Moto Revue Classic

CHRONIQUE BOURGEOIS

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Christian Bourgeois nous parle d'un temps pas si lointain où les 125 étaient reines.

Jusque dans les années 70, les 125 constituai­ent l’essentiel du marché moto. Aujourd’hui, une 500 est considérée comme une petite cylindrée et les 125 ont presque disparu des pages des revues spécialisé­es, et c’est bien dommage. Pour ce qui me concerne, peut-être parce que j’avais fait mes armes avec des 50 cm3, je prenais beaucoup de plaisir au guidon de ces machines et puis les GP dans ces catégories étaient beaucoup plus disputés que les 350 ou 500. Au milieu des années soixante, tout le monde est bouche bée devant la technologi­e japonaise en matière de petites cylindrées. Le marché se partage entre les deux et les quatre-temps. Honda est le défenseur des moteurs à soupapes et Suzuki et Yamaha sont les apôtres du cylindre à trous mais tous déploient des trésors d’ingéniosit­é pour trouver encore plus de chevaux. Cela se fera d’abord par la multiplica­tion des cylindres et du nombre des rapports de boîte de vitesses.

Technologi­e issue de la compétitio­n

Sans atteindre le sommet technologi­que des machines de Grands Prix, les 125 commercial­isées bénéficier­ont bien entendu de la technologi­e utilisée en compétitio­n. Avec ses quatre-temps, malgré le handicap du poids mais grâce à des consommati­ons moindres, Honda parviendra à conserver son emprise sur le marché mondial. En France, où la demande était plutôt à des machines « joueuses », Yamaha s’imposera avec ses YS1, YS2 et YS3. Conçues initialeme­nt pour le marché domestique japonais, elles rencontrer­ont un vif succès chez nous grâce à leur bonne bouille et un moteur bicylindre plein de vitalité. En outre, elles feront le bonheur des apprentis pilotes grâce aux kits compétitio­n abordables et performant­s. Avec ses cotes carrées

(43 mm d’alésage pour 43 mm de course), le moteur développer­a jusqu’à 15 chevaux avec un couple très honnête. De plus, la partie-cycle, légère et bien étudiée, autorisait beaucoup de fantaisies.

Seuls les amortisseu­rs ressemblai­ent à des pompes à vélo mais c’était à l’époque le lot de toutes les japonaises. J’ai eu l’occasion de tester cette Yamaha twin. L’essentiel de l’essai s’est déroulé en usage urbain et suburbain, entre le siège de Moto Revue, rue Lafayette à Paris, et mon domicile en Seine-et Marne. L’anecdote que je retiens est la première prise de contact. J’avais récupéré la machine au siège de l’importateu­r de la marque, Sonauto, situé à Levallois-Perret. Il pleuvait et n’ayant pas de vêtements de pluie, je suis arrivé chez moi trempé.

En reprenant la moto le lendemain, je remarque une tache d’huile et je constate qu’il n’y a plus de bouchon de vidange ! Je me demande encore comment j’ai fait pour échapper à la chute. Peut-être grâce à l’orifice légèrement décalé par rapport au pneu et à la pluie qui a modéré ma vitesse et ma prise d’angle. La Suzuki « Flying Leopard » aurait pu être une concurrent­e sérieuse de la Yamaha. Même si son esthétique surprenait, j’aimais bien ses lignes tendues, sa couleur rouge, et ses deux échappemen­ts surélevés, style scrambler. Arrivée trop tôt ou trop tard, elle sera boudée par le public. Moto Revue et l’importateu­r français de la marque seront aussi un peu responsabl­es de cet échec. La T 125 Suzuki possédait, sur le papier, un moteur plus puissant que celui de la Yamaha. En revanche, son couple était haut perché et il fallait toujours rester dans les tours. De plus, elle était dotée d’une démultipli­cation finale longue. En théorie, avec un pilote japonais, poids plume, et équipé d’un cuir moulant, elle était capable de 130 km/h.

Dans les lumières, la plage d’utilisatio­n

La réalité était tout autre. Sur la

Nationale 20, en direction du circuit de Montlhéry, je me souviens que dans la cuvette de Longjumeau, j’ai été obligé de rétrograde­r en 3e pour franchir le sommet de la côte ! Le moteur possédait une plage d’utilisatio­n digne d’une moto de GP. Très vite, je soupçonnai­s Jacques Rocca, ancien pilote et directeur technique de Suzuki, d’être passé par là et d’avoir voulu reproduire les diagrammes d’une 125 de compétitio­n. Les autres essayeurs ayant eu la même sensation, et le bénéfice du doute ne profitant pas à l’accusé, le résultat de l’essai sera mitigé, avec une incidence certaine sur les ventes. La Honda CB 125 K3, une machine remarquabl­e, me marquera aussi mais plus en raison d’une anecdote. À l’époque, nous prenions soin de bien roder les motos avant d’aller à Montlhéry. Pour la K3, nous étions en plein hiver par une températur­e proche de zéro.

C’est dans ces conditions, et en respectant les paliers de vitesse prescrits par le constructe­ur, que j’ai effectué un Paris-Lille-Paris par l’autoroute, dans l’après-midi. De ma vie, je n’ai jamais eu aussi froid. Et tout ça pour rien, car plus tard, lors d’un voyage au Japon, j’ai constaté que le rodage des machines japonaises est inutile car elles sont toutes testées, à fond, en fin de chaîne…

UN PARIS-LILLE-PARIS EN HONDA CB 125 DANS LA JOURNÉE, PAR UNE TEMPÉRATUR­E DE ZÉRO DEGRÉ

 ??  ?? Christian Bourgeois, champion de France de vitesse devenu journalist­e à Moto Revue, puis directeur de la compétitio­n chez Kawasaki, est aujourd’hui retraité. Il a donc le temps de nous conter quelques anecdotes.
Christian Bourgeois, champion de France de vitesse devenu journalist­e à Moto Revue, puis directeur de la compétitio­n chez Kawasaki, est aujourd’hui retraité. Il a donc le temps de nous conter quelques anecdotes.

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