baromètre : la mécanique d’une moto à la finition douteuse est souvent du même acabit. Cette Benelli est plutôt bien finie et, de plus, lorsqu’on s’offre ce genre de machines, c’est rarement pour rouler à fond à longueur de journée mais plus souvent pour musarder, à la ville comme à la campagne. Enfin, à l’instar de Royal Enfield, Quinjang, qui fabrique les
Benelli, n’a aucun intérêt à proposer des machines fragiles si la marque veut conquérir les marchés européens. Dernières représentantes d’un genre mécanique légendaire, la Classic et l’Imperiale n’appartiennent pas tout à fait à la même catégorie. Si la première a déjà séduit de nombreux clients, elle va bientôt tirer sa révérence pour une version qui devra répondre aux futures normes antipollution. On parle déjà d’une 350 à arbre à cames en tête. Tandis que chez Benelli, on évoque une 500 Imperiale…
LES DERNIÈRES REPRÉSENTANTES D’UN GENRE MÉCANIQUE LÉGENDAIRE