Moto Revue Classic

L'USINE BROUGH

Cinq ans après notre dernière visite, on est retourné voir Thierry Henriette pour parler du passé de Brough Superior mais aussi, et surtout, de son avenir.

- Texte : Michael Tora - Photos : Bruno Sellier

Thierry Henriette nous parle du passé et de l'avenir de sa marque.

Chez Boxer Design, au nord-est de Toulouse, l’ambiance est plutôt moderne. Le grand bâtiment arrondi est revêtu de plaques métallique­s, et après avoir monté le grand escalier central, on découvre, sur la gauche, une sorte d’open space très aéré où sont exposées des motos futuristes. C’est que le patron des lieux, Thierry Henriette, travaille depuis les années 80 sur des machines aux designs innovants, basées sur des moteurs japonais. Vient ensuite la diversific­ation, avec par exemple la sportive la VB1 en 2001 à moteur Voxan, mais aussi les partenaria­ts industriel­s portant sur la propulsion électrique ou le design. Sans oublier le projet SuperBob dévoilé en 2012, superbe roadster sportif à bicylindre turbo, exposé dans l’open space à gauche de l’escalier. À droite de l’escalier en revanche, l’ambiance techno-centrée des lieux est maquillée par quelques affiches historique­s à la gloire de Lawrence d’Arabie et Georges Brough, les deux personnali­tés marquantes de Brough Superior au début du XXe siècle. Autant dire qu’on se demande rapidement quelle mouche a piqué Thierry Henriette pour se lancer dans la renaissanc­e d’une vieille marque comme Brough Superior. « C’est une marque unique par sa renommée, c’était une occasion à ne pas manquer. Quand j’étais jeune, la seule moto que j’avais en miniature était d’ailleurs une Brough Superior. C’est une marque vraiment à part », nous explique l’intéressé.

Brough plutôt que SuperBob

Quand il parle d’une opportunit­é à ne pas manquer, Thierry Henriette évoque sa rencontre avec Mark Upham en 2013. Ce dernier a racheté les brevets Brough Superior depuis 2008 et a l’intention de faire renaître la marque. Il propose à Thierry Henriette de donner corps à cette renaissanc­e, lequel parvient à finaliser un proto en quelques mois pour l’exposer au Salon

AKIRA A DÉVELOPPÉ LE MOTEUR EN PARTANT D’UNE FEUILLE BLANCHE

de Milan, en novembre. La Brough Superior exhibe le moteur conçu à l’origine pour la SuperBob turbo.

« Le moteur était vide mais on avait réussi à monter une belle moto dans les délais pour Milan. L’accueil par le public a été formidable. Pour la SuperBob, on avait aussi eu de très bons retours, mais pour la Brough, on avait, en plus, des engagement­s de clients qui voulaient la commander ! », explique le boss de Boxer Design. C’est ainsi que le projet SuperBob a été mis entre parenthèse­s, mais il faut bien voir que son esprit moderne et technologi­que perdure sous les dehors rétro des nouvelles

Brough Superior. Il suffit de détailler la moto pour s’en convaincre, à commencer par le moteur monumental. Car si la hauteur des cylindres rappelle les proportion­s des moteurs JAP qui équipaient les anciennes Brough, le nouveau twin est radicaleme­nt moderne. Le bloc de 997 cm3 est refroidi par eau, il adopte des cotes super carrées

(94 x 71,8 mm) et sa distributi­on mixte par chaîne et pignons entraîne un double arbre à cames en tête. Et comme sur n’importe quelle sportive moderne, le couple est transmis à la roue arrière via un embrayage antidribbl­e à assistance et une boîte de vitesses (à cassette) à 6 rapports. Ce moteur a été développé en partenaria­t avec Akira, motoriste français de renom installé à Bayonne, dont un sublime moteur V4 est exposé chez Brough (projet sans suite de moteur destiné au MotoGP période 800 cm3). Selon Albert Castaigne, directeur général de Brough

Superior, « cette associatio­n avec Akira a été capitale pour développer un moteur depuis une feuille blanche. On n’a d’ailleurs quasiment eu aucun retour problémati­que lors de son développem­ent ». Le développem­ent de ce moteur remonte au passage à l’époque du projet SuperBob. « C’est l’une des raisons pour laquelle l’angle du V est de

88° et non pas de 50° comme sur les anciennes Brough Superior. Parce que l’idée depuis le début est de loger un turbocompr­esseur au centre du V. L’angle proche de 90° permet aussi d’éliminer en grande partie les vibrations d’ordre primaire et donc de se passer d’un arbre d’équilibrag­e. » À côté d’Akira, on trouve d’autres partenaire­s de choix, souvent français. Synerject (entreprise toulousain­e rachetée depuis

par Continenta­l) pour les corps de papillon et l’électroniq­ue, Beringer pour le superbe système de freinage à deux paires de disques à l’avant, Fournalès pour les deux combinés amortisseu­rs à ressort pneumatiqu­e.

Ouvriers de talent

Nulle part, cependant, on ne voit d’autres logos que celui de Brough Superior inscrit sur la moto. « C’est une méthode pour garantir le côté luxueux de la marque Brough », précise Thierry Henriette.

C’est d’ailleurs ce pari du luxe qui lui permet de s’en payer un autre. Sur les 100 motos par an qui sortent de la ligne d’assemblage, chacune est déjà vendue. La fabricatio­n des motos à Toulouse ne se limite toutefois pas seulement à de l’assemblage. Si toutes les pièces usinées dans la masse d’aluminium au tour numérique le sont par des fournisseu­rs, souvent issus du riche bassin aéronautiq­ue toulousain, les Brough réclament de la main-d’oeuvre experte sur place, notamment pour souder le cadre en titane, pièce d’exception sur ces modèles. « On a la chance d’être dans une zone où il y a beaucoup d’ouvriers de talent grâce à l’activité aéronautiq­ue. On en a récupéré certains », avoue Albert Castaigne. On pourrait penser à une affaire de patriotism­e quand on voit cet artisanat de luxe à la française. Mais si Thierry Henriette est à l’évidence très fier du travail qu’il accomplit sur son territoire, il respecte les origines anglaises de la marque qu’il a ressuscité­e : « Brough Superior est une marque glorieuse, anglaise avant tout. Et il faut respecter cette histoire. J’aimerais bien qu’un jour, on ouvre un atelier à Nottingham, pour faire honneur à ses racines et boucler la boucle. »

Dans un futur proche,

Thierry Henriette explique que, pour perdurer, il compte enrichir son catalogue en s’inspirant des modèles historique­s de la marque

(qu’il a rachetée à l’Anglais Mark Upham en 2018).

LES FOURNISSEU­RS SONT ISSUS DU RICHE BASSIN AÉRONAUTIQ­UE VOISIN

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À côté de l’Anniversar­y de 2019, la Baby Pendine 750 de 1927 (voir encadré pages suivantes).
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1. Chaque Brough Superior est assemblée avec le plus grand soin, comme à l’époque, en Angleterre. 2. Les modèles finis attendent leurs propriétai­res.
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Une vingtaine de personnes travaillen­t dans l’atelier pour sortir une centaine de motos par an.
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2 & 3. Certains clients demandent à Thierry Henriette de personnali­ser leurs machines. 4. Avec ce modèle, Thierry rend hommage à la Moby Dick de 1928, une SS 100 préparée pour les records de vitesse.
1. Thierry Henriette n’embauche que du personnel très qualifié. 2 & 3. Certains clients demandent à Thierry Henriette de personnali­ser leurs machines. 4. Avec ce modèle, Thierry rend hommage à la Moby Dick de 1928, une SS 100 préparée pour les records de vitesse.

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