EMC MOTORCYCLES
Avant les amortisseurs EMC, il y a eu les motos EMC créées par Josef Ehrlich, un ingénieur atypique et plutôt doué.
L'histoire de l'Austro-anglais Joe Ehrlich.
Josef Ehrlich, fondateur de la marque EMC, était un personnage original. Original mais inventif, il n’a cessé de proposer des conceptions innovantes jusqu’à sa mort en septembre 2003, à l’âge de 88 ans. Cet ingénieur vif et fringant, universellement connu sous le nom de « Doctor Joe », a toujours été impliqué dans le monde de la moto, depuis le début des années 1930, lorsqu’entre deux doctorats en génie mécanique en Autriche, il a participé à des courses sur une Puch 250 et une Sunbeam 500.
Né à Vienne pendant la Première Guerre mondiale, il a quitté l’Autriche en 1936 après son annexion par les nazis et les persécutions contre les juifs qui ont suivi.
« Je n’aimais plus cet endroit », m’a-t-il dit un jour, dans un euphémisme magistral. « J’ai donc accepté une offre pour venir en Grande-Bretagne afin de concevoir un moteur diesel, et je m’y suis tellement plu que je suis resté. » Une fois en Grande-Bretagne, le Dr Joe a servi son pays d’adoption pendant la Seconde Guerre mondiale en travaillant sur plusieurs projets, notamment une bombe volante sans pilote propulsée par un moteur deux-temps que le ministère de l’Air a rejetée, la jugeant contraire à la Convention de Genève.
Machines de guerre
Pourtant, six mois plus tard, les nazis ont commencé à lancer leur V1… Ehrlich conçoit également une mitrailleuse et divers moteurs auxiliaires, mais sa plus célèbre invention est une petite voiture aéroportée qu’il conduit sur les marches du ministère de la Guerre à Whitehall pour en démontrer les capacités. Conçue pour être utilisée par les parachutistes, elle est arrivée trop tard pour entrer en production avant la fin de la guerre. La paix revenue en 1946, Ehrlich décide de se lancer dans la fabrication de motos sous le label EMC, pour Ehrlich
APRÈS LA GUERRE, JOSEF EHRLICH LANCE SA MARQUE DE MOTOS
Motor Company. « J’ai toujours voulu fabriquer mes propres motos, et je voyais bien que dans la Grande-Bretagne d’après-guerre, les ventes de 2-roues allaient connaître un énorme essor, m’a-t-il raconté. J’ai donc commencé à produire une 350 cm3 deux-temps à double piston en avril 1947, en utilisant mon propre moteur. Mais je suis devenu trop important en peu de temps pour les autres fabricants, alors, ils se sont arrangés pour que je ne sois plus fourni en pièces détachées et j’ai dû arrêter. Après quelque temps, j’ai redémarré en important d’Autriche des moteurs Puch de 125 et 250 cm3 et je les ai adaptés à mes cadres. EMC a fabriqué environ 1 200 motos en tout, avant que la marque de voitures Austin ne me fasse une bonne offre : j’ai fait partie de l’équipe dirigée par Alex Issigonis qui a conçu la Mini. » Sa fabrique de motos sera finalement liquidée en mars 1953 mais avant ça, Ehrlich avait construit une 350 de course refroidie par eau et munie d’un piston-pompe, inspirée des DKW d’avantguerre. Avec cette moto
(elle développait 45 ch à 5 500 tr/min), Les Archer a remporté le prestigieux Hutchinson 100 en 1947. Malheureusement, la FIM a interdit la suralimentation en 1950 et donc les moteurs à piston-pompe.
Sa vraie passion, la course
Qu’à cela ne tienne, deux ans plus tard, les EMC à moteur Puch sont engagées en catégorie 125 avec un certain succès : Burman termina 6e au TT Ultra-Lightweight et son coéquipier Mavrogordato, 9e.
Après l’épisode automobile avec Mini, Ehrlich a travaillé pour l’avionneur De Havilland, à la tête de sa division « petits moteurs ». Parallèlement, dans un coin de l’usine, il développait une 125 de course à distributeur rotatif. Très compréhensifs, les dirigeants de De Havilland l’ont même sponsorisé.
« Nous n’avons jamais gagné un Grand Prix en championnat du monde, mais nous avons été très proches de la victoire avec Mike Hailwood, Rex
Avery (un employé de De Havilland), Paddy Driver,
Derek Minter et Phil Read qui roulaient pour moi. J’ai jeté l’éponge en 1964, nous ne pouvions tout simplement pas suivre les Japonais avec notre budget, expliquait-il. Quand j’avais des boîtes de vitesses à 6 rapports, ils en avaient 8 ; quand j’ai construit une boîte à 8 rapports, ils en ont produit une avec 10 ou 12 rapports. Quand j’avais un monocylindre, ils avaient des bicylindres ; quand j’ai construit un bicylindre, ils ont fait des 4-cylindres… » Mike Hailwood parvint cependant à se hisser à la cinquième place du championnat du monde 125 GP de 1962, battant tous les pilotes d’usine Suzuki et MZ et seulement précédé par les quatre pilotes Honda. Avec l’EMC, Mike a également battu le champion du monde de cette année-là, son ancien coéquipier Luigi Taveri et Honda d’usine, lors du GP de Sarre en Allemagne, une course hors championnat. Après avoir abandonné la course de moto, le Dr Joe est allé travailler pour les fabricants américains de moteurs hors-bord Evinrude et Johnson, les aidant à remporter une série de titres mondiaux. Parallèlement,
DURANT LES SIXTIES, EN GP, IL NE PEUT LUTTER CONTRE LES JAPONAIS
il s’est impliqué dans la course automobile, tout en travaillant pour British Leyland en tant que consultant, et en développant sa propre gamme d’outils pour machines. Contre toute attente, en 1981, le Dr Joe revient dans le monde de la moto, en préparant la Waddon 250 à moteur Rotax. Avec cette moto, l’Irlandais Con
Law a remporté le TT de l’île de Man et cette victoire a décidé Ehrlich à faire revivre le nom EMC en construisant ses propres motos deux ans plus tard : « J’ai vendu tout ce qui touchait à la course automobile et j’ai travaillé jour et nuit avec quelques personnes pendant deux mois pour élaborer de nouvelles motos, une 125 et 250, équipées de moteurs Rotax. » Pour sa première sortie, à Daytona, la 250 a terminé troisième sur 120 participants ! Puis, en juin, sur l’île de Man, Con Law s’est imposé au Junior TT.
En 1993, tout est fini
Et ça continue l’année suivante avec l’Australien
Graeme McGregor qui remporte le Lightweight TT sur l’EMC 250. Malgré tout,
Joe Ehrlich doit puiser dans ses propres fonds pour faire rouler Andy Watts en Grands Prix. Ça n’a pas empêché ce dernier de monter sur le podium à Silverstone tout près de la première place prise par Christian Sarron.
Les motos de Dr Joe continuent de s’illustrer dans le championnat anglais et trois ans plus tard, Pepsi-Cola se décide de financer l’EMC, toujours équipée du moteur Rotax préparée par Ehrlich mais montée maintenant dans
un cadre Harris. Avec le pilote Donnie McLeod, la première année de l’équipe Pepsi-EMC, une saison de développement, ne s’est soldée que par deux neuvièmes places aux GP de France et de Suède. En 1988, c’est mieux, McLeod termine à la 12e place du championnat du monde devant l’Aprilia d’usine utilisant le même moteur. Mais la saison 1989 est catastrophique et c’est la dernière apparition d’une EMC en course. En 1993, Ehrlich cède la marque à Peter Gotzl qui lance une marque d’amortisseurs sous ce nom. La suite, vous la connaissez.